La solution 40 % de l’Irlande - France Catholique
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La solution 40 % de l’Irlande

Traduit par Yves Avril

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Il faut rendre cette justice aux évêques, aux prêtres et aux religieux irlandais.
Ce n’est pas facile de déchristianiser tout un peuple. Pourtant ils se sont arrangés, en une génération environ, pour détacher un peuple presque entièrement catholique de racines religieuses et sociales vieilles de 1500 ans.

Des « scientifiques » du social vont avoir à étudier de près ce phénomène qui dépasse de loin ce qui est arrivé même dans ce qu’on avait l’habitude de considérer comme des Etats indicateurs de tendance pour la sécularisation comme l’Allemagne et la France.

Au référendum irlandais de vendredi dernier les médias ont fait l’éloge du soutien populaire massif, plus de 60 %, pour le mariage gay. Il est clair qu’ils considèrent cela comme un présage d’événements à venir : si cela peut arriver en Irlande, quel sera le prochain ? Et au niveau superficiel, simpliste du discours habituel des médias, c’est effectivement remarquable. Mais beaucoup plus remarquable – et c’est une chose à considérer pour l’avenir – ce sont les 40 % qui n’ont pas été d’accord, ce qui est aujourd’hui pour le moins un petit miracle.

Il est trop facile – et trompeur – de faire la liste des habituelle causes « séculières » de la « sécularisation ». Oui, il y a eu des scandales financiers et sexuels dans la hiérarchie et dans plusieurs ordres religieux. Oui, le « Tigre celtique » a connu une rapide croissance économique et des changements sociaux. Oui, certains pensent que la science a éliminé le besoin de religion. Oui, les dirigeants politiques ont cédé à la propagande gay et à l’intimidation – pas un seul parti politique, pas une personnalité publique majeure n’a conseillé le « non ».

Mais penser que ces choses expliquent le résultat, c’est ne pas penser en chrétien. Un chrétien part d’un lieu différent. Comment se fait-il que les Irlandais, comme d’autres qui ont quitté l’Eglise catholique, sans devenir, en grande majorité, athées – ce qui est une façon de dire radicalement non-croyants – soient passés dans leur spiritualité et leur religiosité à quelque chose d’autre que le christianisme classique ? Et où beaucoup ont-ils pris l’idée qu’ils sont chrétiens, et même que leur « tolérance » et leur « ouverture » sont plus chrétiennes que le catholicisme ?

Voici une partie de la réponse. Dans les quelques années qui précèdent, j’ai été tangentiellement impliqué à travers la Catholic Distance University (une institution orthodoxe, en ligne) à organiser en Irlande un programme de formation pour les catéchistes. Nota bene, ce n’est pas une tentative pour enseigner directement les Irlandais, mais pour former des professeurs qui auraient à leur transmettre la foi.

Pourquoi un tel programme était-il nécessaire – et pourquoi faut-il qu’il y eût besoin d’une Américaine, vivant en Irlande, pour proposer cette idée et en faire la promotion dans différents diocèses ? Pour dire les choses simplement, dans les quelques décennies précédentes dans les programmes d’éducation de la Verte Erin il n’y avait plus rien de catholique vraiment fiable. Il était plus facile de faire venir quelque chose de l’extérieur, des légendaires rivages américains.

L’archevêque de Dublin Diarmuid Martin, un honnête homme mais un chef sans grande vigueur, notait, à l’approche du vote, combien il était étrange que beaucoup de jeunes gens soutiennent le mariage gay, alors même qu’ils avaient fréquenté des écoles catholiques pendant douze années et davantage. Beaucoup de gens, y compris peut-être l’archevêque lui-même, considèrent cela comme un « rejet » de l’enseignement moral catholique. mais cela suppose que les professeurs dans ces écoles donnaient cet enseignement avec fermeté. Comme nous le savons, de San Francisco à Dublin, cela n’est pas nécessairement le cas.

En fait, l’archevêque lui-même, pensant peut-être que cela éviterait un retour de bâton politique, a dit la semaine dernière que personnellement il votait « non », mais n’irait dire à personne comment voter. (Quelques commentateurs ont proclamé qu’il suivait en cela le pape François qui a gardé le silence sur le vote irlandais et a dit récemment aux évêques italiens qu’ils devaient faire confiance à leur peuple pour faire ce qu’il devait, et non essayer de lui dire quoi faire).

Les gens choisiront des approches différentes sur des questions difficiles, et nous devons du respect à un archevêque dans une telle situation. Mais les gens voient bien quand un chef de l’Eglise louvoie comme un politicien, plutôt que de prêcher hardiment l’Evangile, comme un disciple de Jésus.

Moi-même j’aurais risqué le retour de bâton et préféré passer pour un fondamentaliste prêchant le feu et le soufre – ce que, après tout, Jésus fit très souvent. Voir le passage sur le feu qui ne s’éteint pas et la Géhenne, et le sel qui perd sa saveur.

Il s’agit maintenant cependant, et cela demandera du temps, de renouveler un réel enseignement catholique et de ramener les gens à l’amour de l’Eglise du Christ. Les deux, comme y insiste le pape François, doivent aller ensemble. Les thomistes pensent avec raison que la plupart des gens ne sont pas et ne peuvent pas devenir des philosophes et des théologiens. La plupart des gens qui désirent se penser eux-mêmes comme des chrétiens doivent être assurés qu’il existe des gens à qui ils font confiance – et qu’ils respectent – qui ont des réponses chrétiennes à des questions morales et spirituelles difficiles, même si la plupart des chrétiens ne connaissent pas les arguments eux-mêmes.
Cette connexion et cette confiance ont fait défaut en Irlande – et en beaucoup d’autres lieux – pendant une génération ou deux.

A la suite du vote irlandais, un prêtre m’a envoyé un passage de l’Enchridion de saint Augustin qui décrit comment « des crimes non seulement n’étaient pas punis mais étaient ouvertement commis comme sous la protection de la loi. Et ainsi à notre époque temps : beaucoup de formes de péché, même si ce ne sont pas exactement les mêmes que ceux de Sodome et Gomorrhe, sont pratiqués aujourd’hui si ouvertement et habituellement, que non seulement nous osons ne pas excommunier un laïc, mais nous n’osons pas même déchoir un homme d’Eglise, qui en a commis. »

Après des décennies d’hésitations, nous aurons à faire un long chemin de retour depuis l’endroit où nous sommes maintenant. Malgré tout, prenons courage en nous rappelant les presque 40% d’Irlandais qui ont bien agi, malgré les pressions et face à de nombreux obstacles. Comme la Vierge le dit au Roi Alfred, face à une horde barbare, dans La ballade du Cheval Blanc de Chesterton :

.


Je ne te dis rien pour ton confort

Non, rien pour ton désir,

sinon que le ciel se fait plus sombre

et que la mer monte toujours.

.

La nuit sera trois fois nuit sur toi

et le ciel chape de fer.

As-tu joie sans raison,

Oui, foi sans espérance ?

— –

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/25/irelands-40-percent-solution/


Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’Institut Foi et Raison à Washington, D.C. Son dernier livre : The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West [« Le Dieu qui ne fait pas défaut : comment la religion a construit et soutient l’Occident »] aujourd’hui disponible en poche chez Encounter Books.