Dieu me fait peur. - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Dieu me fait peur.

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J’ai toujours été effrayé par Lui mais je viens de réaliser cela – et de le formuler ainsi – à la messe des Vigiles de la Solennité de Marie. Puisse-t-elle prier pour moi maintenant et à l’heure de ma mort.

Ce peut être Proverbes 9 : 10 : «  Le commencement de la sagesse est la crainte du SEIGNEUR, et la connaissance du Saint est l’intelligence». Je suis prudent (« peut être ), parce que le « sentiment » auquel je renvoie est la claustrophobie : je suis submergé par Sa présence et Sa puissance et sens le besoin de m’évader.

Ce peut être le mysterium tremendum et fascinans de Rudolf Otto, ou ce qu’il désigna par le terme de numineux dans son livre de 1923 The Idea of the Holy (« L’Idée du Saint »). C’est la peur, et pourtant c’est la communion. Dieu est TOUT d’une façon si écrasante qu’aucune chose non-totale (sans parler de non-sainte) ne peut être à l’aise en sa présence : un mystère terrifiant (comme dans un écrasement) et fascinant.

Et le mystère n’est pas diminué pour avoir été éprouvé viscéralement. Si vous avez jamais pratiqué l’un des arts martiaux – boxe ou karaté – vous savez que la première fois qu’au cours d’un entraînement vous recevez un coup en plein visage, vous vous sentez désorienté. C’est choquant. Le visage c’est l’identité. Mais la fois suivante ce l’est moins, et au fur et à mesure que la technique s’améliore, ces coups de poing sont bloqués et de toute façon vous êtes ok même quand il y en a un qui passe à travers. Vous vous contentez de rendre le coup.

Ce n’est pas cela dans l’expérience de la présence de Dieu. Le « vous » qui pourrait métaphoriquement rendre le coup est le vrai problème. Evidemment, la résistance est inutile, mais résister, je le fais parce que c’est une expérience au-delà de la peur de la mort. C’est le sentiment écrasant de l’anéantissement du moi. Si tant est que le moi est composé de péché, et quel moi ne l’est pas ?

Ainsi je suis un pécheur et, bien que je « croie » dans l’amour de Dieu, je crains Sa justice. Je recule devant l’éclat de la Lumière – et cela, même si je profite fréquemment du Sacrement de Pénitence. Tout à fait récemment j’ai quitté l’église après la confession et, fixant le ciel ensoleillé, j’ai pensé : « Seigneur envoie un éclair et prends-moi avant que je pèche à nouveau. » Et puis j’ai réalisé que j’avais justement de nouveau péché et j’ai dû tourner les talons et foncer vers le confessionnal : « Bénissez-moi mon père…Il y a deux minutes que je ne me suis pas confessé »

Le problème avec l’expérience du numineux est la manière dont il est amoindri par le quotidien. Je pense que j’ai senti cela lors de ma conversion au catholicisme, et c’est pourquoi ma première pensée fut d’aller aussitôt au monastère. Dans la solitude et dans une communauté priante, il est (apparemment) plus facile de vivre dans la conscience de Dieu, alors que « dans le monde » les distractions semblent infinies, et la plupart de ces distractions se présentent elles-mêmes comme des arguments contre le souvenir de Dieu.

Mes confesseurs pensent que c’est un peu stupide quand j’inclus dans mes péchés ce que je marmonne furieusement à l’adresse des autres conducteurs qui semblent n’avoir aucun sens du code de la route. Mais la colère fait partie des péchés mortels, et mes coups d’avertisseur et mes froncements de sourcils ne sont pas des expressions d’amour.

S’il y a un remède à la terreur en la présence de Dieu, c’est l’amour. Même si c’est difficile pour moi d’aimer l’adolescente dans la mini devant moi, qui franchit la ligne blanche parce qu’elle envoie un texte à son BFF1 [LOL !!!2), c’est ce que je dois faire. La réponse à tous les péchés, c’est la pratique des vertus chrétiennes correspondantes.

Je ne peux pas dire, n’ayant jamais connu un saint, que les gens saints qui rencontrent le mysterium tremendum et fascinans éprouvent de la joie plutôt que de la peur, mais je le soupçonne. Certainement c’est ce que le Bernin exprime dans son Extase de sainte Thérèse. Dans Le Château intérieur Thérèse parle de nos vies dans l’exil, ici après la Chute. Elle dit qu’il n’y a pas de sécurité dans cette vie. Elle demande pourquoi Dieu souhaite que « nous aimions une existence si misérable », hantée par la peur de perdre Dieu pour toujours en enfer. Elle admoneste ses sœurs :

Je dis, mes filles, que nous devons demander à notre Seigneur comme une bénédiction de nous octroyer un jour d’habiter en sécurité avec les Saints, car avec de telles craintes, quel plaisir peut éprouver celle dont le seul plaisir est de plaire à Dieu ?

Nous aimons cette existence parce que Dieu le veut ; car c’est la seule porte qui nous mène à Lui.

Mon esprit est soutenu par l’aveu de la grande Docteur de l’Eglise (et quelle bénédiction à ses sœurs !) : « quelle sécurité pourrais-je éprouver après une vie si mal employée comme l’a été la mienne ? » Elle n’était Marie sans péché. Thérèse se décrit elle-même comme un oiseau aux ailes brisées.
Mon Dieu ! combien plus grande est ma ruine !

«  Le commencement de la sagesse est la crainte du SEIGNEUR, et la connaissance du Saint est l’intelligence ». Depuis la solennité de Marie j’ai essayé de me figurer comme au milieu des disciples qui étaient les témoins du ministère terrestre de Jésus Christ.  A ce moment-là, ils peuvent ne pas L’avoir reconnu comme Dieu, mais ils y vinrent, et cela doit avoir réduit d’une certaine façon cette peur de l’anéantissement. Aussi pécheurs qu’ils étaient, ils savaient – par le témoignage de leurs sens – qu’Il est amour. Il les aimait. Il les aimait plus que leurs propres mères le faisaient.

Quand un homme qui craint Dieu est affligé ou tourmenté ou opprimé par de mauvaises pensées, alors il voit que Dieu est le plus nécessaire pour lui, car sans Dieu il ne peut rien faire de bien. Ensuite il a le cœur lourd, il gémit, il pousse un cri pour la réelle inquiétude de son cœur. Ensuite il supporte de moins en moins la vie et s’en irait volontiers pour être avec le Christ. Par tout cela il est instruit que dans le monde il ne peut y avoir de sécurité parfaite ou de plénitude de paix.

J’y ai été. Je l’ai fait. Mais je continue à essayer.

Lundi 12 janvier 2015

Source : Afraid of God

Illustration : «Sainte Thérèse en extase» par Gian Lorenzo Bernini (c. 1650)

Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thinbg, chargé de cours au Faith & Reason Institute [Institut Foi et Raison] et membre du bureau de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA. Il a été rédacteur littéraire de la National Review. On peut se procurer son livre The Compleat Gentleman en audio et iPhone.