Les difficultés des Béatitudes - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Les difficultés des Béatitudes

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La communauté des Béatitudes a été fondée en 1973 par Gérard (Ephraïm) Croissant, un ancien pasteur qui deviendra diacre catholique, et sa femme, Jo. Elle compte aujourd’hui plus de 1000 membres, dont une centaine de prêtres, avec plus de 75 implantations dans le monde, dont une trentaine en France où elle a une belle revue mensuelle ( Feu et Lumière ) et une maison d’édition dynamique. Ses responsables ont été convoqués à Rome le 3 décembre par le cardinal Rylko et le Conseil pontifical pour les laïcs. Il a été demandé à cette Association Internationale Privée de Fi­dèles de réviser ses statuts. Ses branches féminines et masculines devront emprunter des formes plus classiques dans l’Église : le mé­lange de laïcs consacrés et de familles dans un même lieu ne sera plus autorisé. Le Père Étienne Richer, porte-parole de la communauté a, dans un communiqué du 8 décembre, indiqué que ces fermes recommandations du Vatican constituaient une nouvelle étape dans un processus normal de re­connaissance ecclésiale.

Sans doute, mais cette reprise en main s’inscrit dans un contexte délétère. Cela faisait plusieurs années que des dérives étaient dénoncées par d’anciens membres de la communauté, évoquant notamment des pratiques de direction spirituelle confinant à l’exercice illégal de la méde­cine. Par ailleurs, au fur et à mesure que l’on s’éloigne des années 70, et de leur climat de militantisme généreux, certaines pratiques, que l’on aurait qualifiées en d’autres temps et lieux d’autogestionnaires, mais consistant plus ou moins à vivre des minima sociaux, sans trop se soucier de cotiser pour une éventuelle retraite, par idéal évangélique, sont de moins en moins acceptées par les membres eux-mêmes, pour ne rien dire de l’administration fiscale et de l’opinion publique, très sensible, elle, à certains faits divers.

Or un ancien frère a été mis en examen à Rodez après avoir re­connu des actes de pédophilie au sein de la Communauté. Ephraïm a été arrêté par la police des frontières à Roissy, et gardé à vue, les 10 et 11 novembre, afin d’être in­­terrogé sur sa connaissance éventuelle des agissements du pédophile. D’autres responsables de la Communauté ont été interrogés par la justice sur le même sujet. N’ont-ils pas fait preuve d’aveuglement et d’imprudence en accueillant trop de personnes psychologiquement fragiles sans prendre les moyens de les encadrer, en s’imaginant pouvoir soigner leurs troubles par la simple prière ou des thérapies non reconnues par la médecine officielle, en les mettant en contact avec des familles elles-mêmes trop désarmées par leur idéalisme chrétien ? Y a-t-il eu d’autres faits délictueux qui n’ont pas été signalés à la justice par ceux qui exerçaient une autorité ? Ou plus simplement des situations inacceptables d’exploitation économique, d’abus de pouvoir, etc. 

Une certaine presse, des officines spécialisées dans la contestation du fait reli­gieux, s’emploient à faire monter la mayonnaise médiatique. Le Vatican, instruit par l’expérience anglo-saxonne, entend agir vite et fort. Mais l’éradication d’un genre de vie novateur, et qui a porté de beaux fruits, dont témoignent maintes histoires personnelles réussies, avec un recul de plusieurs dizaines d’années, ne ferait-il pas plus de mal que de bien ? Aujourd’hui des personnes équilibrées et intelligentes, qui ont donné leur vie à Dieu en toute sincérité, sont dans l’incertitude et même l’angoisse, alors qu’elles n’ont aucune faute humaine ou spirituelle grave à se reprocher. En ce début d’année, c’est à elles qu’iront nos premiers vœux pour que leur fidélité ne soit pas ébranlée et que leur propre discernement, comme celui de la hiérarchie, à laquelle elles se sont librement soumises, soit juste et positif.

Frédéric AIMARD