Pas d'amalgame ? - France Catholique

Pas d’amalgame ?

Pas d’amalgame ?

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Impossible de s’arracher à l’actualité. Mais on me permettra de l’envisager sous l’angle que j’avais choisi lundi dernier. En effet, en me référant à René Girard, je ne voulais pas échapper au caractère religieux du terrorisme, mais en spécifiant bien de quoi il retournait avec ce religieux-là. Il y a chez beaucoup d’analystes la crainte d’être taxés d’islamophobie et ainsi de sembler rejeter tous les musulmans dans le camp extrémiste. Pas d’amalgame, dit-on à juste titre, bien que la polémique fasse rage à ce propos sur les réseaux sociaux, car « pas d’amalgame » cela peut vouloir dire refus de parler de ce qui fait mal et qui est pourtant décisif. En ce sens-là, il est vrai qu’on a affaire à une dérobade et même à une faute grave. C’est Soheib Bencheikh, musulman fervent et cultivé, qui nous en conjure dans le dernier numéro de Marianne : « Cessons d’avoir peur d’être taxé d’islamophobie et aiguisons notre esprit critique. »

L’esprit critique doit, selon lui, s’exercer d’abord à l’égard du salafisme, idéologie mortifère. Je ne pense pas que Soheib Bencheikh serait en désaccord avec moi en envisageant cette idéologie sous l’angle de René Girard, c’est-à-dire de la détection du religieux archaïque, dont la complicité avec la violence est la première caractéristique. Ce religieux archaïque conçoit une vision sacrificielle du monde, qui jette un voile d’ignorance sur l’innocence des victimes. Le Dieu vengeur exige le châtiment des impies et sa colère est aveugle ; de même, les vengeurs de la nuit du 13 novembre exerçaient leur violence aveugle sur des victimes dont ils refusaient de reconnaître le visage. Le religieux archaïque ignore ce que le Dieu miséricordieux du Coran pourrait pourtant suggérer à ses fidèles. Du coup, il ne poursuit qu’un seul dessein meurtrier, s’inscrivant dans le mouvement de possession, prophétiquement décrit par Dostoïevski dans son grand roman, dont le titre se décline en français sous une double forme suggestive : Les possédés ou les démons. Mais Dostoïevski parlait des nihilistes russes de son temps. Il n’envisageait pas que des religieux puissent être enchaînés au même entraînement satanique, celui de la perversion du sacré.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 novembre 2015.