Mais que souhaiter pour la Syrie ? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Mais que souhaiter pour la Syrie ?

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L’avenir de la Syrie demeure toujours plus qu’en pointillé. D’un côté, nul ne peut être assuré de la chute du régime de Bachar el-Assad, d’aucuns envisageant même qu’il puisse se replier sur sa base confessionnelle, recréant en quelque sorte l’État des Alaouites qui avait existé sous une partie du mandat français dans l’entre-deux-guerres. De l’autre, si les insurgés font preuve d’une assez grande capacité offensive sur le plan militaire, on ne peut que s’interroger sur le régime qu’ils instaureraient, notamment à l’égard de la minorité chrétienne — plus d’un dixième de la population, soit à peu près deux millions et demi de personnes.

Malgré la continuité d’appréciation entre les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, il faut se garder de la vision assez unilatérale donnée par la majorité des médias français. Ceux-ci présentent en effet généralement les rebelles comme des combattants de la liberté en lutte contre un odieux et sanguinaire tyran. Ce qui s’est déroulé dans les trois pays arabo-musulmans dont les dirigeants plus ou moins dictatoriaux ont été chassés en 2011 devrait inciter à une certaine prudence dans la présentation et l’analyse des faits. Cela n’empêche pas, bien sûr, de s’inquiéter de la férocité de la répression et de l’éventuelle utilisation d’armes chimiques, même si le régime a affirmé que ces dernières « ne seront utilisées que dans le cas où la Syrie devrait faire face à une agression extérieure ». Mais Amnesty International n’a pas hésité à demander aux uns et aux autres de cesser les « exécutions sommaires », précisant que « les deux parties achèvent de façon délibérée et illégale » leurs prisonniers. Dans ces conditions, on peut craindre que le cap des 20 000 morts qui, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, vient d’être atteint soit vite dépassé.

Il existe pourtant un véritable sentiment national en Syrie, qui remonte maintenant à près d’un siècle et que le régime baasiste a très bien su utiliser. Ce sont d’ailleurs peut-être, d’une façon qui n’apparaît paradoxale qu’au premier abord, les minorités qui en sont le plus imprégnées — ainsi que les plus ou moins lointains héritiers des diverses formes du « socialisme arabe ». En outre, il n’est pas certain que les menées de puissances régionales comme la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite et le Qatar soient très appréciées des Syriens — tout comme l’attitude de Moscou et de Pékin, indéfectibles soutiens de Bachar el-Assad à l’Onu.

C’est la raison pour laquelle les supputations formulées depuis l’étranger doivent être considérées avec beaucoup de prudence. On parle ainsi beaucoup, en ce moment, du général Manaf Tlass : ce haut gradé de la Garde républicaine, lié à beaucoup de généraux soutenant encore le régime, a quitté Damas pour la France le 6 juillet et certains affirment qu’il aurait été choisi par les Occidentaux pour remplacer l’actuel chef de l’État. Dans cette perspective, il pourrait assurer l’ordre dans le pays tandis que se mettraient en place les nouvelles institutions préparées par un groupe d’une cinquantaine d’opposants réunis à Berlin.
Jean Étèvenaux