ENTRE HEGEL ET GROUCHO MARX (*) - France Catholique
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ENTRE HEGEL ET GROUCHO MARX (*)

Chronique n° 101 parue initialement dans France Catholique – N° 1336 – 21 juillet 1972

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Parmi les étonnements que rencontre le scientifique français en visite aux Etats-Unis 1, celui qui peut-être lui fait le mieux comprendre qu’il a franchi un océan et changé de continent, c’est la place occupée par la parapsychologie dans la réflexion actuelle des hommes de science américains. Au terme d’un voyage de cinq semaines, je peux témoigner n’avoir jamais eu de conversation d’une heure avec un savant, physicien, biologiste, astronome, psychologue, mathématicien qui, à un moment ou l’autre, n’ait fait référence à la parapsychologie. Il semble que, par un renversement sans exemple depuis Galilée, ce que les savants essayaient depuis toujours d’écarter de leur champ de vision en soit soudain devenu le centre. Non seulement on l’accepte désormais, mais on admet que rien sans doute n’est plus important dans l’expérience humaine.

Science académique contre charlatanisme

− Mais qu’entendez-vous au juste par parapsychologie? me demandait cet ami à qui je faisais part de mon étonnement.

Car lui, savant français, non seulement n’y accorde aucune pensée, mais ne sait même pas de quoi il s’agit.

La parapsychologie, c’est l’étude de ces faits mystérieux qui ont nom prémonition, télépathie, voyance, poltergeist. Tout homme se trouve une fois ou l’autre dans sa vie confronté avec de tels faits. Certains rapportés par la biographie des grands hommes sont célèbres, comme les songes prémonitoires de César et de Lincoln les avertissant de leur assassinat. Ou comme le songe que Garibaldi fit une nuit de l’hiver 1852, alors qu’il naviguait dans l’océan Pacifique, quelque part entre le Chili et la Chine. Il se vit dans une ville qu’il connaissait bien, Nice, assistant au passage d’un cortège funèbre. En tête du cortège, une civière était recouverte d’un drap noir. Dans son rêve, Garibaldi est saisi d’une angoisse mortelle. Il s’approche de la civière, soulève le drap et voit le corps de sa mère, déjà rigide et froid. La nouvelle de la mort de sa mère ne l’atteignit que plusieurs mois plus tard. Mais il avait noté la date et l’heure de sa vision. Elles coïncidaient, ainsi que les circonstances de la cérémonie contemplée en songe.

Nous avons tous lu (ou vécu) de telles histoires. Nous ne connaissons presque personne qui n’ait la sienne à raconter. Jusqu’à présent, il faut l’admettre, elles ont donné lieu à plus de terreurs superstitieuses que d’études objectives. Ces études existent certes, et de grands esprits s’y sont illustrés, comme Myers, William James, Richet, Bergson, Bechterev, Vassiliev 2. Mais qui les connaît ? Dans le champ de la science académique, elles ne trouvent aucune place rationnelle. Où situer l’étude de la prémonition au sein d’un système scientifique qui repose tout entier sur l’hypothèse que tout phénomène doit se dérouler dans trois dimensions d’espace et une de temps ?

Je n’essaierai pas aujourd’hui de donner une idée, même grossière, de ces études, ne pensant pas que l’on puisse le faire sérieusement en France. Ce que l’on peut, en revanche, c’est examiner les raisons de leur rejet. Pourquoi les cas allégués de prémonition, télépathie ou voyance sont-ils accueillis avec scepticisme et qualifiés de contes de bonne femme ?

