Le pape François et la hiérarchie - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le pape François et la hiérarchie

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Il y a peu, Jeff Danziger, caricaturiste américain affilié, a réalisé un dessin dans lequel un groupe de cardinaux vont trouver Dieu. Leur chef lui demande :

« Votre Magnificence, nous autres cardinaux devons-nous vraiment prendre au sérieux le laïus du pape François pour ce qui est de ‘‘renoncer aux privilèges et nous conduire comme d’humbles curés de paroisses ?’’ »

Parfois, même les anticatholiques envisagent « l’idéologie catho » mieux que nous.

Avec le Pape François, nous nous trouvons à une époque majeure de l’Histoire de l’Eglise. Historiquement, on peut comparer ses agissements au concile Vatican II et aux scandales. S’il se démarque tant, c’est parce qu’au lieu de suivre la culture dominante, il veille a toujours obéir aux injonctions que le Christ a adressé aux apôtres, en particulier lors du lavement des pieds.

Quand il rentrera dans l’Histoire, le pape François symbolisera un tournant dans la vie de l’Eglise et de son œuvre. Cet étrange mélange de richesses, de pouvoir et d’apostolat élaboré par des pêcheurs n’avait jamais été autant remis en cause depuis que la religion catholique a été légalisée dans l’Empire romain, avec l’Edit de Milan (en 313). Imaginez à quel point le monde serait différent, si pendant 1600 ans, le clergé avait décidé de suivre l’exemple des apôtres plutôt que celui de l’aristocratie.

Certains évêques américains suivent l’exemple du pape en matière de logements. Il a choisi de ne pas habiter dans le palais apostolique, et ce n’est que le début. Les choses deviennent plus personnelles.

Le Pape François renvoie le ministère apostolique à ses fondements. Tant mieux pour l’Eglise, bien entendu, mais c’est toute l’industrie du carriérisme ecclésiastique qui a été bouleversée. Jésus disait aux douze :

« Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. Mais il n’en sera pas de même au milieu de vous. Au contraire, quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon pour plusieurs. » (Matthieu, 20 : 25-28)

Mais cela a été vite oublié (avec, bien sûr, quelques honorables exceptions).

D’un point de vue humain, ce n’est pas étonnant. Par exemple, historiquement, alors que les corps des officiers de l’armée se multipliaient, ils se sont attribué de plus en plus de privilèges, détournant ainsi leur attention de leur fonction et de leur unique raison d’être : diriger leurs hommes. Dans les grandes entreprises, les cadres supérieurs finissent souvent par s’approprier les ressources et élaborer de savantes tactiques pour éviter de côtoyer avec respect ceux qui leur sont inférieurs.

A l’inverse, le pape a marché dans les quartiers de Buenos Aires, et a discuté avec la population. Il prenait également le bus et le métro. Il a montré ce que signifie être en harmonie avec le peuple : « Le Saint Père a exprimé [au clergé] sa tristesse lorsqu’il a appris que certains se faisaient ‘‘vivement réprimander’’ ou ‘‘gronder’’ lors de leurs confessions et n’y retournaient jamais car ils estimaient que ‘‘ les portes de l’Eglise leur étaient fermées’’ » (National Catholic Reporter, 11 mai). Il a tout à fait conscience de la valeur qu’a la véritable intersubjectivité par rapport à la ‘‘communication’’ asymétrique.

La véritable communication interpersonnelle (dont Jésus était un expert) place l’autre sous l’angle de l’amour de Dieu. Aucune place n’est laissée aux rituels sociaux ni au snobisme car ils nuisent à une communication sincère. Malheureusement, beaucoup préfèrent ce type de structures sociales ainsi que les murs (et la sécurité) qu’ils leur procurent.

Bien entendu, les paroles du pape suscitent souvent une forte inquiétude, car beaucoup ne peuvent s’empêcher de voir le mal partout. En affirmant que l’Eglise catholique n’est pas rigide, il ne compte pas changer le nombre de personnes qui composent la Trinité, ni la gravité de certains actes intrinsèquement mauvais. Il fait seulement référence à la rigidité d’ordre personnel dont certains membres du clergé font preuve envers leurs paroissiens. A la place, il suggère qu’un cœur aimant :
 
« un cœur missionnaire est conscient de ces limites et se fait ‘‘faible avec les faibles […] tout à tous’’ (1 Corinthiens, 9, 22). Jamais il ne se ferme, jamais il ne se replie sur ses propres sécurités, jamais il n’opte pour la rigidité auto-défensive. Il sait que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Évangile et dans le discernement des sentiers de l’Esprit, et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route. » (Evangelii Gaudium)

Le principal défi du pontificat du pape François sera de trouver des candidats cléricaux qui soient suffisamment mûrs et enclins à la prière pour servir les hommes comme lui-même le fait. Saint Jean-Marie Vianney (curé de paroisse) peut alors prendre la place qui lui revient en tant que modèle des relations interpersonnelles entre le clergé et les hommes au nom de la sainteté.

S’il y a bien une chose que l’on n’a pas suffisamment répétée, c’est que le pape François est arrivé à un moment providentiel. Revenir à l’exemple de apôtres est le seul moyen efficace de faire face à la modernité et toute son étouffante (et je dirai même rigide) mondanité.

Lorsque le clergé est mondain, alors les institutions deviennent grandement superflues. Pourquoi encore une autre institution mondaine dans le monde ? Mener une vie de transcendance signifie transcender la propriété et la vie « faste ». C’est aller au-delà des barrières interpersonnelles au nom de l’Evangile. Voilà « l’attitude d’humbles curés de paroisses » qu’illustre le pape François. De grandes choses sont en train d’être accomplies, et nous en faisons partie.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/pope-francis-and-the-hierarchy.html