La seule vraie révolution - France Catholique
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La seule vraie révolution

Traduit par Bernadette Cosyn

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Le pape François a achevé son pèlerinage à Cuba hier à Santiago – là même où son prédécesseur, Benoît XVI, avait glissé et était tombé dans sa chambre et où (comme nous le savons maintenant) il avait décidé de renoncer à la papauté puisqu’il n’avait plus les aptitudes nécessaires pour porter les devoirs de sa charge.

François lui-même a paru très fatigué quand il s’est trouvé là. Il marchait avec une claudication due à la sciatique et souffrait d’autres indispositions. Mais un esprit puissant plane sur l’antique sanctuaire. Et dans l’homélie de sa messe finale dans le sanctuaire de Notre-Dame de Charité d’El Cobre, et encore plus dans une rencontre avec des familles ordinaires qui a suivi, le pape est apparu plein de vie, proposant une « révolution de la tendresse » et la reconnaissance de la famille comme une « école en humanité », une révolution bien différente de celle qui a son siège dans divers services et forces de sécurité de la Havane.

Les révolutions communistes, où qu’elles aient eu lieu, parlent d’ennoblir les travailleurs par une politique qui envahit tous les coins et recoins de la vie humaine, et d’assurer la rédemption de toute l’humanité via la redéfinition idéologique de toutes choses en termes matérialistes. C’est complètement grotesque, bien sûr, vu que leur histoire n’est partout que tyrannie et brutalité. Le régime cubain ne pouvait même pas autoriser quelques dissidents à parler avec le Saint-Père. Pourtant certains là-bas n’avaient pas vu les écrits sur le mur quand les politiques ont pris cette importance boursouflée. Certains même ici en Amérique ont une mentalité similaire sans même le savoir.

Il est fâcheux que lors de l’arrivée du pape à Washington hier soir, tous les médias dominants ont immédiatement essayé de le situer en termes partisans – est-il plus proche des Républicains que des Démocrates, va-t-il insister davantage sur les questions liées à la vie ou sur l’environnement et l’immigration ? Il semble que nous ne soyons plus capables de concevoir qu’un responsable religieux puisse venir ici prioritairement comme pasteur, avec des préoccupations de pasteur qui se situent sur un plan entièrement différent. De fait, durant le vol de Cuba à Washington, François a éprouvé le besoin de dire à la presse présente à bord qu’il n’était pas un gauchiste, et si les journalistes avaient mieux fait leur travail, ils l’auraient su depuis longtemps – et ils l’auraient bien fait comprendre aux autres.

Il n’y a pas de meilleur moyen pour manquer la réelle signification de la papauté de François que de se limiter à cette passe d’armes partisane – bien que, pour mémoire, j’ai quelques soucis en ce qui concerne certaines de ses déclarations publiques concernant l’environnement, l’immigration, l’économie globale et plusieurs autres questions majeures. Mais je suis prêt à dire, après une observation attentive, que si vous voulez savoir où penche le cœur de François, il faut écouter ses échanges avec les familles – son dernier discours public à Cuba – et les commentaires que mes collègues et moi avons fait sur EWTN télévision.

Les médias américains et mondiaux se seront peut-être lassés de François avant son intervention à la Réunion Mondiale des Familles à Philadelphie dimanche prochain. Ils préfèrent le débat plus facile, d’une partisanerie plus familière, de ses discours au Congrès et aux Nations-Unies. Mais s’ils devaient le suivre de bout en bout jusque la fin à Philadelphie, ils pourraient entendre quelque chose aussi potentiellement réformateur pour notre pays troublé que plusieurs de ses discours l’étaient pour Cuba.

J’ai fait remarquer plus haut que je considérais comme significatif que François ne soit pas retourné dans la capitale cubaine avant de quitter le pays pour l’Amérique. Il parle souvent d’aller « aux périphéries, et il a toute une théorie sur comment la réforme et la revitalisation de l’Église s’est déplacée des périphéries vers des centres nationaux et internationaux comprenant Rome.

