Le cardinal Müller : un grand prélat - France Catholique
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Le cardinal Müller : un grand prélat

Traduit par Bernadette Cosyn

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Des dix-neuf cardinaux nommés par le pape François lors de son premier consistoire, aucun n’a suscité plus de commentaires que Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Un ami à la fois du pape Benoît XVI et de Gustavo Gutierrez – et, merveille, sa vision théologique du monde est conséquente, empreinte d’amour de la vérité et de ferme solidarité avec les pauvres.

Nous rappelant comme les médias ont naguère caricaturé le cardinal Joseph Ratzinger comme un Panzercardinal allemand, combattant l’hérésie par la discipline prussienne, nous vivons du « déjà vu » avec le cardinal Müller. Il a essuyé les critiques des médias séculiers mais également de catholiques qui veulent un catholicisme de bien-être qui évite les « guerres culturelles ». Critiquant la défense de l’enseignement de l’Eglise sur la question de la communion des divorcés remariés qu’a tenue le cardinal Müller, le cardinal hondurien Oscar Rodriguez Maradiaga a dit que le cardinal Müller « voyait les choses en noir et blanc », comme « un professeur de théologie allemand ».

En dépit des paroles du cardinal Maradiagia, l’Eglise allemande n’a pas été particulièrement orthodoxe ces derniers temps. C’est le cardinal Kasper, un allemand, qui a le premier voulu redéfinir la pratique de l’Eglise concernant la communion des divorcés remariés. Müller comprend que l’enseignement de l’Eglise en matière morale ne peut changer et a brillamment rejeté cette tentative dans l’Osservatore Romano et ailleurs.

Dans un livre entretien avec le journaliste espagnol Carlos Granados (qui paraîtra en anglais cet automne), il a dit : « l’Eglise ne peut répondre aux défis du monde moderne par une adaptation pragmatique… Nos sommes appelés à choisir l’audace prophétique du martyre. » De même, il s’oppose à la communion pour les politiciens pro-avortement, et il a défendu le droit des médecins à refuser de pratiquer des avortements.

Müller est un ami intime de Benoît XVI et l’éditeur de ses oeuvres complètes. Comme le pape allemand, il a à maintes reprises souligné la nécessité pour l’Occident de revenir à ses racines. L’an passé, au cours d’une homélie constamment interrompue par les applaudissements au Temple National de la Divine Providence, il a appelé l’Occident à revenir à ses racines : « la Pologne n’est pas encore morte ! l’Europe n’est pas encore morte tant que nous avons la foi, la confiance et l’amour ! »

En attendant, le cardinal Müller est mandaté pour purger l’Eglise des éléments qui faussent son enseignement. Par exemple, pendant que la Leadership Conference of Women Religious (NDT : association de responsables d’ordres religieux féminins aux Etats-Unis) continue de rejeter l’enseignement de l’Eglise dans presque tous les domaines, le cardinal Müller a poursuivi l’investigation de son prédécesseur, le cardinal William Levada. Il a constamment appelé les membres de la LCWR à l’obéissance et leur a reproché d’engager une « provocation ouverte » envers Rome.

Le cardinal Müller a réprimandé la LCWR pour avoir distingué la religieuse dissidente Elizabeth Johnson, qui préconise l’ordination des femmes. Contrairement aux religieuses rebelles, le cardinal Müller explique dans son ouvrage majeur Sacerdoce et Diaconat qu’être un homme est intrinsèque au sacrement de l’Ordre, comme il résulte de la théologie biblique des sexes mise en valeur par Thomas d’Aquin et selon laquelle, les prêtres représentent le Christ, l’époux de l’Eglise.

Dans Sacerdoce et Diaconat et dans plusieurs interviews et articles, le cardinal allemand a vigoureusement défendu le célibat comme l’imitation du Christ et un engagement complet au service de l’Eglise et rejeté les appels à la suppression du voeu de chasteté comme étant une « protestantisation » du sacerdoce.

