Holà François ! - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Holà François !

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Le pape François a pris l’avion du retour à Philadelphie hier soir, après une semaine exténuante qui l’a conduite dans trois villes à Cuba et trois en Amérique, un itinéraire qui aurait épuisé un homme beaucoup plus jeune. Il a accompli à peu près tout ce que chacun attendait de lui : charmant les foules – auditeurs jeunes et vieux, de droite, de gauche, du centre et de tous les autres horizons. Il a également suscité un nombre assez important de controverses et amené de nombreuses personnes à se demander à nouveau : que veut donc nous dire cet homme selon toute évidence saint et plein de bonté ? Car, deux ans et demi depuis l’élection de ce pape et malgré sa grande capacité de toucher son public d’une manière incroyable, il n’est toujours pas facile de répondre à la question. Pour beaucoup, cette incertitude est source d’une profonde anxiété. Hier, il s’est d’abord rendu au séminaire Saint-Charles Borromée pour s’adresser à ses évêques venus du monde entier pour la Rencontre mondiale des familles. (Il avait déjà parlé aux évêques américains mercredi, à Washington). Voici ce qu’il leur a dit dans l’un des plus fervents messages de tout son voyage :
« En tant que pasteurs, nous évêques nous sommes appelés à unir nos forces et à relancer l’enthousiasme pour que se fondent des familles qui, en accord avec leur vocation, correspondent toujours plus pleinement à la volonté de Dieu. Nous devons nous efforcer non pas tant de ressasser les défauts de l’époque actuelle et les mérites du christianisme, mais d’inviter avec franchise les jeunes à être audacieux et à opter pour le mariage ainsi que pour la famille… Ici aussi il faut une sainte parrhesia des évêques ! Un christianisme qui « se concrétise peu » dans la réalité et « s’explique » abondamment est dangereusement disproportionné. Je dirais qu’il est pris dans un vrai cercle vicieux. Le pasteur doit montrer que « l’Evangile de la famille » est vraiment « bonne nouvelle » pour un monde où la préoccupation pour soi-même règne de façon absolue ! »
C’est l’un des thèmes constants du pape François et, force est de constater que c’est aussi un sujet qui bouleverse et inquiète profondément beaucoup de fidèles. Nul ne conteste cette franche ouverture aux autres : en fait, il y a un certain nombre de groupes et de personnes qui consacrent tout leur temps à des tâches de ce genre. Et ces mêmes personnes ont du mal à comprendre comment le fait de « ressasser les problèmes » ou « les mérites du christianisme » (ou, pis encore, « d’expliquer » ses enseignements) peut en quelque sorte s’opposer à la sensibilisation directe des personnes. Par quel moyen peut-on persuader des jeunes de se marier si ce n’est en leur donnant des idées différentes de celles de la culture dominante ? Par la simple force de sa personnalité ? Mais c’est un appel à l’émotion, pas à la vérité ou à la parole de Dieu. Est-ce vraiment ainsi que devrait œuvrer le christianisme ? Les situations varient beaucoup de par le monde, et sans nul doute, certaines souffrent d’une « dangereuse disproportion », les pasteurs consacrant trop de temps et d’efforts à l’explication de la doctrine, mais il difficile de dire exactement où des situations de ce genre se rencontrent. Il est, en tout cas, fort improbable que la plupart des évêques, où que ce soit, considèrent que mettre trop l’accent sur l’enseignement soit l’un des défauts majeurs de l’Eglise à notre époque. En fait, si disproportion il y a en son sein, c’est que le christianisme a été ramené à quelques slogans, du genre « aimez-vous les uns les autres », ou « soyez tolérants et ouverts », formules courantes que le monde ressasse sans avoir besoin que l’Eglise les lui enseigne. En outre, cette attitude a suscité des doléances désormais courantes que de nombreux catholiques