La Succession apostolique - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La Succession apostolique

Traduit par Gérard Hocmard

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Saint Pierre : premier parmi les apôtres (par Grão Vasco vers 1530)

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En 2007, lorsque je priais en songeant à un retour vers l’Église catholique, quatre questions théologiques eurent un poids décisif dans ma décision : la justification, la pénitence, la transsubstantiation et la succession. apostolique. J’ai déjà discuté les trois premières. Je propose maintenant de rendre brièvement compte de la manière dont s’est formée ma conviction que l’Église catholique est dans le vrai pour ce qui est de la succession apostolique.

Le catholicisme considère que si une Église se prétend chrétienne, elle doit être en mesure de démontrer que ses pasteurs — ses évêques et ses prêtres — sont les successeurs des Apôtres. C’est la raison pour laquelle l’Église catholique accepte les sacrements de l’Église orthodoxe comme légitimes bien que les orthodoxes ne soient pas en communion avec Rome.

Ce qui m’a stupéfait a été de m’apercevoir que la succession apostolique n’était pas contestée dans l’Église primitive, comme le fait remarquer dans son livre Early Christian Doctrines l’historien protestant J.N.D. Kelly. Je m’attendais à trouver des factions chrétiennes, comptant parmi leurs membres de respectés Pères de l’Église, qui auraient résisté à l’ecclésiologie épiscopale. Il n’y en eut pas une seule. De fait, un des principaux arguments utilisés contre les hérétiques dans l’Église primitive était qu’ils n’étaient pas dans la ligne et la continuité des évêques et qu’ils n’étaient par conséquent pas en communion avec l’Église visible et universelle. Dans son célèbre traité d’apologétique, Contre les hérésies (A.D. 182-188), St Irénée (A.D. v.140-202) insiste en plusieurs endroits sur ce point. Tertullien (A.D. v.160-220) utilise le même argument apologétique.

Bien entendu, les tout premiers chrétiens n’avaient pas la hiérarchie élaborée et le droit canon que l’Église catholique actuelle a à sa disposition. Mais il leur manquait également un canon néo-testamentaire sûr et définitif, un credo approuvé par un concile, une Église universelle répandue par le monde entier ou des doctrines détaillées et élaborées de la Trinité, de l’Incarnation et de la justification. Une Église en son enfance est comme un enfant humain. Dans les premiers stades de son développement, elle possède par essence des caractères propres qui, lorsqu’ils seront arrivés à maturité, trouveront d’autres applications, mais qui sont néanmoins enracinés dans la nature de l’être lui-même.

Ainsi, le même être humain qui dit : « Maman, moi fait caca » peut devenir un jour spécialiste de médecine interne. Et donc, au fur et à mesure que l’ Église croît et se développe, ses propriétés intrinsèques viennent à maturité afin de s’adapter à un nombre grandissant d’adeptes en même temps que de pouvoir relever les nouveaux défis théologiques, politiques, géographiques et pastoraux qu’elle n’avait pas anticipés dans son incarnation primitive.

Par exemple, c’est à cause du défi de l’arianisme que le premier concile de Nicée (A.D. 325) s’est réuni et a établi un credo que tous les membres de l’Église furent tenus de respecter. De telles résolutions prises en concile n’ont de sens que si des réunions de ce genre ont une autorité réelle. Et, comme je l’ai donc appris, la seule autorité reconnue par l’Église primitive afin de résoudre les disputes doctrinales était l’autorité apostolique, qu’elle soit d’origine ou reçue.

À l’époque où les premiers Pères de l’Église rédigent leurs épîtres, une infrastructure ecclésiale, toute primitive dans sa forme qu’elle soit, est déjà en place de manière incontestée. Bien que nous puissions relever les premiers indices de cette évolution dans le Nouveau Testament — ce qui suggère un schéma particulier de la direction et de l’autorité — ce sont de simples indices si on les isole de la manière dont les comprenaient les premiers lecteurs des Écritures, y compris les disciples des Apôtres et leurs successeurs.