Le cardinal Müller a beaucoup écrit et donné des conférences sur Dietrich Bonhoeffer, le pasteur luthérien allemand dont la participation au complot pour assassiner Hitler a provoqué le martyre. Comme celle de Bonhoeffer, la théologie du cardinal allemand n’est pas uniquement universitaire, mais intrinsèquemet liée à un combat pour un monde plus juste.

Le cardinal Müller est devenu dans l’Eglise l’un des défenseurs les plus fervents des pauvres. Pour lui, davantage d’études théologiques sur notre responsabilité à aider les pauvres est insuffisant. Il a longuement séjourné en Amérique du Sud, à quinze reprises. Durant ces périodes, il ne logeait pas dans de confortables palais épiscopaux, mais au milieu des pauvres, dans des bidonvilles et des villages andins. Il porte parfois un poncho quechua quand il célèbre la messe.

Depuis 1988, il est un ami très proche du théologien péruvien Gustavo Gutierrez, l’un des premiers et des plus éminents partisans de la théologie de la libération. Cette amitié vient-elle démentir l’orthodoxie passionnée du cardinal Müller ?

En 1984, le cardinal Ratzinger publiait une « instruction sur certains aspects de la théologie de la libération » qui ne rejetait pas l’ensemble de la théologie de la libération mais seulement certains courants. Gutierrez était orthodoxe : il n’a jamais pleinement adopté le marxisme, les révoltes violentes, ou une vision du Christ en révolutionnaire politique ainsi que l’ont fait les partisans extrêmes de la théologie de la libération tels Leonardo Boff ou Jon Sobrino. Le Vatican n’a jamais censuré Gutierrez ; le cardinal Ratzinger lui a seulement demandé de modifier certains de ses écrits, ce qu’il a fait docilement.

Dans une conversation avec Peter Seewald, le futur pape Benoît XVI a affirmé que le dominicain péruvien lui avait obéi et « avait développé ses travaux dans le sens d’une forme de théologie de la libération pertinente ayant réellement un avenir ».

Dans leur livre An der Seite der Armen. Theologie der Befreiung (Au côté des pauvres. Théologie de la libération), Müller et Gutierrez condamnent le marxisme comme « totalitaire » et basé sur « une anthropologie erronée. Il démontent le matérialisme de Marx et rejettent l’idée que l’Eglise ait à exclure les riches. L’ouvrage cite largement l’enseignement social de Jean-Paul II, dont l’opposition à la théologie de la libération marxiste est bien connue. Quand ils évoquent l’exploitation des pays pauvres, ils ne parlent pas seulement d’économie ; Müller et Gutierrez fulminent contre la promotion de la contraception effectuée par le gouvernement américain au Pérou.

Il est tentant de spéculer si le cardinal Müller, comme son compatriote le cardinal Ratzinger, pourrait un jour devenir pape. Il est qualifié, comme quelques autres cardinaux, et connaît bien les problèmes de l’Eglise, tant dans les pays riches et sécularisés que dans les sociétés marquées par une inégalité de revenus. Il s’est battu contre la déchristianisation de l’Allemagne et a vécu parmi les Péruviens pauvres. Théologien érudit, docte membre de la Curie, bien loin d’un bureaucrate, il a une riche expérience pastorale en Allemagne et au Pérou, ses homélies sont charismatiques, avec une touche populaire. Il parle à la perfection l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien et fait partie des cardinaux les plus à l’aise avec les médias.

Bien sûr, il reste à voir si Gerhard Ludwig Müller accèdera un jour à de plus hautes fonctions. A ce jour, son intelligence académique, sa solidarité avec les démunis, son dynamisme font de lui un des plus grands meneurs catholiques actuels.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/cardinal-mueller-a-great-catholic-leader.html

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Filip Mazurczak est un collaborateur régulier de plusieurs publications : Katolicki Miesicznik, First Things, The European Conservative et Tygodnik Powszechny.

photo : Gerhard Ludwig Müller


Rencontre avec Mgr Fellay

http://laportelatine.org/maison/communiques/rencontre_fellay_muller_140904/rencontre_fellay_muller_140904.php