Répondre que ce n’est pas sérieux et que la voyance est à laisser aux charlatans, c’est évidemment entrer en piste dans la ronde d’un beau cercle vicieux ; car si les charlatans seuls se mêlent de voyance (ce qui du reste est faux – que l’on se reporte aux noms cités ci-dessus), c’est que les gens « sérieux » y rechignent, reprenant sous une autre forme le célèbre syllogisme de Groucho Marx : « Je n’aime pas les épinards, et heureusement que je n’aime pas les épinards, car si j’aimais les épinards je mangerais des épinards, ce qui est affreux, car j’ai horreur des épinards. » Que des esprits sérieux rejettent sans examen les faits (allégués) de parapsychologie, cela doit donc signifier quelque chose.
Mais quoi ? Freud, qui eut sur ces questions des positions successivement et peut-être simultanément contradictoires, estimait que certaines propositions sont suffisamment absurdes en elles-mêmes pour épargner à tout homme sensé le souci de leur accorder ne fût-ce qu’un instant de réflexion. Il citait en exemple l’allégation suivante : « Le centre de la terre est constitué par de la confiture de prunes » 3. Freud avait le génie de l’exemple subrepticement déguisé en idée générale : c’est ainsi qu’il nous légua sous le nom de psychanalyse la colossale tartine de confiture dont crèvent présentement nos intellectuels.

Appliqué aux faits qu’allègue la parapsychologie, le raisonnement de Freud laisse en l’état la question de savoir pourquoi la prémonition, par exemple, serait absurde en soi. A cette question, les savants et surtout les philosophes, donnaient vers la fin du siècle dernier la réponse suivante : la prémonition suppose l’inversion du temps, c’est-à-dire l’action du futur qui n’existe pas sur le présent qui, seul, existe, et cela est absurde ; de même, la télépathie suppose l’action à distance, également absurde. 4

Ces raisons n’auraient-elles plus de valeur aux yeux des savants américains pour qu’ils tiennent maintenant, et sans la moindre gêne intellectuelle, la prémonition et la télépathie pour des faits parfaitement plausibles ?

Oui, c’est exactement cela. La vérité est que le mot « absurde » ne suscite plus aucun sourire.

Bulles et particules

La science, et surtout la physique depuis quarante ans (depuis l’échec d’Einstein), a contraint l’esprit des savants à la douloureuse reconsidération de certains concepts. Un nombre incalculable de choses que l’on tenait pour absurdes et donc impossibles, se sont produites dans les laboratoires:

« Chaque fois que l’on met en service une nouvelle chambre à bulles, me disait le professeur Fairbank, de l’Université Stanford, cette sacrée machine se hâte de vomir une particule inclassable, augmentant le chagrin que nous font déjà un tas d’autres particules qu’on ne sait où fourrer. Alors, moi, quand on me dit qu’une chose est absurde, je m’attends philosophiquement à la voir se produire dans les plus brefs délais. » 5

Il n’y avait aucun pessimisme dans ces propos, bien au contraire : je dirais plutôt un joyeux entrain, celui de l’enfant qui trouve frais et nouveaux tous les matins que Dieu lui fait. L’acceptation de l’« absurde » par les savants n’est que la reconnaissance du mystère de la réalité, qui excède l’intelligence. Et ceux qui sont passés par là se sentent soudain merveilleusement libérés : l’univers n’est plus ce machin poussiéreux, exactement borné aux limites de l’homme, que désirait Hegel. Il est le lieu d’une aventure illimitée, digne non seulement de l’homme, mais de Dieu. Tout en lui peut se produire. 6

Et il suffisait de le savoir et d’apprendre l’usage d’un regard neuf pour que tout, en effet, s’y produise.

Aimé MICHEL

Les notes de 1 à 6 sont de Jean-Pierre Rospars

(*) Chronique n° 101 parue initialement dans France Catholique – N° 1336 – 21 juillet 1972.

  1. Lorsqu’il écrit ces lignes, Aimé Michel revient des Etats-Unis, voir la chronique n° 104, Software et politique, parue ici il y a deux semaines.
  2. Ce n’est pas sans une perceptible lassitude qu’Aimé Michel évoque, en les citant à peu près dans l’ordre de leur naissance, ces six « grands esprits » qui se mêlèrent de parapsychologie. La plupart sont connus pour d’autres œuvres et leur contribution à la parapsychologie est souvent ignorée ou minimisée. Essayons d’en donner une idée.

