Le pardon - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le pardon

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Dans une homélie à Sainte-Marthe le 23 janvier, le pape François a parlé de pardon. « Dieu pardonne toujours ! Il ne se lasse pas de pardonner. C’est nous qui nous fatiguons de demander pardon. » Le pape a rappelé la question des Écritures : « combien de fois pardonner ? Soixante dix fois sept fois. » Il n’a pas fait mention du péché contre l’Esprit qui ne devrait pas être oublié. Ce péché est généralement interprété ainsi : on ne peut pas faire changer d’avis le pécheur qui choisit de l’être. Cela ne peut être pardonné parce que nié.

Pour être pardonné, le péché doit être avoué. C’est cet aveu que le prêtre a à entendre et à évaluer. Habituellement, l’engagement de « ne plus pécher » est présumé. Si je confesse mes péchés sans projeter de changer de voie, il est difficile de voir ce que pourrait bien signifier le pardon. Ainsi, François ajoute : « Si vous avez vécu une vie pleine de péchés, de beaucoup de graves péchés, mais qu’à la fin vous demandiez pardon avec contrition, il vous pardonnera aussitôt… Nous devons seulement nous repentir et demander pardon. »

Que Dieu ait envoyé Son Fils unique dans le monde pour que les péchés puissent être pardonnés est le cœur du christianisme. Pratiquement tout le monde sait par expérience que quelque chose va de travers dans notre condition humaine, quelque chose que personne n’a jamais exactement défini ou entièrement éliminé. Certains aiment penser que la cause de ce désordre historique récurrent est la simple idée que quelqu’un puisse faire quelque chose de mauvais. Tout ce que nous aurions à faire serait de s’ôter de la tête cette idée que le bien et le mal existent.

Pourtant, le péché semble inscrit dans notre condition. Le christianisme n’est pas nouveau en ce sens que les gens réaliseraient soudain qu’ils sont pécheurs. C’est plutôt qu’ils ne savaient pas comment contrer les maux qu’ils créaient dans le monde par suite de leurs péchés. Évidemment, il n’y avait pas de solution. Le pardon devait être confié à quelqu’un ayant autorité pour pardonner. Aucune personne ordinaire ne possède cette capacité.

Parmi les milliards de personnes qui ont vécu sur cette planète, peu ont entendu parler du pardon des péchés que la révélation postule. Parmi ceux qui en ont entendu parler, peu l’ont pratiqué. Pour couvrir cette situation, nous parlons d’être « désolé ». Dieu nous pardonnera même si nous ne savons rien du sacrement de réconciliation. Certains extrapolent même avec le salut pour tous. D’autres se demandent pourquoi se donner la peine d’essayer d’être bon si chacun est pardonné, quoi qu’il fasse. Si le bien et le mal sont également rachetés, avec ou sans sacrement.

Le dimanche 3 juin 1781, Boswell a parlé à Samuel Johnson du péché originel dans « conséquence de la chute de l’homme et expiation de notre Sauveur ». Johnson a demandé à Boswell de noter ces réflexions complémentaires : « en ce qui concerne le péché originel, pas besoin d’enquête ; quelle que soit la nature de la corruption humaine, les hommes sont de façon manifeste tellement corrompus que toutes les loi du ciel et de la terre ne sauraient les garder de commettre des crimes. » Que l’on soit ou non d’accord avec cette vision des choses, Johnson ajoute que l’humanité a reconnu le problème et cherché des moyens d’expiation par quelque sacrifice.

« Le grand sacrifice pour les péchés de l’humanité a été offert par la mort du Messie, qui est appelé dans l’Écriture : ‘l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde’ » Johnson poursuit :  « pour juger de la sagesse du schéma de la rédemption, il faut considérer comme nécessaire à la gouvernance de l’univers que Dieu fasse connaître sa perpétuelle et irréductible détestation du mal moral. » On peut difficilement trouver quoi que se soit de plus significatif de ce qui est en jeu dans la nature du pardon.

Ce qui est particulièrement intéressant dans ce passage de Johnson, ce n’est pas l’accent mis sur le pardon de Dieu mais sur ses causes dans le monde, l’existence et la détestation du mal moral. Pour faire court, le pardon est nécessaire. De plus, aucun rite ou absolution humaine n’est suffisante pour accomplir cette expiation. Si le Père nous pardonne nos péchés, quels qu’ils soient, ce n’est pas en raison de quelque remarquable geste de notre part. Cela commence par un véritable sacrifice, un véritable « Sauveur ».

Dieu aurait très bien pu nous laisser dans nos péchés. Qu’Il ne l’ait pas fait ne diminue en rien leur caractère haïssable, au contraire, cela le souligne. Nous vivons dans un monde qui ne veut pas admettre que chacun pèche et qui prétend que les maux seront éradiqués par des moyens techniques, économiques ou psychologiques.

La pierre d’achoppement du pardon du Père n’est pas du côté de Dieu, mais de notre côté. Le péché qui ne peut pas être pardonné est celui que nous nous obstinons à commettre, le péché qui dit que nous n’avons pas besoin de reconnaître les maux moraux présents dans nos âmes et dans notre culture qui les encourage.

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James V. Schall, qui a été professeur à l’université de Georgetown durant 35 ans, est l’un des écrivains catholiques les plus féconds en Amérique.

Photo : art folk : la montagne du salut, par Leonard Knight

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/03/forgiveness/