A Cuba, cette théorie s’est concrétisée : Notre-Dame de Charité a joué un rôle clef dans l’établissement de l’Église et de la nation cubaine, même si son sanctuaire se situe dans le village relativement obscur de El Cobre. Peu importe comment, c’est à El Cobre que ce qui vit à Cuba a toujours un foyer. Ce qui s’est débrouillé pour survivre à la Havane est destiné, tôt ou tard, à finir dans les poubelles de l’histoire. Les communistes là-bas ne vont pas l’admettre pour l’instant – bien qu’ils le sachent probablement.

François était hier fort occupé par les affaires de son Père. L’Évangile racontait comment la Vierge Marie, après l’Annonciation, est allée en hâte rendre visite à sa cousine Élisabeth, déjà enceinte de Jean-Baptiste. François s’est servi de cette introduction pour parler des « grand-mères, mères et tant d’autres qui avec tendresse et amour ont été des signes de visitation, de courage et de foi pour leurs petits-enfants et leurs familles. » Ceci bien sûr, paie tribut au rôle discret, souvent caché, des femmes dans la transmission de la foi, surtout dans les pays totalitaires ou la pratique publique de la religion peut conduire à des discriminations dans la scolarisation, l’emploi et l’accès aux services publics. Les prêtres qui ont affaire avec les catholiques de Miami disent que les exilés cubains viennent les voir sans même un certificat de baptême – parce que leurs grands-mères ont procédé au sacrement en cachette.

Néanmoins, François n’était pas satisfait de laisser les choses rester dans le secret. Il s’est tourné vers un autre de ses thèmes favoris – comme quoi nous devons quitter nos propres espaces catholiques pour mener une évangélisation : « Comme Marie, Mère de Charité, nous voulons une Église qui aille de l’avant pour construire des ponts, abattre des murs, semer les graines de la réconciliation. Comme Marie, nous voulons être une Église capable d’accompagner toutes ces situations de ‘grossesse’ de notre peuple, se consacrant à la vie, à la culture, à la société, ne se lavant pas les mains mais marchant aux côtés de nos frères et de nos sœurs. » Un problème ecclésial, pour sûr, mais peut-être aussi un signal qu’il est temps pour l’Église de prendre le relais d’un régime chancelant et de faire en sorte qu’il tombe du bon côté.

Quand le pape parle aux familles, il va même plus loin. Il décrit des familles, de vraies familles avec leurs imperfections, telles que celles dans lesquelles nous vivons, et de ce fait le lieu où nous apprenons à vivre les uns avec les autres. Du reste, de telles familles ne devraient pas être vues comme un problème, mais comme une opportunité, « de vrais espaces de liberté ». Ce n’est pas simple sentimentalité catholique. L’Église a depuis longtemps enseigné que c’est la famille qui est la cellule de base de la société et non l’individu isolé ni l’état.

Déjà à l’époque de Platon et Aristote, deux philosophes qui ont grandement influencé l’Église, il y avait une forte reconnaissance philosophique de la famille. Platon a tenté le cheminement communiste dans « La république » : les enfants ne seraient pas élevés par leurs propres pères et mères mais par l’État, afin qu’ils vivent dans une parfaite égalité et considèrent chacun comme un frère (comprenez : un « camarade »). Aristote, le disciple de Platon qui admirait son maître sous bien des aspects, a dit non, définitivement non : nous apprenons à être frères et sœurs, à honorer nos aînés, à accorder de l’importance aux jeunes générations futures précisément au sein de la famille. Sans la famille, cellule de base de la société, nous ne pouvons pas devenir bons comme individus, et nos sociétés peuvent encore moins reconnaître ce que doivent être de vraies relations entre nous ou comprendre la valeur des traditions préservées par les anciens justement en vue de l’épanouissement futur de la jeunesse.

Alors, cette semaine, écoutez les controverses libéral contre conservateur à propos de François si c’est indispensable. Et ne cessez pas de penser fermement et clairement à ce qui est bon pour vous et pour nous tous à ce moment de l’histoire humaine. Et si vous voulez quelque chose pour éclairer votre réflexion, ne vous laissez pas dégoûter par le battage médiatique. Restez ferme. Écoutez François à Philadelphie dimanche.

Illustration : François salue « une école d’humanité » cubaine, c’est-à-dire une famille

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/23/the-only-real-revolution/