    Frederick W.H. Myers (1843-1901), humaniste britannique, poète, membre du Trinity College, fut le premier président de la Société de Recherche Psychique (S.P.R.). En 1882 il publia avec le psychologue Edmund Gurney et Frank Podmore, Phantasms of the Living (traduit et abrégé par Léon Marillier avec une préface de Charles Richet, Les hallucinations télépathiques, Paris, 1891, 1905) qui reste un classique de la parapsychologie. Il semble qu’il ait été l’inventeur du mot « télépathie » en 1883. Son œuvre principale fut Human Personality and its survival from bodily death (2 vol., Longman, Green and Co., Londres, 1903 ; trad. et adaptation S. Jankelevitch, La personnalité humaine, sa survivance, ses manifestations supranormales, Félix Alcan, Paris, 1910). Voici ce qu’en dit Henri Ellenberger : « Dans les années 1870, l’université de Cambridge vit surgir un mouvement d’exploration des profondeurs insoupçonnées de l’esprit, en particulier des phénomènes de clairvoyance, de prédiction de l’avenir et des prétendues communications avec les morts. Après une longue période d’association informelle, le physicien William Barret fonda, en 1882, la SPR, en collaboration avec un pasteur, le Révérend Stainton Moses, un philosophe, Henry Sidgwick, et un jeune humaniste, Frederick Myers qui devait jouer le rôle le plus important au cours des vingt premières années d’existence de la Société. Myers partait de la question philosophique : “L’univers est-il favorable à l’homme ?ˮ Pour trouver une réponse satisfaisante à cette question, il fallait, pensait-il, répondre au préalable à cette autre : “La vie humaine se prolonge-t-elle au-delà de la tombe ?ˮ permettant un développement et un achèvement ultérieurs. Le problème de la survie après la mort était ainsi mis au premier plan dans la recherche parapsychologique. Dans ce contexte, surgirent bien d’autres problèmes et Myers estima qu’il fallait entreprendre une analyse exhaustive des problèmes de l’hypnose et du dédoublement de la personnalité, mais aussi des autres phénomènes parapsychologiques habituels, avant de tenter une approche objective du problème de la communication avec les esprits des morts. Il entreprit un examen critique de toute la littérature traitant de ces sujets. Le résultat de cette enquête, auxquels s’ajoutèrent ceux de ses propres recherches parapsychologiques et de celles de ses collègues, furent rassemblés dans un ouvrage encyclopédique qui ne fut publié qu’après sa mort, en 1903. Myers ne se contenta donc pas de recherches parapsychologiques, mais contribua grandement à systématiser la notion d’inconscient. Dans la perspective de Myers, le “soi subliminalˮ (ainsi qu’il l’appelait) remplit des fonctions inférieures et supérieures. Les fonctions inférieures se manifestent dans les processus de dissociation décrits par les psychopathologistes, et les fonctions supérieures se révèlent dans certaines œuvres géniales que l’on pourrait interpréter comme le “jaillissement subliminalˮ de riches sources d’informations, de sentiments et de réflexions sous-jacentes à la conscience de l’esprit créateur. Myers pensait que ces fonctions supérieures permettaient aussi occasionnellement à l’esprit humain d’entrer en communication avec les esprits des morts. Myers parlait encore d’une troisième fonction de l’inconscient, qu’il appelait la fonction mythopoïétique, c’est-à-dire la tendance de l’inconscient à édifier des constructions imaginatives. Il est regrettable que Myers n’ait pas poussé jusqu’à leurs dernières conséquences les implications de cette notion particulièrement féconde. » (Histoire de la découverte de l’inconscient, Fayard, Paris, p. 345). L’œuvre posthume de F.W.H. Myers, La Personnalité humaine « rassemblait non seulement une masse sans précédent de matériaux de première main sur le somnambulisme, l’hypnose, l’hystérie, le dédoublement de la personnalité et les phénomènes parapsychologiques, mais présentait également une théorie complète de l’inconscient avec ses fonctions régressive, créatrice et mythopoïétique. » (id., p. 805). Ellenberger note en plusieurs occasions sa surprise et son regret que la notion de la fonction mythopoïétique de l’inconscient (terme dont il pense qu’il fut créé par Myers), « qui semblait si riche de promesses, n’ait pas été davantage exploitée » (id., p. 349)

