Faut-il saborder le mariage ? - France Catholique
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Faut-il saborder le mariage ?

Jean-Louis Borloo, Roselyne Bachelot, Dominique de Villepin et désormais Alain Juppé… Comment analyser la cascade de ralliements au « mariage homosexuel » à droite et au centre à l’occasion de la gay pride ?
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Aucun des ralliements au ma­riage entre personnes de même sexe n’est véritablement surprenant. Les centristes évitent les convictions de principe : ils ont saisi l’occasion de se différencier de l’UMP en se rapprochant des socialistes. C’est logique même si leurs arguments sont cotonneux, avec, en prime, une légère amnésie chez Jean-Louis Borloo qui reproche à la majorité actuelle d’avoir combattu le Pacs dont il fut un opposant comme député à la fin des années 90…

Difficile de dissocier le mariage du droit d’adopter des enfants. Au moment de son ralliement au gay-mariage, Domi­nique de Villepin a cependant ré­pondu, à propos de l’adoption : « Je ne suis pas sûr que tout le monde y soit prêt. » Étrange façon, pour celui qui se présente comme un homme d’État, de revendiquer une conviction provisoire. Deux autres frères ennemis du centre ont des positions contradictoires. François Bayrou travaille pour une union civile en mairie offrant les avantages du mariage civil, c’est-à-dire un système singeant l’institution sans en porter son nom ; si le président du Modem s’oppose à l’adoption conjointe, c’est sans exclure qu’une personne homosexuelle passe par l’adoption comme célibataire. La posture ménage la chèvre et le chou. Opportunisme ? Quant à Hervé Morin (Nouveau Centre), il se déclare « pour l’adoption, mais opposé au mariage » homosexuel. Original.

Roselyne Bachelot est plus cohérente : depuis son soutien au Pacs socialiste, la pharmacienne s’assume au gouvernement comme fer de lance du lobby homosexuel. Elle lui offre l’argument de l’inéluctabilité : « Un jour, le mariage entre personne du même sexe existera dans notre pays. » Avant d’enfoncer le clou : « Ma famille politique m’a toujours rejointe à la fin. » Une déclaration qui a provoqué l’appel à la démission de quelques députés UMP sans choquer l’exécutif. François Fillon a même volé au secours de sa protégée, que deux autres collègues, de la nouvelle génération, rejoignent : Chantal Jouanno, ministre des Sports et Jeannette Bougrab, ministre de la Jeunesse.

Le cas d’Alain Juppé est ressenti plus cruellement chez les défenseurs de l’institution du mariage car l’ancien premier ministre fait figure de sage. Le maire de Bordeaux ne brille pourtant pas par sa compréhension de l’âme humaine. Celui qui avait fustigé en Benoît XVI « ce pape » qui « commence à poser des problèmes » ne souffre-t-il pas de cette faiblesse anthropologique qu’on reproche souvent à sa froideur technocratique ?
Tous les récents ralliés ne font que suivre l’évolution des mœurs ou, plutôt son exagération médiatique. Faute de boussole intérieure, ils ont l’œil rivé aux sondages d’opinion : 63 % des Français pour le mariage homosexuel et 58 % pour l’adoption d’enfants. La girouette est l’obligée du vent.
Il y a par ailleurs, dans ce type de question de société, un facteur personnel à ne pas éluder. Pour défendre le mariage, il faut y croire. Croire à un mariage qui engage, parce que la construction de la société nécessite des couples stables, principalement pour assumer la longue éducation conjointe des enfants, mais aussi pour protéger les plus vulnérables, souvent les femmes, que les hommes abandonnent volontiers au milieu de leur vie.
Or, quelles que soient leurs qualités de cœur ou intellectuelles, ce n’est faire injure à personne que de noter que les ténors ralliés au « mariage gay » on fait l’amère expérience de la faillite de leur propre mariage. On peut l’affirmer pour les principaux candidats à l’élection présidentielle, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans les détails : Nicolas Sarkozy, Martine Aubry, Marine Le Pen (comme son père) ont divorcé. Deux fois pour le président, tout comme Jean-Louis Borloo. La plupart se débattent avec des recompositions familiales compliquées. Réalité dont ils sont enclins à nier les conséquences, à l’image de Jean-Louis Borloo concluant sa récente convention sur la famille du parti radical par un témoignage sur sa petite dernière en assurant benoîtement : « Les enfants s’adaptent ! » Tout cela sous le nez de la pédiatre Edwige Antier, autre député du Parti radical, qui a préfacé Les enfants du divorce : l’ouvrage démontre au contraire que ce sont les enfants qui « trinquent ».

