Le Saint-Suaire sur Arte - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Le Saint-Suaire sur Arte

Nombreux sont nos lecteurs qui ont vu, le samedi 3 avril dernier, le documentaire sur le Saint-Suaire diffusé par Arte (cf. FC n°3206, p. 35). On trouvera par ailleurs un dossier plus complet sur l'actualité du Saint-Suaire dans le n° 3209 de FC à paraître le 23 avril.
Copier le lien

En juillet 2003, Arte avait diffusé à propos du Linceul un film à ce point partisan du « faux médiéval » que c’en était à la fois loufoque et révoltant : je craignais donc une récidive… Chat échaudé… Par un vrai bonheur à saluer, le pire ne se trouve pas dans ce qui a été proposé aux téléspectateurs français et allemands, quoique ce documentaire britannique, réalisé en 2009 par Michael Epstein, soit très partiel même si impartial. Ainsi, aucun des nombreux sindonologues français, italiens, espagnols, ou allemands ne se trouvent interrogés, qui pourtant auraient eu bien des compléments d’information à apporter à ce film, notamment en matière de critique de l’analyse par le carbone 14, mais également en ce qui concerne le point focal de l’intérêt majeur que présente ce document, les causes d’impossibilité de l’image : elle existe pourtant ! Certes, l’un des intervenants, le photographe de l’expédition étatsunienne de 1978, Barrie Schwortz, parle en ce film de l’impossibilité pour un faussaire médiéval de réaliser une telle image, mais les impossibilités auxquelles les scientifiques ont affaire sont d’un tout autre ordre.

Ceux qui ont été consultés sont, pour l’essentiel, étatsuniens : ils ont accompli des travaux remarquables mais pas au point que soient relégués leurs collègues européens au fond de la classe. Il est à noter qu’existe depuis longtemps une collaboration précieuse par-dessus l’Atlantique, notamment entre quelques vétérans de 1978 et le CIELT dont ce reportage ne tient pas compte, au détriment du résultat final.

La restitution filmée de la crucifixion est sommaire et sans lien avec ce qui s’est réellement passé : entre autres détails, n’est pas expliqué un aspect important présenté par le cadavre de Jésus, celui de la rigidité cadavérique et du menton touchant la poitrine, ce qui permet de comprendre à la fois le verset où Saint Jean mentionne ce qu’il a vu dans le tombeau vide – fort mal traduit dans nos versions en français – et la différence de dimensions entre le buste vu de face et celui vu de dos : l’on doit donc comprendre que, sur le premier, le haut des épaules est légèrement plus haut que la bouche, une zone relativement importante n’étant pas « imprimée ». Cela aurait notamment évité au réalisateur de filmer le Crucifié les bras ballants quand on le descend de sa Croix, images reprises plusieurs fois : en réalité le Christ était aussi raide qu’une bûche !

N’est pas abordée la question de la parfaite concordance de cette empreinte avec le texte évangélique, parfaite parce que le nombre des convergences – 27 ! – suffit pour nous rendre absolument certains que le crucifié du Linceul ne peut être « que » Jésus de Nazareth ; parfaite encore parce qu’il ne se rencontre en elle aucune divergence avec ce texte…
Enfin, si l’histoire du Linceul est esquissée, elle ne l’est qu’à partir du moment où ce linge « apparaît » à Lirey près de Troyes lors de l’ostension de 1357, comme si nous ne disposions d’aucun renseignement valable avant cette date : pour me satisfaire, il aurait suffi de montrer les miniatures du Codex de Pray, et d’en dévoiler les similitudes entre elles et le Linceul.

Mais je dois dire que j’ai appris un certain nombre de choses agréables au cours de cette émission, et qui le sont d’autant plus qu’elles n’ont pu être insérées dans mon ouvrage paru il y a neuf mois et ne le sont pas dans de plus récents : je pense ici particulièrement aux travaux de non-scientifiques étatsuniens, les époux Benford, qui provoquèrent ceux de Ray Rogers, l’un des sindonologues auxquels l’on doit le plus dans notre connaissance du Linceul et qui fut fort irrité par cette irruption intempestive – nul ne doit, pensait-il, interférer dans l’étude du Linceul hormis des scientifiques dûment reconnus. (Il me faut tout de même souligner la faiblesse de la partie consacrée dans l’émission à la question du carbone 14 : quantité d’informations déjà bien connues en 2008 n’y figurent pas et qui dévaluent la capacité de cette technique à bien dater de vieux tissus : il est vrai qu’il s’agit, entre autres, de travaux français et italiens…)

Que firent ces époux Benford, fervents partisans de l’authenticité ? Dans les années 90, ils se mirent à chercher des preuves de l’inexactitude de cette datation, en commençant par en étudier les documents publiés : M.-C. Van Oosterwyck-Gastuche était intervenue au symposium de 1993 pour déjà indiquer que les échantillons étaient inhomogènes vu leurs poids différents du reste de l’étoffe. Ils virent donc que les deux échantillons analysés en Arizona divergeaient radicalement : l’un donnait 1238, le second 1430 ; celui d’Oxford : 1246 et celui de Zurich 1376 ! Ils trouvèrent : notamment qu’il ne pouvait s’agir que d’un ajout de fils dans la partie où furent découpés les quatre échantillons : ils pensèrent mais sans disposer des outils d’observation, à un faufilage additionnel doublé d’une teinture destinée à camoufler l’addition… Ray Rogers, prenant connaissance, grâce à Barrie Schwortz, de leurs conclusions, s’engagea à nouveau dans l’étude du Linceul pour démontrer que ces jeunes gens se trompaient et que les carbonistes avaient raison : il finit par trouver exactement ce que ses novices de compatriotes avaient déduit… Au bout de ces nouveaux travaux de Rogers, publiés, mais qu’il ne put mener tout à fait à bonne fin, un autre point est précisé avec l’aide de Bob Villareal, d’Atlanta, celui de la présence de vanilline dans ces échantillons mais absente dans le reste du tissu : or la vanilline disparaît sur 1 300 ans…
Il faut donc remercier Arte pour cette diffusion, notamment pour cette vision holographique de Peter Soons qu’il nous a été possible de voir et qui n’a pu laisser dans l’esprit de chaque téléspectateur qu’un souvenir impérissable. Mais, parce qu’il y a toujours des mais, ce travail eût été plus efficace si l’on avait tenu compte de la tache marquée par l’écoulement du sang dû au coup de lance : il faut concevoir que le menton touche la poitrine, ce que le Linceul montre en soustrayant l’empreinte…

Dominique DAGUET

http://www.editionsdujubile.com/index.php?op=33&livre=3550886