fidèles et actifs formulent souvent dans nos paroisses et diocèses : pourquoi le Saint Père semble-t-il presque toujours nous critiquer tout en louant la plus petite manifestation de vertu ou bonne action chez des gens se situant en dehors de l’Eglise catholique, voire s’y opposant ? Dans l’après-midi, après l’un de ses remarquables entretiens avec quelques interlocuteurs, en l’occurrence à la Prison Curran-Frommhold avec quatre-vingt-cinq détenus, l’homélie du Pape lors de la messe de clôture a ressemblé à une introduction au programme du Synode sur la famille. Comme lors de son allocution aux évêques au début de la journée, il a réprimandé (c’est le mot juste) ceux qu’ils considère comme des adeptes rigides des règles et pas de l’Esprit. Il s’était déjà exprimé ainsi l’an dernier, avant le synode de 2014 en critiquant dans une homélie ceux qui, comme les Pharisiens, respectent des centaines d’infimes préceptes – dont Notre Seigneur leur a enjoint de ne pas s’écarter d’un iota, mais qui devraient aussi observer les grands commandements de la Loi. Mieux vaut rappeler précisément ce que le Saint Père a dit dans ce contexte. Vers la fin de son sermon, de sa manière un peu vague, il a de nouveau recommandé de prendre soin de notre maison commune (son thème écologique), mais a également appelé à reconnaître le besoin d’une ouverture à la vie qui « invite tous ceux qui veulent partager la prophétie de l’alliance entre l’homme et la femme qui donne vie et révèle Dieu ! » En d’autres termes, il a exprimé la position pleine et entière de l’Eglise catholique, qui comprend des éléments tant progressistes que conservateurs, tels qu’ils sont perçus dans la culture américaine actuelle. C’est un peu plus tôt, dans ses réflexions sur le passage de l’Evangile où les apôtres sont préoccupés par des hommes qui guérissent les malades mais ne comptent pas parmi les disciples du Seigneur, que François a exprimé un point de vue radical qui peut nous laisser entendre ce qui se passera au Synode sur la famille le week-end prochain :
Moïse et Jésus ont chacun réprimandé des proches pour leur étroitesse d’esprit !… Pour ceux-là s’ouvrir à des hommes et des femmes qui ne faisaient pas partie du peuple élu était intolérable. Les disciples, de leur côté, ont agi de bonne foi. Mais la tentation d’être scandalisé par la liberté de Dieu qui fait tomber la pluie sur les justes et les injustes (Matthieu 5, 45), en contournant la bureaucratie, les cercles administratifs et restreints, aurait menacé l’authenticité de la foi. C’est pourquoi elle doit être vigoureusement rejetée.
On pourrait trouver beaucoup à redire aux activités des institutions rigides qui trahissent la liberté et l’action de l’Esprit, mais il faut aussi bien reconnaître leurs mérites et ceux des fidèles pasteurs qui les dirigent et qui nous soutiennent dans toutes les vicissitudes de la vie terrestre, que le seul recours spontané à l’Esprit ne permet pas de surmonter, mais exigent aussi qu’on soit en prise directe sur les stupides détails pratiques de la vie quotidienne. Des critiques virulentes des hommes d’Eglise qui essaient de servir les fidèles. Des éloges appuyés de ceux qui, bien qu’en dehors de l’Eglise, semblent guidés par l’Esprit sans le savoir. Et tout cela dans un sermon pendant une messe censée être la conclusion d’une rencontre internationale ayant pour but d’affirmer et de promouvoir la famille. Même un catholique très évolué ne saurait s’empêcher de trouver cette attitude très perturbante. Nous savons et acceptons jusqu’à un certain point ce que le Saint Père nous dit. Mais nos sociétés se heurtent à bien d’autres défis — qui semblent beaucoup plus urgents. Peut-être que le Synode sur la famille qui commence cette semaine nous éclairera. http://www.thecatholicthing.org/2015/09/28/oh-francis/
Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing et le président du Faith&Reason Institute de Washington.