Tout d’abord, il est clair que l’Église du Nouveau Testament était une église apostolique. La direction était le fait des Apôtres, qui tenaient cette autorité de Notre Seigneur, laquelle comprenait le pouvoir de lier et de délier (Mt 16 :9 ; Mt 18 :8), de pardonner les péchés (Jn 20 :21-23), de baptiser (Mt 28 :18-20) et de faire des disciples (Mt 28 :18-20). Nous voyons cela à l’œuvre de nombreuses façons dans tout le Nouveau Testament, par exemple à propos de l’enseignement que l’Église est fondée sur le Christ et ses Apôtres (Eph 2 :19-22) ou lorsqu’il s’agit de la délibération et la prise de décision au sein d’une structure épiscopale à propos d’une controverse théologique (Actes 15 :1-30), de la proclamation de ce qui constitue la manière appropriée de recevoir la vraie doctrine (1 Cor 15 :3-11), de la remontrance et l’excommunication (Actes 5 :1-11 ; Actes 8 :14-24 ; 1 Cor 5 ; 1 Tim 5 : 20 ; 2 Tim 4 :2 ; Titus 1 : 10-11), de l’estimation du caractère adéquat de la pénitence ou de la contrition d’un croyant (2 Cor 2 : 5-11 ; 1 Cor 11 : 27), de l’ordination ou de la nomination de prêtres (Actes 14 : 23 ; 1 Tim 4 : 14), du choix de successeurs (Actes 1 : 20°26) ou de confier la tradition apostolique à la génération suivante (Tess 2 : 15 ; 1 Tim 2 :2). Les caractéristiques catholiques étaient déjà en place, même sous forme embryonnaire.

Ensuite, la pleine signification de ces « indices » relevés dans la pratique de l’Église naissante trouve une réponse dépourvue d’ambiguïté de la part de la deuxième génération de chrétiens et de leurs successeurs. En plus des témoignages de St Irénée et de Tertullien cités plus haut, il y a ceux d’autres auteurs, tels que St Clément de Rome, de St Cyprien de Carthage et de St Augustin d’Hippone.

L’Église catholique pose aussi la primauté de l’évêque de Rome et la doctrine de l’infaillibilité pontificale. Je n’ai pas ici la place de traiter de cet aspect de la succession apostolique. Qu’il me suffise de dire qu’une fois que j’ai eu trouvé que la succession apostolique était une doctrine chrétienne légitime tant d’un point de vue historique que biblique, la primauté du successeur de Pierre m’a paru aller de soi. J’ai découvert que les arguments en sa faveur étaient passablement forts (comme Adrien Fortescue le fait valoir de manière convaincante), au point que même les orthodoxes qui rejettent la papauté moderne soutiennent néanmoins que Rome a une sorte de primauté ecclésiale (comme le prouve Olivier Clément. Certains parlent plus modestement d’une « primauté d’honneur ».). Et dans la mesure où, ex-catholique, j’étais en état de schisme par rapport à Rome et non à Constantinople, l’orthodoxie n’était pas une possibilité pour moi.

Il m’est apparu clairement que, dans l’histoire chrétienne tout entière, la succession apostolique avait été acceptée sans conteste par les Églises occidentale et orientale jusqu’à la Réforme du XVIe siècle. J’en ai donc conclu qu’il s’agissait à tout le moins d’une position légitime dans les limites d’une croyance chrétienne acceptable. À partir de là, je ne pouvais plus légitimement rester en état de schisme par rapport à l’Église de mon baptême sauf si j’avais des raisons pour cela. Or je n’en avais aucune de bonne.


Francis J. Beckwith, professeur de philosophie et d’études sur les relations église-état à l’université Baylor. Il raconte l’histoire de son itinéraire du catholicisme au protestantisme et retour dans son livre, Return to Rome : confessions of an evangelical catholic. Il tient un blog : Return to Rome


Source de cet article : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/apostolic-succession.html