La mort et l’amour - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

La mort et l’amour

Traduit par Aurélie D.

Copier le lien

La mort, tout comme l’amour, est un de ces quelques rares et grands mystères dont il semble impossible de parler. L’amour semble rendre les mots superflus (bien que Platon et Augustin, Dante, Shakespeare et C.S. Lewis, ait dit des choses merveilleuses sous son influence à propos du genre humain). La mort par contre nous laisse sans voix.

Ma mère s’en est allée vers le monde meilleur et a été enterrée dans le village où je suis né, où elle est née et a vécu toute sa vie, duquel mon frère était évêque. Pour parler de la mort d’une mère, vous devez oublier tout ce que cela signifie. Mais lorsque j’ai pensé à ses quatre-vingt-onze années de vie, j’ai réalisé à quel point la vie peut être à la fois le fruit du hasard et de la providence.

Nous parlons beaucoup de la dignité et de l’originalité de chaque vie humaine mais je soupçonne que nous n’y croyons pas. Sans y réfléchir, vous pensez penser que c’est le genre de discussions que nous utilisons au lieu de parler de vieilles langues chrétiennes pour affirmer quelques valeurs en public. Un vieux dicton juif nous en revanche nous dit qu’une vie humaine représente un monde tout entier. Et si vous regardez attentivement la vie de quelqu’un, c’est tout à fait vrai.

Dans le cas de ma mère, cela commence par son prénom : Esther, la reine Esther, comme certains aimaient à l’appeler pour rire. Quand ma mère est née, sa mère, qui est venue d’Italie aux Etats-Unis, avait appris le décès d’une de ses sœurs en Italie, Pasquale. Elle voulait donc appeler ma mère Pasquale, mais ses amies lui ont expliquées que ce serait difficile à porter pour une fille aux Etats-Unis. Mais Pasqua signifie Easter en anglais (Pâques en français), et Esther serait un nom tout à fait acceptable, malgré sa connotation juive.

C’est ainsi qu’une femme dont la famille a été catholique pendant des siècles, qui plus est habitant dans les Etats Papaux, et habitant maintenant au Nouveau Monde, avait le même nom qu’une noble femme juive qui a vécu 2500 ans plus tôt en Perse.

Ma mère a rencontré mon père dans des circonstances aussi curieuses. Alors qu’il était dans le Sud du Pacifique lors de la Seconde Guerre Mondiale, ses parents ont déménagé de leur quartier slave dans un quartier mixte plus jeune. Quand il est rentré à la maison, ma mère habitait de l’autre côté de la rue.

Quelques années plus tard, ses parents ont bâti une autre maison, directement derrière l’ancienne, dans une rue parallèle. S’ils avaient déménagé quelques années plus tôt, quelques mètres plus loin, ces deux-là n’auraient pu jamais se rencontrer. Je ne serais pas en train d’écrire cet article, et vous ne seriez pas en train de le lire. Le journal du Catholic Thing n’existerait probablement pas non plus.

Ils vivaient dans un autre monde. Je me demande dans quel monde nous sommes maintenant. Mes deux parents avaient de grandes familles, six frères et sœurs chacun. Quand j’y pense, cela m’étonne de pouvoir me rappeler le temps où ma famille se réunissait, lors d’un pique-nique, environ cinquante personnes ou même plus de famille de sang. A chaque vacances. Ou même un dimanche quelconque.

Je pense aussi aux différences entre les deux familles, que vous pouviez voir seulement en regardant leurs jardins. Les deux avaient de beaux potagers. Mais les Slaves plantaient des bouleaux, des saules pleureurs, des pommiers et des poiriers. Dans le quartier d’à côté, les Italiens avaient des pêchers, des figuiers, et bien sûr des vignes, malgré les hivers de la Nouvelle Angleterre.

Et leurs “réseaux sociaux” n’étaient pas seulement la famille. Ma mère et mon père avait un “gang”, cinq ou six couples mariés, qu’ils connaissaient du lycée et qui continuaient à se voir régulièrement, même après la naissance de leurs enfants. Ils jouaient aux cartes, faisaient des voyages (pas trop loin) ensemble, ils sont restés en contact jusqu’à la fin. Peu d’entre eux sont encore en vie.

Et je ne compte pas les autres amis rencontrés au fil de leur vie. Mes parents aimaient avoir des personnes autour d’eux. Et il y avait souvent du monde à la maison.

Etant donné toute cette proximité, ma mère voulait absolument que mes études et celles de mes frères et sœurs nous tiennent loin de ce cercle intime. Elle ne l’a jamais compris ou accepté, et comme elle s’approchait de la mort, tout cela me hantait alors que ça n’aurait jamais pas pu être différent. A ma connaissance, ces familles et amis, à peu d’exceptions près, vivent encore dans un rayon de moins de 15 kilomètres les uns des autres.

Elle et mon père ont fait des efforts héroïques pour nous rendre visite souvent : à Providence, Princeton, Washington, afin derester proches de leurs petits-enfants. Bien que jusqu’à maintenat, mes enfants aussi aient vécus aux Etats-Unis et même plus loin, ils se rappellent de leurs grands-parents comme étant des présences vivantes. Même leurs arrières petits-enfants les ont connus.

Nous avons constaté cela. Ils sont venus nous voir lors de notre année d’échange universitaire d’études de Dante à Florence, et sont allés à l’ordination de mon frère à Rome, où ils ont rencontré et serrés la main de St Jean-Paul II. Avant qu’elle ne tombe malade, Maman m’a dit plusieurs fois qu’elle voulait retourner en Italie une dernière fois. Malheureusement, elle n’a jamais pu y retourner.

Ma mère a eu une attaque cardiaque violente il y a trois ans et serait décédée sur le champ si elle n’avait pas été, par chance, au téléphone avec un de mes cousins qui a appelé le SAMU. Ils l’ont rapidement emmenée à l’hôpital, mais malgré tout, tout semblait déjà fini.

Pourtant, elle avait la peau dure et a tenu bon. Elle n’a jamais reparlé mais elle pouvait écrire un peu. Mais de là, ce fut une longue descente. Ces dernières semaines, la fin semblait proche. Il est difficile de comprendre pourquoi Dieu voulait qu’elle vive un tel déclin. Parmi toutes les autres marques de la providence, il doit y avoir une raison. Nous avons tous eu la chance de lui faire nos adieux, j’ai même prié un Je vous salue marie en italien avec elle. Elle pouvait finalement partir en paix.

J’ai le ferme espoir qu’elle est de retour là où elle voulait être, réunie avec sa famille et ses amis, et avec une communauté encore plus grande, celle des saints.

Jeudi 6 octobre 2016

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/10/06/death-and-love/