    William James (1842-1910) né à New York, frère aîné du romancier Henry James, fut professeur à Harvard où il enseigna successivement la physiologie, la psychologie et la philosophie. Personnalité attachante et polyglotte (il parlait couramment le français et l’allemand), il connaissait personnellement la plupart des intellectuels éminents de son époque. Auteur des Principes de psychologie (1890) qui le rendirent célèbre, il est aussi l’auteur des The Varieties of Religious Experience (1902 ; Les formes multiples de l’expérience religieuse, trad. F. Abauzit, avec des préfaces de E. Boutroux et B. Méheust, Ed. Exergue, Chambéry, 2001) et, plus encore pour ce qui nous occupe, des Expériences d’un psychiste (trad. E. Durandeaud, avec une introduction de R. Sudre, Payot, Paris, 1972). Ce livre rassemble des textes écrits de 1886 à 1910 ; un an avant sa mort il dit sa perplexité à l’égard des phénomènes psychiques tout en admettant que « chez les bons médiums, il y a manifestation d’une connaissance résiduelle qu’on ne peut appeler que surnormale » (p. 226).

    Charles Richet (1850-1935), médecin, « professeur de physiologie en 1887, secrétaire général de la Société de psychologie physiologique (présidée par Charcot en 1886 et vice-présidée par Théodule Ribot et Paul Janet), secrétaire général du premier congrès international de Psychologie Physiologique tenu à Paris en 1889, directeur de la Revue Scientifique, membre de l’Académie nationale de médecine en 1898, prix Nobel 1913 pour la découverte de l’anaphylaxie, membre de l’Académie des sciences en 1914, jubilé scientifique devant une Assemblée internationale de savants en 1926, c’est un excellent littérateur, sociologue, philosophe, psychologue, curieux de tout, à commencer par l’homme. » (Article Charles Richet de Wikipédia). Selon F. Carbonel, de l’université de Rouen, « Il fut un des premiers médecins français à adopter une approche scientifique des “phénomènes parapsychologiquesˮ plusieurs années avant la réhabilitation de l’hypnose par Charcot autour de 1878. (…) Au début des années 1880 la position rigoureusement positiviste de Charles Richet permettait des innovations méthodologiques majeures comme l’utilisation de la statistique et du calcul des probabilités pour évaluer le rôle du hasard au cours des expériences de “télépathiesˮ menées sur des “médiumsˮ. » Il fut président de la S.P.R. en 1905 et auteur du Traité de métapsychique (Alcan, Paris, 1922 ; Artha Production, Bruxelles, 1994 avec une préface d’H. Larcher).

    Henri Bergson (1859-1941), professeur au Collège de France (1900-1924), élu membre de l’Académie française en 1914, prix Nobel de littérature en 1927, fut président de la S.P.R. en 1913. Sa conférence faite à la S.P.R. « “Fantômes de vivantsˮ et “recherche psychiqueˮ » est reproduite dans L’énergie spirituelle. Essais et conférences (1919 ; P.U.F., Paris, 1999).

    Vladimir Mikhailovich Bechterev (1857-1927), neurologue russe contemporain de Pavlov, fut presque aussi connu que lui en Russie. En 1916, il « entreprend des expériences sur la suggestion à distance entre êtres vivants, et particulièrement entre humains et animaux. Il nomme “radio biologiqueˮ le facteur responsable de la transmission, qu’il observe en particulier entre Dourov, un dresseur célèbre de l’époque, et ses chiens. Bechterev publie ses résultats dans le livre Expériences d’action directe sur le comportement des animaux. » (Michel Duneau, Aspects historiques des rapports entre la parapsychologie et les sciences exactes, Revue Parapsychologie n° 7, juin 1979).

