Une lettre d’une jeune femme du Moyen Orient — suite à l’assassinat récent de trois policiers en Louisiane, une semaine après celui de cinq policiers à Dallas (Texas) ; au tir choquant sur des noirs arrêtés, apparemment innocents à Bâton Rouge (Louisiane) et dans le Minnesota ; au massacre d’Orlando ; aux centaines de victimes, tués ou blessés par un terroriste musulman à Nice ; au coup d’état raté contre le le régime islamisant de Turquie ; aux attaques du djihad en cours au Moyen-Orient — « Le monde se précipite vers l’enfer, et aucun dirigeant ne prend la moindre mesure pour l’arrêter. C’est à l’image du monde arabe du Moyen-Orient. J’en suis désespérée.»
C’est bien compréhensible. Nous sommes nombreux en Amérique du Nord à éprouver un tel bouleversement émotionnel qui nous laisse sans réaction. À l’occasion de la Convention nationale du Parti Républicain, on peut s’attendre à des protestations, des heurts et — c’est à craindre — des violences, voire des morts. Et on peut penser que la clôture de la Convention n’y mettra pas fin. Quel que soit le vainqueur [de l’élection présidentielle] en Novembre notre Amérique sera la même qu’à présent, sinon encore plus perturbée.
Bien des Chrétiens en une telle époque trouvent la paix de l’âme en sachant que même en ce monde instable et en guerre, Jésus nous a dit : « Que votre cœur cesse de se troubler !» (Jn, 14:1) et « Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde.» (Jn, 16:33).
C’est la sagesse divine qui nous interpelle. De même, les grands sages de l’ancien monde païen avaient reconnu l’importance de garder la paix de l’âme, quels que soient les évènements autour de nous. Le philosophe stoïcien Marc Aurèle, qui était aussi Empereur Romain, a énoncé la bonne formule : « vous avez la maîtrise de votre propre esprit, — pas celle des évènements alentour. Soyez-en conscients, et vous serez forts.»
C’est bien sûr notre objectif, au fin fond du cœur.Mais on peut comprendre de travers cette forme de sagesse. Car être Chrétien ne consiste pas à poser sa tête sur un oreiller de duvet. Il s’agit d’une croyance vivante en l’amour de Dieu et en Son pardon pour tous nos péchés, toutes nos misères — une confiance qui nous pousse à nous engager dans le monde. Mais attention ! Jésus nous met en garde, souffrances et épreuves nous toucheront là-même où Il nous dit avoir dominé le monde.
Il serait puéril de penser qu’étant profondément croyants nous ne subirons, ou ne devrions pas, souffrir de grandes terreurs ou de fortes secousses. Jésus Lui-même, qui, dans Sa nature humaine, devait avoir dontinûment la vision béatifiante de Son union avec le Père, sue du sang dans le Jaedin de Gethsemani avant Sa Passion. Il va jusqu’à demander au Père s’il est possible d’éloigner cette coupe.
Je comprendds bien pourquoi nombre de croyants tentent de se consoler et conservent une certaine quiétude en pensant au triomphe final du Christ. Je m’y consacre personnellement presque chaque jour.
Mais étant donné ce que le monde nous propose, il nous faut chercher davantage qu’une consolation. Nous avons besoin de la profonde paix de l’âme à laquelle Dieu nous invite pour préserver nos esprits de la chute dans la folie, mais encore plus car nous ne pourrons agir efficacement sauf en dépassant la simple réaction de terreur aveugle.
À une telle époque, alors que les domaines privés et publics — y-compris l’Église — semblent partagés devant toutes sortes d’évènements et de circonstances profondément perturbants, il faut que nos cœurs réagissent — dans le bon sens. À moins de sentir le grave bouleversement dû aux évènements actuels, nous ne réagirons jamais avec le sens approprié de l’urgence. Tout d’abord, la prière et le jeûne, et puis bien davantage.
Réfléchissons : il n’y a guère, un appel en Amérique au 911 [N° national d’urgence] signifiait qu’on avait besoin de protection ou de secours. Désormais, un appel peu signifier qu’un individu a décidé qu’il pourrait assassiner ceux-là mêmes qui — à de rares exceptions près — exposent leurs vies pour nous protéger.
À dire vrai, « pour de vrai » il faudra persévérer. Un exemple : il est certain — une étude récemment publiée par Harvard le montre — que les noirs Américains sont plus harcelés par la police que les blancs. Et cette forme d’humiliation permanente donne aux noirs un profond sentiment d’injustice et de racisme. Mais la même étude révèle qu’il y a moins de noirs que de blancs victimes des coups de feu de la police.
Les responsables de la police ont, c’est certain, à prendre des mesures plus vigoureuses qu’actuellement pour arracher leur mauvaise herbe et éliminer les têtes brûlées. À propos de Dallas, le tragique est qu’il n’y a eu là aucun incident de tir de la police en 2016, et pourtant des policiers de Dallas ont payé de leur vie les fautes commises ailleurs.
Bien pire, on bâtit des légendes à propos d’évènements qui ne sont jamais survenus. « Black lives matter » [La vie d’un noir, çà compte] dit et redit « Je lève les mains, ne tirez pas !». Alors qu’il est prouvé sans le moindre doute que Michael Brown n’a jamais rien dit de tel quand il fut tué d’un coup de feu — alors qu’il se précipitait à nouveau sur un policier qu’il venait d’agresser.
De tels faits, ou la simple réflexion à froid, ne changeront pas de si tôt le moindre des immenses problèmes auxquels nous sommes confrontés : racisme, militantisme islamique, ou notre incontestable manque de confiance envers nos institutions ou notre prochain. Quand les gens sont d’humeur hargneuse ou craintive telle qu’on la constate actuellement, il faudra bien du temps, de la patience, de la sagesse, et pas de demi-vérités pour que les véritables dialogues se rétablissent.
Soucieux de notre Amérique et du monde entier nous devons prendre conscience de l’époque perturbée que nous vivons. Et agir à la suite d’un Dieu venu au monde pour le sauver. Il ne suffit pas de dire que Dieu est en Son Paradis et que tout ira mieux. Nous sommes devant de graves questions. Et nous devrions bien commencer à réfléchir dans la crainte et l’angoisse pour trouver des réponses sérieuses.
18 juillet 2016.
Texte français des citations bibliques : Bible de Jérusalem.
Photo : 16 juillet, devant le Centre Médical N.D. du Lac à Bâton Rouge (Louisiane) [photo AP]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/18/let-your-hearts-be-troubled/
