Fuir l’Irak - France Catholique

Fuir l’Irak

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Quand les Américains (“et leurs alliés”) ont pris Kaboul, ils ont découvert qu’un des clichés concernant l’Afghanistan était faux. Il n’était pas vrai qu’il ne restait plus de Juifs dans ce pays. Un monsieur âgé est sorti des ruines, un certain Ishaq Levin (que son âme repose en paix !) Pendant toutes ces années il s’était caché, mais il avait l’impression que maintenant, il pouvait sortir.

En fait, il y en avait un autre. Notre gentil lecteur a peut-être entendu l’histoire dont on a fait une petite pièce de théâtre à Londres. Zabolon Simenov (orthographes variées), marchand de tapis et vendeur de kebab, a aussi survécu aux Taliban tout en restant tranquillement juif. Sa grande famille, dont deux filles, avait depuis longtemps fui vers Israël.

Aux dernières nouvelles, il refusait toujours de les suivre, croyant qu’en tant que fils et petit-fils de rabbins autrefois distingués, vivant dans ce qui restait d’une synagogue, il devait rester s’il le pouvait. Son affaire de kebab n’était plus ce qu’elle était — les bombardements incessants décourageaient les dîners en ville — il a dû fermer son étal.

Je me suis souvenu de cette histoire peu après avoir écrit sur mon propre site Internet dimanche que, « pour la première fois en plus de dix-huit siècles, il n’y a plus de Chrétiens à Mosoul, Irak. » Mes informations actuelles disent que des douzaines, peut-être des centaines se cachent.

Mais les quelques milliers qui sont restés et ont souffert des tourments variés dans ce qui avait été une ville chrétienne, et qui est toujours en titre le siège de la Sainte Eglise Catholique Apostolique Assyrienne d’Orient, se sont pour la plupart sauvés vers le Kurdistan.

« ISIS » – l’armée islamiste fanatique qui contrôle maintenant de grands territoires en Irak de l’ouest et en Syrie de l’est, et qui se nomme elle-même « califat » leur donne l’option de mourir. Les rapports des médias, cachés dans des pages intérieures, répètent mécaniquement les deux autres options : conversion à l’Islam ou payer le jizyah [NDT.L’impôt pour les non-musulmans]. Ils n’ont plus de place pour expliquer que ce ne sont pas des alternatives sérieuses.

Il n’y a généralement pas beaucoup de rapports sur l’Irak, maintenant que les troupes alliées se sont retirées, et notre choix d’amis se limite d’un côté aux terroristes sunni, et de l’autre, à deux régimes (celui d’Assad en Syrie et celui de Maliki en Irak) qui sont devenus les clients de l’Iran.

Tandis qu’ils évitaient leurs profondes responsabilités morales en Irak, nos dirigeants occidentaux ont abandonné à leur sort tout à fait consciemment les chrétiens autrefois nombreux. Même alors que nos troupes étaient encore là et avaient les moyens d’empêcher le pire, on ne s’occupait pas du sort des chrétiens. Comme d’autres minorités en Irak, ils représentaient d’incommodes complications au milieu d’enjeux plus importants.

Il faudrait raconter une longue histoire pour expliquer l’impossibilité de la situation actuelle. Je vais essayer de la réduire à un seul paragraphe.

Tandis que les chrétiens ont toujours eu une existence précaire dans les pays islamiques (et vice versa, sur le long terme) leurs communautés les plus importantes ont pu survivre quatorze siècles en s’arrangeant avec leurs maîtres musulmans. L’islam « traditionnel » reconnaissait en effet les chrétiens et les juifs qui avaient survécu (certainement pas les convertis) comme le peuple du livre, ayant un certain droit à la vie. Les chefs musulmans les pressaient d’impôts, refusant avec sagesse de laisser les fanatiques tuer leurs vaches à lait. Mais avec l’apparition de l’islamisme « idéologique » qui a succédé au nationalisme arabe au XXe siècle, tous les paris sont sortis.

Il vaut la peine de mentionner deux faits importants, facilement négligés dans la misère de notre époque. L’un est que, dans les endroits comme Mosoul, et Raqaah en Syrie, la survie même des réfugiés chrétiens a dépendu de leurs voisins musulmans qui les ont cachés, nourris, et transportés. Car leurs maisons sont marquées et les Islamistes leur ont pris tout ce qu’ils possédaient.

Remarquez bien : les musulmans les ont défendus quand nous les avons abandonnés.

Quand on prie pour les chrétiens persécutés, on devrait aussi prier pour les musulmans qui risquent tout pour les mettre à l’abri — à l’évidence sans chercher de publicité. En retour, cela aide à choisir ses mots quand l’analogie « Tous les Allemands sont des nazis ! » vous met en colère. Car même si la majorité était d’accord pour le succès de la Wehrmacht, il y avait aussi ceux que les juifs appellent « les justes parmi les Gentils. »

Aspirons à être cela quand nous nous trouverons parmi la race des persécuteurs.

Un autre objet qui vaut la peine qu’on le mentionne est l’Espoir en relation au Temps. Il arrivera peut-être un jour prochain où il y aura autant de chrétiens que de juifs dans les pays du Moyen Orient — ce qui veut dire, un nombre qui pourrait bien être zéro. Et un jour pourrait suivre où ce sera la même chose dans cette Amérique que nous voyons autour de nous, où les chrétiens forment déjà une minorité méprisée.

Pourtant cela ne diminue pas la valeur de ces communautés chrétiennes qui sont perdues, dont on ne peut plus reconnaître les foyers et les églises, parce qu’ils ont été arrachés du paysage. Ils ont existé, en leur temps, comme nous existons dans notre temps. Et cette dure réalité ne pourra jamais être enlevée. Aux yeux de Dieu, chaque moineau qui tombe est inscrit dans son livre.

Mais c’est le monde, plein de persécution et d’injustice, rempli d’hommes brutaux et meurtriers guettant l’occasion, jusqu’à ce qu’on voie les Portes de l’Enfer s’ouvrir et en vérité ils s’élancent pour y entrer. Cela a toujours été vrai de la société humaine ; de l’Homme dans sa condition d’être déchu. C’est ce que les Chrétiens ont enseigné, et nous ne devrions pas abandonner notre foi quand nous voyons que ce que nous prêchions est vrai.

Les Croisades, soit dit en passant, ont été organisées parce que les pèlerins chrétiens allant en Terre sainte se faisaient massacrer et que l’accès à nos lieux saints leur était refusé. La chrétienté orientale avait pris des coups et en prendrait encore jusqu’à ce qu’elle soit complètement vaincue ; la chrétienté occidentale a décidé de répondre aux coups, et c’est pourquoi elle a survécu.

On ne voit pas de bonnes options, aucune que je puisse prévoir pour conserver les habitudes de vie chrétienne quand elles sont menacées à l’est, ou à l’ouest. Aujourd’hui, nous ne voulons défendre que nos sources de revenus.

Mais le Christ a prévalu, même quand ses propres apôtres l’avaient abandonné, et qu’il ne restait qu’un seul homme.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-flight-from-iraq.html

Illustration : Quelques instants après la prise de cette photo, ces prisonniers ont été assassinés par ISIS.


David Warren est un ancien éditeur du magazine Idler et il contribue au journal Ottawa Citizen. Il a une grande expérience du Proche et Moyen Orient.

On peut trouver son blog, Essays in Idleness à http://davidwarrenonline.com/