La GPA au forceps - France Catholique

La GPA au forceps

La GPA au forceps

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Le bras de fer judiciaire opposant partisans et adversaires de la gestation pour autrui est relancé par le tribunal de grande instance de Nantes. Son issue pourrait bouleverser les fondements de notre droit. Le débat législatif semblait en effet tranché : toute GPA est interdite. Dès 1991, la Cour de cassation a condamné cette pratique en invoquant l’article 1128 du Code civil qui stipule : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions. » La loi bioéthique de 1994 a ensuite précisé que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La GPA est assimilée par les tribunaux à une « supposition d’enfant » : le fait de prêter à une femme un accouchement qui n’a pas eu lieu, portant atteinte à l’état civil de l’enfant. C’est donc un délit passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Et la Cour de cassation a logiquement confirmé, en 2011, que les enfants nés de cette GPA hors de nos frontières n’ont pas à être inscrits à l’état civil français.

Cependant, des adultes ayant obtenu des enfants par cette pratique à l’étranger — en toute impunité — n’ont de cesse de rouvrir le débat, en osant invoquer… l’intérêt des enfants. Leur technique : mettre la France devant le fait accompli de la présence de ces enfants, puis tenter de faire valoir l’intérêt de ces derniers à se voir reconnue une filiation les reliant aux adultes qui les élèvent, dont l’un au moins est en général leur père biologique. En juin 2014, deux couples ont ainsi fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour refus de transcription d’état civil.

Me Caroline Mecary s’est fondée sur cet arrêt de la CEDH pour plaider devant le tribunal de grande instance de Nantes — où se situe le service national de l’état civil — la demande de trois couples — de sexes complémentaires — d’ordonner la transcription à l’état civil de cinq enfants nés de cette pratique en Inde, Ukraine et États-Unis. En suivant cette requête, le mercredi 13 mai 2015, le TGI a semblé acter une légalisation jurisprudentielle de la GPA hors frontières. Et Me Mecary de saluer aussitôt une « victoire du droit sur les tergiversations politiciennes ».

Le parquet a cependant fait appel, un appel suspensif. Et c’est devant la cour d’appel de Rennes que le sujet devrait être porté.

Faute de réponse judiciaire attendue avant 2016, la balle est retournée dans le camp politique. Affichant sa double volonté de ne pas « banaliser » la GPA tout en conciliant cette exigence avec « l’intérêt de l’enfant », Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, a réaffirmé le 24 mai 2015 « la position de la France » : « celle de la prohibition absolue de la GPA sur le territoire français » au nom de l’hostilité des Français à la « marchandisation du corps » tout en avouant  : « Toute la difficulté est de trouver une voie qui ne nous mette pas en état de capitulation par rapport à la GPA ». Et Laurence Rossignol d’évoquer de futures conventions avec les pays où la GPA est légale pour dissuader les ressortissants français d’y avoir recours… Une position défensive qui tente de surmonter la cacophonie gouvernementale alimentée par de nouvelles déclarations ambiguës de Christiane Taubira, dont la circulaire controversée de 2013 demande de faciliter la délivrance de papiers d’identité français à des enfants nés par GPA.

Céder à ceux qui instrumentalisent la justice pour imposer à la France leur pratique de la GPA, que la loi française juge transgressive, aurait d’énormes conséquences sur nos institutions : achever de soumettre la souveraineté de l’éthique française à celle — largement idéologique — de la CEDH, effacer le droit hexagonal devant les mœurs internationales et sacraliser la loi du désir jusqu’à imposer à notre droit de traiter les personnes les plus faibles comme des choses, au nom des aspirations des plus forts…

Car ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’attitude des promoteurs de la GPA que d’invoquer l’intérêt de l’enfant pour faire légitimer, au forceps, une maternité éclatée qui est contraire à leur intérêt.