Dominique de Villepin s’était imprudemment moqué de Nicolas Sarkozy au début de son mandat (« un homme qui n’est pas capable de garder sa femme ne peut pas garder la France ! »). Son propre couple a, depuis, volé en éclats.

François Hollande et Ségolène Royal n’ont jamais jugé bon de se marier. On imagine ce qu’ils pensent de l’institution… Beaucoup d’observateurs estiment que la candidate puise dans l’infidélité du candidat une bonne part de sa motivation à briguer une seconde fois l’investiture socialiste. Le couple se déchire désormais sous le regard de ses quatre enfants.

Quant à Dominique Strauss-Kahn, la presse a beau titrer « Victoire de l’amour » à propos de sa possible réhabilitation, il partage avec son épouse actuelle une conception de l’union conjugale aux antipodes de ce que le mariage recouvre pour ceux qui veulent le défendre. Et c’est d’ailleurs là que le bât blesse : le mot mariage n’a pas le même sens pour tous.

Faut-il avancer que la plupart des politiques chargés de se positionner sur cette institution n’y comprennent plus rien ? « C’est tout juste s’ils savent s’ils sont ou non mariés avec leur compagne », se désole une personnalité ecclésiale ayant discuté de l’institution du mariage avec quelques leaders. Force est de constater que le lobby homosexuel exploite la fragilité d’un mariage civil en pleine dérive, spécialement chez les élites. Même la digne Christine Lagarde, qui s’empare de la direction du FMI avec une hauteur de vue qu’on aimerait voir dans un président de la République, a connu l’échec de son premier mariage…

Du coup, une interrogation renaît dans l’Église catholique : faut-il se préparer à s’éloigner d’une institution qui aura achevé de se déliter en s’ouvrant aux personnes de même sexe ? Pour éviter de cautionner la dénaturation de l’union conjugale et redonner au mariage religieux sa force, certains reparlent de le découpler du mariage civil. Des fidèles y seraient prêts. Entre l’État et l’Église, ce serait une logique de rupture : l’Église marierait religieusement des personnes non mariées civilement, notamment pacsées, puisque, désormais, le Pacs offre les mêmes avantages fiscaux que le mariage. Peut-être faudrait-il même inventer un nouveau mot et délaisser celui de mariage, vide de sens, comme un reptile abandonne sa peau morte, devenue inutile.

Laisser couler l’institution, serait-ce la politique du pire ? Inventeur de ce qui s’appelait le CUC dans les années 90, Jan-Paul Pouliquen préconisait ce naufrage : « Le mariage civil se cassera bel et bien la figure lorsque notre contrat aura fait ses preuves ». Douze ans plus tard, le Pacs concurrence sérieusement le mariage civil. Mais, quantitativement, le mariage résiste. C’est d’autodestruction par dissolution interne qu’il est menacé. Pouliquen estimait que le mariage civil était, par sa solennité et la promesse de fidélité, une déclinaison du mariage religieux dont il perpétrait le caractère injuste, intrusif et liberticide. En s’appropriant le mariage civil, le lobby homosexuel pourrait achever de le vider de sa substance : exit l’engagement durable entre un homme et une femme destinés à procréer ensemble… Les théoriciens du gender se targuent de réinventer la liberté : ils veulent dynamiter le « mariage bourgeois » en cassant l’idée de fidélité hétérosexuelle qui lui est attachée.

La cérémonie en mairie va-t-elle être boudée par ceux qui ont la plus haute idée du mariage ? Il n’est pas certain que les maires apprécieraient cette dévalorisation d’un événement emblématique de leur mission. Nombre de Français de bon sens, même incroyants, restent attachés à l’institution du mariage parce qu’ils croient encore à l’amour conjugal fidèle, orienté vers l’éducation des enfants.

Pour les chrétiens, ce serait donc aujourd’hui un crève-cœur de participer au sabordage du mariage en mairie. Mais demain ? De toutes les façons c’est le mariage religieux qui est revendiqué par certaines personnes homosexuelles, comme on le voit là où le mariage civil leur est ouvert. Au-delà d’une reconnaissance sociale, la validation ultimement recherchée demeure morale.