    Leonid Leonidovitch Vassiliev (1891-1966) fut élève du précédent. En 1932 il prend la direction de l’Institut Bechterev, « institut fondé à Léningrad pour l’étude de la transmission de pensée et la mise en évidence des ondes électro-magnétiques comme agent de transmission. Il réalise des expériences de “suggestion à distanceˮ dans lesquelles un sujet “inducteurˮ doit hypnotiser un sujet testé. Il examine ensuite s’il y a simultanéité entre les ordres et les réponses. La distance ne semble pas jouer un rôle puisque les expériences réussissent aussi bien entre Sébastopol et Léningrad (1700 kms). » (M. Duneau, op. cit.).
    Que tant de grands esprits se soient préoccupés de parapsychologie (ou de recherches psychiques comme on disait à l’époque) est un sujet d’étonnement, sinon de gêne, aujourd’hui. Comme l’écrit Bertrand Méheust, en citant une cinquantaine de personnalités des trois premières décennies du XXe siècle, « le contraste est stupéfiant, entre l’engouement manifesté à cette époque par une partie de l’élite pour la métapsychique, et l’indifférence ou le mépris qui sont de rigueur en France depuis la guerre. Pour retrouver l’équivalent, il faudrait qu’Augé, Atlan, Barthes, Bourdieu, Changeux, Deleuze, Derrida, Foucault, Gauchet, Lacan, Levi-Stauss, Morin, Ricœur, Sartre, Sollers etc. débattent ou aient débattu de questions analogues dans L’Homme, La Revue de métaphysique et de morale, Diogène, La revue de synthèse, etc. Or, il faut bien l’avouer, la seule évocation d’un Derrida ou d’un Lacan traitant d’ectoplasmes fait sourire, ce qui suffit pour montrer à quel point notre monde intellectuel a changé. » (Somnambulisme et médiumnité 1784-1930. Tome II Le choc des sciences psychiques, Les empêcheurs de tourner en rond, Synthélabo, Le Plessis-Robinson, 1999, p. 501-502).

  3. Dans Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Gallimard, Paris, p. 44.
  4. Des deux « absurdes » le premier, concernant le temps, est le plus difficile à admettre. Il contribue puissamment au rejet de la parapsychologie.
  5. William N. Fairbank (1917-1989), qu’Aimé Michel a rencontré quelques semaines auparavant à l’université de Stanford, y fut professeur de physique de 1959 à 1987. Né à Minneapolis, il était le fils aîné d’une famille dont le père avait fait des études (on reconnaît là les traits communs à la plupart des scientifiques éminents de cette période, voir les travaux de Ann Roe dans la chronique n° 40, Quand les chiffres plébiscitent la famille, parue ici le 25 mai 2010). Il fait des études de chimie puis de physique. Il devient assistant à l’université de Washington avant de rejoindre le MIT en 1942 où on travaille sur le radar. Après la guerre il obtient son doctorat à Yale en 1948 et commence à travailler sur la supraconductivité à l’université de Duke de 1952 à 1959 puis à Stanford. Dans ces expériences un conducteur électrique fermé sur lui-même est refroidi au voisinage du zéro absolu ; dans ces conditions il perd toute résistance à un courant électrique ce qui rend possible la création de champs magnétiques extrêmement forts (c’est le principe des bobines supraconductrices utilisées actuellement au LHC du CERN pour accélérer les particules chargées). Il se fit ainsi connaître mondialement par ses découvertes en physique des basses températures et son application des techniques correspondantes à des problèmes fort divers. Il réalisa des expériences très difficiles et subtiles sur la chaleur spécifique de l’hélium liquide, l’unité quantifié de flux magnétique dans les supraconducteurs, la recherche des ondes de gravitation ou la charge électrique fractionnaire des quarks (les particules constitutives des protons et des neutrons qui se combinent pour donner des particules dont la charge est nulle comme le neutron, plus un comme le proton ou moins un). Francis Everitt, l’un de ses collègues à Stanford, estime qu’il consacra sa carrière « à faire des expériences dont personne ne croyait qu’elles pouvaient être faites. ». La nuit avant sa mort il essayait encore de vérifier son travail de 1978 sur l’existence des quarks (il pensait avoir détecté des charges fractionnaires qui pouvaient s’interpréter comme des quarks libres mais cela n’a pas été confirmé semble-t-il). Cet amateur de course à pied mourut d’une crise cardiaque en faisant son jogging à Palo Alto le 30 septembre 1989.

    Sources : notices nécrologiques de Walter Sullivan, New York Times, 3 octobre 1989, (www.nytimes.com) et R. Hofstadter, “William Martin Fairbank (February 24, 1917−September 30, 1989)”, Proceedings of the American Philosophical Society, 135: 461, 1991.

  6. « Tout » mais pas « n’importe quoi ». Aimé Michel s’en explique un mois plus tard dans la chronique n° 106, L’avocat du Diable, reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe, chap. 23 « Prodiges et miracles », pp. 582-584.