Le rocher de tous les âges. - France Catholique

Le rocher de tous les âges.

Le rocher de tous les âges.

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Une ancienne jurisprudence écossaise, (j’ai oublié laquelle) déclare :
« Nous ne brisons pas la loi, nous nous brisons sur la loi »

Peut-être faisait-elle écho aux paroles de Notre Seigneur dans Saint Matthieu (XXI 44) « Quiconque tombera sur cette pierre s’y fracassera. »

Les versets qui précèdent et suivent cette phrase sont très intéressants aussi, mais pour économiser de la place, je vais assumer que le gentil lecteur possède une bible.

A ce jour, si improbable que cela paraisse, notre travail porte sur la notion que la loi n’est qu’une question de règlements. C’est la seule sorte de loi qui puisse être considérée sans danger – et seulement de façon temporaire – sous ce qu’un certain pape émérite appelait « la dictature du relativisme. » « Le monde est confronté à la dictature du relativisme. Il ne reconnaît rien d’absolu et ne reconnait comme mesure ultime que la mesure de chacun et ses désirs. »

A propos, notre pape actuel n’a pas tardé à faire la même observation après avoir été élevé au trône de saint Pierre il y a seulement un an.
Notre vénérable Eglise ne reconnaît pas cette dictature. Elle ne l’a jamais reconnue et tant qu’elle demeurera elle-même, elle ne la reconnaîtra pas. Ce qui était vrai hier demeure vrai aujourd’hui ; ce qui est vrai aujourd’hui le restera demain.

Le cardinal Ratzinger, comme il s’appelait avant le conclave qui l’a élu pape, écrivait :

« Pendant ces dernières décades, combien avons-nous connu de vents de doctrines, combien de courants idéologiques, combien de styles de pensées…La pensée de nombreux chrétiens a bien souvent été ballotée par ces vagues, ballotée d’un extrême à l’autre : du marxisme au libéralisme, et au libertinisme ; du collectivisme à l’individualisme radical ; de l’athéisme au mysticisme religieux ; de l’agnosticisme au syncrétisme. »

Pendant les années qui ont précédé, alors que je n’étais pas encore catholique, j’avais l’impression en le lisant que ce Ratzinger était l’esprit chrétien vivant le plus remarquable. Plus tard, j’ai réalisé qu’il n’avait même pas besoin de ce qualificatif. (Même comme anglican, j’étais membre de « Communio » )

« De nos jours, » disait celui qui allait être élu Pape Benoit XVI, « avoir une foi claire, basée sur la Foi de l’Eglise est souvent taxé de fondamentalisme. »
C’est une étiquette qui pourrait s’appliquer à tous les pères et tous les docteurs de l’Eglise, et qu’on applique souvent de nos jours à tout ce qui était « antérieur à Vatican II ». Comme l’ont observé des experts plus valables, Jésus Christ fait partie de ce qui est antérieur à Vatican II !

Ce qui est arrivé après est encore l’objet de discussions. Paul VI a vu de la fumée sortir de l’Eglise elle-même. Quelle qu’en soit la source – et en tant que fidèles catholiques, nous en déduirons correctement la provenance – des réclamations se sont répandues pour que l’Eglise « vive avec son temps ». Elles provenaient aussi bien de supplications spéciales, que de bavardages d’arrière cours.

Quoiqu’exprimé de façon nouvelle, la résistance au « Zeitgeist » – à «  l’esprit du temps » n’est pas quelque chose de nouveau. Le bienheureux John Henry Newman par exemple, s’est carrément opposé au « libéralisme dans la religion », qu’il définissait comme : « la doctrine qui prétend qu’il n’y a pas de vérité positive dans la religion, mais qu’une croyance est aussi bonne qu’une autre. »

(La semaine dernière, il y a eu un moment où, alors que je lisais une interview dans un journal argentin, dans lequel des cardinaux très instruits qui soutiennent l’enseignement de l’Eglise se faisaient traiter de « conservateurs avec lesquels il fallait discuter », je me suis tourné vers Newman avec un grand empressement.)

Newman n’était pas du tout ambigu à ce propos. Il a dit avant de mourir qu’il avait combattu toute sa vie le libéralisme dans la religion. Il est outrageant de nos jours d’entendre certains lui attribuer la paternité de propos résolument libéraux, et de voir sa vision du développement de la doctrine de l’Eglise interprétée de façon erronée par des hommes qui (si je peux le dire charitablement), ne l’ont sûrement pas lu.

Mais bien sûr, même de nos jours, les nouveautés et les innovations dans l’Eglise ne peuvent pas être présentées comme telles. Il faut un certain sophisme pour les faire passer pour des extensions valables de la vraie doctrine. Il faut fournir des exemples, de cas difficiles, – du genre de ceux que les Scribes et les Pharisiens utilisaient dans leurs efforts pour prendre Notre Seigneur au piège.

Parce que ceci non plus n’est pas nouveau dans l’histoire de notre Eglise. Le Diable ne ferait pas bien son travail s’il ne donnait pas à ses arguments une apparence plausible, s’il ne détournait pas l’attention de ses spectateurs de ce qu’il est en train de faire, comme le ferait un magicien professionnel par des effets de théâtre.

Les juristes intelligents savent depuis la nuit des temps que les cas difficiles font de mauvaises lois. On n’a même pas besoin de la religion pour savoir cela. Il suffit d’une connaissance instinctive de ce que nous appelons la « loi naturelle », fondée sur ce qui a toujours existé.
Les dérogations qui sont accordées par tout le monde pour les « cas difficiles », minent – non pas à l’occasion, mais toujours – l’édifice de la loi civile ou canonique. Ce n’est pas parce qu’on pourrait les utiliser dans certains cas, mais parce qu’on va les utiliser systématiquement. On ne peut pas se permettre d’accepter une seule fissure dans le barrage.

L’exemple parfait, à notre époque, est d’avoir autorisé l’avortement dans des « cas très difficiles ». La miséricorde accordée à quelques mères en détresse est devenue la mort pour d’innombrables millions de bébés « in utero ».
Une fois pour toutes, il a été entendu, et pas seulement à Rome, que la loi humaine repose sur la loi naturelle, et que celle-ci repose en fin de compte sur la loi divine – que nous connaissons par la révélation. Ainsi, quel que soit celui qui vote, les principes fondamentaux sont intangibles. La loi n’est pas écrite, mais elle est « découverte ».

Voilà ce que voulait dire la jurisprudence écossaise anonyme par laquelle j’ai commencé mon propos. (Presque sûrement presbytérienne.) La loi est la loi, est la loi, et bien que si on juge de façon superficielle ou simplement réaliste, on puisse croire qu’elle peut être cassée, la réalité est tout l’inverse. On ne peut pas plus la briser que la loi de la gravité.

Quelle que soit la façon dont nous essayons de nous le dissimuler, la loi demeure un roc ; et que ce soit en tant qu’individu ou en tant que société complète, comme on le disait en Ecosse, « nous allons trouver ce que dit la loi. » Et cela, dès l’instant où nous essayons de la renier.

Appelez-les : « conservateurs » ou « fondamentalistes », comme vous voudrez. Ce n’est pas le roc que les ecclésiastiques instruits défendent. C’est nous qu’ils défendent – libéraux compris – contre le fait d’être fracassés contre ce roc.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/rock-of-ages.html

Le cardinal Newman à l’hiver de sa vie.