La repentance d'un garde rouge - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La repentance d’un garde rouge

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C’est encore une information modeste, elle n’en pèse pas moins très fort sur le terrain symbolique. Un ancien garde rouge, aujourd’hui âgé de plus de soixante ans, a décidé d’avouer publiquement ses remords pour avoir participé aux horreurs de la Révolution culturelle chinoise des années 1966-1969 : « J’étais jeune et ignorant à l’époque de la Révolution culturelle, j’ai été ensorcelé par des personnes et j’en ai blessé d’autres. Ces dernières années, j’ai présenté des excuses auprès de certaines d’entre elles et j’ai obtenu leur compréhension. Mais je n’ai pas pu contacter certains, (quelques uns sont même morts). Je désire publier une annonce dans votre revue pour m’excuser auprès d’eux et de leurs familles, en rédemption de mes fautes passées. »

On trouvera que ces aveux, publiés dans une honorable revue chinoise, sont un peu tardifs, presque un demi-siècle après les faits. Mais ce retard pourrait bien être significatif en lui-même de la difficulté d’une anamnèse dans un contexte historique et culturel bien particulier. Il s’est passé beaucoup de choses depuis cette dernière folie du Grand Timonier, Mao Tsé-Tung. Aujourd’hui, le développement économique vertigineux de la première nation du monde n’est pas propice à des retours douloureux sur le passé. C’est bien pourquoi cette initiative est exemplaire et pourrait être à l’origine, sinon d’une repentance généralisée, du moins d’une prise de conscience à une échelle élargie.

Un intellectuel de Shangai parle même comme d’un début de réveil de l’humanité dans le cadre d’un pays où il n’y pas de tradition de repentance. Je sais bien qu’il peut parfois y avoir des excès et même une véritable névrose, qui au lieu de libérer, peut tétaniser les consciences et obérer toute ouverture à l’avenir. C’est sans doute qu’il y a lieu d’approfondir la démarche autant pour les consciences personnelles que pour les peuples. Il se pourrait même qu’il y ait une difficulté du côté des victimes, qui, elles-mêmes, demeurent liées à leur passé, sans pouvoir se libérer du souvenir de leurs bourreaux. On trouvera cela peut-être paradoxal. Mais j’ai connu un prêtre, qui avait été maltraité durant sa captivité en Allemagne, et qui avait tenté de retrouver le principal responsable de ses souffrances. Quand il avait aperçu le prêtre, l’ancien geôlier avait pâli. Quelle ne fut pas sa surprise de voir l’intéressé venir l’embrasser et lui dire dans sa langue maternelle : « Grüss Gott ! », Dieu te salue ! Le prêtre pouvait repartir, c’est lui qui était libéré !

Chronique lue sur radio Notre-Dame le 20 juin 2013.