Le culte de l'État - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le culte de l’État

Traduit par Pierre

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Pour les tenants actuels de la laïcité l’objectif numéro un consiste à nous « libérer » tous de l’influence (des pesanteurs, diraient-ils) de la chrétienté. Comment ils se consacrent à la destruction de cette influence est remarquablement décrit par le Dr. Benjalin Wikers dans son récent ouvrage Worshipping the State:  How Liberalism Became our State Religion [Le culte de l’État – Comment le libéralisme de gauche est devenu notre religion d’État.]

Le Dr. Wiker, qui a enseigné à l’Université Franciscaine (Ohio) et à la Faculté Thomas d’Aquin (Californie), soutient que la « raison d’être » [en français dans le texte] des philosophes de la laïcité repose sur l’affaiblissement de l’influence de la chrétienté sur la culture occidentale, et la subordination de l’Église à l’État ou l’instauration d’une religion civique rivale qui mettrait l’Église hors course — ou la neutraliserait.

Pour Wiker, c’est Niccoló Machiavelli (1469 – 1527) qui inventa la totale séparation de l’Église et de l’État, brevet de libéralisme. Il souhaitait retirer à l’Église tout pouvoir moral pour le confier au souverain séculier.

Machiavel insistait sur le fait que, pour survivre, un prince doit « apprendre à ne pas être bon ». Il doit donc s’affranchir des contraintes morales imposées même à un chef d’État par l’Église.

Machiavel suggère cependant qu’un prince impitoyable doit avoir l’apparence de la piété et, si besoin, s’appuyer sur l’Église pour contrôler le peuple inculte.

Vingt-trois ans après la mort de Machiavel, ses idées sur les rapports entre l’État et l’Église furent mises en pratique lors de la paix d’Augsbourg (1555). Les monarques européens se mirent d’accord sur le compromis « cujus regio, ejus religio » (à chaque royaume sa religion). Chaque État définissait sa propre religion.

Le philosophe anglais Thomas Hobbes (1588 – 1679), auteur de Leviathan s’appuya sur la philosophie politique de Machiavel pour saper l’influence « séditieuse » de la religion. Hobbes, comme le note Wiker, concluait que le problème en politique se posait par la notion d’une religion indépendante du pouvoir politique… Il fallait réformer la chrétienté selon les idées de Machiavel afin qu’elle soit un pilier soutenant l’état et non un organisme le défiant sans cesse.

Hobbes, pionnier du principe d’un état totalitaire, rejetait la doctrine du péché soutenue par l’Église : « il n’est nul péché, nul bien, nul mal que le souverain n’ait préalablement défini.» Les droits naturels n’émanent pas de Dieu mais de l’état. Si une Église doit exister, elle doit être soumise au contrôle de l’État.

Le Dr. Wiker soutient que les « libéraux » modernes ont adhéré aux idées de Hobbes, relativisme moral et fondement purement laïque de la politique. Où est la différence? Au lieu de laisser au roi souverain le soin de définir ce qui est bien et ce qui est mal, c’est à l’individu souverain de définir ses propres valeurs.

Le philosophe suivant dans la démarche pour un état laïque est Spinoza (1632 – 1677). Les dirigeants de sa communauté juive excommunièrent Spinoza principalement en raison de son panthéisme; pour lui, le monde entier était un dieu, ce qui minait la notion judéo-chrétienne de la vérité issue du rapport entre Créateur et créature selon la Genèse.

Vu par Spinoza, l’État laïque est « la plus grande manifestation de la divinité ». Une église menée par l’état aurait pour mission essentielle de promouvoir les projets gouvernementaux auprès de la plebs, du menu-peuple inculte.

Une telle Église ne porterait aucun dogme, et son acte de foi serait réduit à « aime ton prochain », en d’autres termes, « sois gentil ». Pour Wiker, la définition de l’amour par Spinoza se réduisait à « se mêler de ses petites affaires, coexistant sans s’occuper des autres — en résumé : la tolérance.» Spinoza sanctuarise la doctrine de tolérance comme étant la vertu suprême au sein de l’ « Église laïque libérale ».

Alors que Machiavel, Hobbes et Spinoza incitaient les souverains à se servir de l’Église pour atteindre leurs objectifs séculiers, c’est Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui soutint que la chrétienté est absolument incompatible avec l’ordre laïque nouveau et… doit être remplacée par une religion totalement nouvelle, définie par le projet politique laïque.
Pour Rousseau, il n’existe pas de « Corps du Christ », mais un « Corps politique ». Il en appelait à une religion civile païenne exigeant une totale dévotion de ses citoyens.

La base de sa religion radicale et égalitaire est la tolérance. La sexualité est libérée des règles de l’Église, le mariage n’est pas sanctionné par Dieu, mais défini par l’état sous forme de contrat civil. Selon Rousseau, quiconque ose prétendre qu’il n’y a pas de salut hors de l’Église devrait être expulsé du pays, sauf si l’état est l’Église, avec le Pontife pour souverain.

En conclusion, Wiker montre que ces quatre philosophes ont établi les bases de la révolution laïque de gauche aux USA. Leur influence conjuguée a abaissé la moralité au niveau de l’hédonisme, des plaisirs charnels. Les droits ont été redéfinis en tant que désirs. Le mal est la conséquence d’un mauvais environnement, certes pas de mauvais choix.

Wiker est fondé à soutenir qu’aux États-Unis la gauche laïque a des convictions, tout-à-fait différentes de la morale chrétienne, qu’elle cherche à imposer à l’aide de textes règlementaires: contraception, avortement, infanticide, libertinage, divorces à tout-va, redéfinition sans fin du mariage, euthanasie, et mille autres sujets.

L’insistance du gouvernement Obama pour contraindre l’Église à souscrire l’assurance contraception-avortement n’est que le plus récent exemple d’une tentative de l’État pour imposer ses vues au nom de la « tolérance ».

Le Dr Wiker apporte la preuve des conséquences de ces idées. Dans l’État laïque, liberté ne signifie plus choix de ce qui est bien ou juste ; c’est désormais agir à son gré. L’acte de choisir seul compte. Choisir devient en soi la valeur ultime. Sans vérités absolues pour jauger les actes, le désir devient caprice. Ce qui, dans l’enseignement judéo-chrétien, est considéré comme une action irrationnelle est désormais élevé au rang de principe incontournable.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/worshipping-the-state.html