Des précurseurs ? - France Catholique

Des précurseurs ?

Des précurseurs ?

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C’est le quotidien Libération qui a jeté le pavé dans la mare, avec d’abord un éditorial ahurissant, qui nous expliquait que François Fillon était l’équivalent catholique de Tariq Ramadan, l’idéologue islamiste. Ce fut ensuite la une, non moins ahurissante, « Au secours, Jésus revient ! », sur fond d’hexagone entouré d’un chapelet. L’outrance caricaturale n’en était pas moins significative d’une véritable interrogation sur le retour des catholiques sur la scène politique, notamment à la suite de La Manif pour tous. Jacques Julliard, qui se réclame toujours de l’inspiration d’une gauche chrétienne qui correspond à une solide tradition française, s’est à son tour exprimé sur le sujet, lundi, dans une grande page du Figaro.

L’analyse qu’il fait de la situation actuelle des chrétiens en politique se réfère justement à l’histoire du catholicisme français depuis la Révolution. Et il voit dans l’émergence actuelle d’une nouvelle militance le retour d’un courant dix-neuvièmiste, illustré aussi bien par Louis Veuillot que par Léon Bloy, ou encore Frédéric Le Play qu’il définit comme « l’apôtre d’une sorte de réformisme traditionaliste ». Ces trois noms à eux seuls réclameraient une sérieuse étude historique et thématique. Je ne suis d’ailleurs pas persuadé qu’ils puissent relever d’une mouvance intellectuelle homogène. Raymond Aron accordait à Le Play une place de choix parmi les fondateurs de la sociologie moderne. Il n’a jamais été un chef de file politique. Louis Veuillot, c’est encore autre chose : figure marquante de l’intransigeance catholique, il n’a pas formulé à mon sens une philosophie politique, exploitable aujourd’hui. Quant au formidable imprécateur qu’était Léon Bloy, il était bien trop singulier et volcanique pour qu’il soit circonscrit par une quelconque définition idéologique.

Tous trois sont cependant des témoins intéressants d’une effervescence que l’on doit souhaiter aux jeunes générations qui accèdent à la vie civique. Elles sont certes tributaires de ce passé et de ses traditions. Mais à elles d’être vraiment créatrices pour participer à l’invention d’une civilisation où Dieu ne sera pas oublié.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 décembre 2016.