De quel côté sommes-nous ? - France Catholique
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De quel côté sommes-nous ?

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Si vous approuvez le braquage des banques, vous ne pouvez par condamner le vol à l’étalage de barres de chocolat dans une supérette. Je veux dire que vous ne pourrez pas le faire si vous êtes logique avec vous-même. Si l’on approuve un mal plus grand, on ne peut logiquement condamner de moindres maux du même genre.

De même, si vous approuvez le meurtre, vous ne pouvez pas condamner les coups et blessures, du moins si vous désirez conserver votre réputation dans le domaine de la cohérence logique.

De même encore, si vous êtes un catholique qui approuve l’adultère, vous ne pouvez pas facilement condamner la contraception ni la fornication.
Mais dans le désormais bien connu (peut-être devrais-je dire célèbre) chapitre VIII d’Amoris Laetitia, le pape François semble approuver ce qui a jusqu’ici été considéré par l’Eglise catholique comme de l’adultère. Il affirme – du moins il semble vraiment affirmer – que dans certaines circonstances, un catholique divorcé et remarié pourrait être autorisé à considérer son second mariage comme un véritable mariage. Autrement dit, ce catholique divorcé et remarié serait libre d’avoir des relations sexuelles non peccamineuses avec son conjoint et pourrait librement recevoir la communion.

Ceci apparaît comme contredisant les simples paroles de Jésus lui-même qui a dit (à moins que les Evangiles les aient mal rapportées) qu’une personne mariée qui se marie à nouveau alors que son premier conjoint est encore vivant, commet l’adultère. Le pape François, donc, apparaît comme fermant les yeux dans certaines circonstances sur ce que Jésus nomme adultère. Et si le pape fait cela, comment ne peut-il pas également fermer les yeux (dans certaines circonstances) sur la contraception et la fornication ?

En bref, la bénédiction par le pape de l’adultère dans certaines circonstances n’implique-t-elle pas l’effondrement de toute la structure de la morale sexuelle catholique ? A part le viol et la maltraitance d’enfants, quels tabous sexuels vont demeurer ? Et les prêtres ou ex-prêtres qui ont violé des enfants ne vont-ils pas pouvoir arguer de ce que ce genre de choses est possible « dans certaines circonstances » ?

Tout comme pour la sodomie homosexuelle, la question de savoir si elle doit ou non être condamnée va dépendre de ce qu’elle est plus ou moins peccamineuse que l’adultère. Si c’est moins, la permission du pape de l’adultère dans certaines circonstances s’appliquera aussi aux pratiques homosexuelles dans certaines circonstances. Si c’est plus, je suppose alors que des catholiques pourraient continuer de condamner les pratiques homosexuelles. Mais en réalité, comment le pourraient-ils si tout l’édifice de la morale sexuelle catholique est détruit ? Si l’adultère et la fornication méritent l’approbation, qui, hormis un véritable « homophobe », aura le cœur de désapprouver la sodomie homosexuelle.

On pourra toujours condamner l’avortement. Parce que l’avortement, étant un homicide, est un péché plus grave que l’adultère. Pourtant, dans le monde réel, tous ceux qui approuvent la liberté sexuelle approuvent l’adultère. Les catholiques, à commencer par les papes et les évêques, pourront toujours condamner l’avortement, mais leurs cœurs n’y seront pas. De facto, ils l’approuveront.

Un défenseur du chapitre VIII d’Amoris Laetitia peut répondre à ce que je viens d’énoncer en soulignant que le pape nous presse de tolérer des seconds mariages dans de très rares et étroites circonstances. Il n’a pas l’intention d’ouvrir la porte à l’idéal laïc actuel de la liberté sexuelle presque illimitée. C’est très vrai. Tout comme les gens qui ne réparent pas la fuite dans la digue n’ont pas pour intention que la digue lâche et que le territoire protégé par la digue soit envahi par les eaux. Après tout, c’est une si grande digue et une si petite fuite. Quel dégât cela peut-il faire ?

Les êtres humains, et j’y inclus les catholiques, sont des animaux rationnels. Cela ne veut pas dire que nous soyons infaillibles ; cela ne veut même pas dire que nous sommes très sages. Mais nous inclinons à être cohérents, au moins dans le long terme. Par exemple, une fois admis le principe que « tous les hommes sont créés égaux », il va en découler tôt ou tard que nous devrons nous débarrasser de l’esclavage. De même, une fois que les catholiques seront d’accord avec le pape sur le fait que Jésus était dans l’erreur lorsqu’il a émis sa vision de l’indissolubilité du mariage, toute la structure de la morale sexuelle catholique s’effondrera tôt ou tard.

Et pas seulement la morale sexuelle. Tout l’édifice du catholicisme s’écroulera. Parce que si Jésus, qui (nous devrions nous en souvenir) n’est pas une autorité mineure dans l’histoire de l’Eglise, a tort sur la question du mariage, qui sait sur combien d’autres sujets il se trompe également ? Et si Jésus se trompe, de même St Paul et les autres auteurs du Nouveau Testament sont dans l’erreur. Et si Jésus et Paul ont tort, qui peut faire confiance à l’enseignement des Pères et des Docteurs de l’Eglise ? Une petite fuite dans la digue…

Je n’écris pas ceci en tant qu’ultra-conservateur. Pas du tout. Si je pouvais écrire la loi de l’Eglise concernant le mariage et le divorce, j’autoriserais au moins un divorce par personne, parce que des personnes bonnes font souvent de grosses erreurs, surtout lorsqu’elles sont jeunes. J’ai une attitude tolérante envers la fornication et la cohabitation hors mariage, et je ne serais que peu sévère sur l’adultère occasionnel. Et si Jésus, il y a 2000 ans, m’avait demandé mon avis, je lui aurais recommandé d’adopter mes façons de voir, inspirées par la grande sagesse morale de la fin du XXème et du début du XXIème siècle.

Cependant, pour le meilleur et pour le pire, l’Eglise catholique n’est pas fondée sur la sagesse des temps présents, si éclairés et progressistes. Elle est fondée sur ce qui semble être l’esprit vraiment moderne de la « sagesse » provinciale d’un prédicateur itinérant palestinien du premier siècle – prédicateur que nous autres catholiques croyons être l’incarnation de Dieu parfait en tout. Du moins, nous disons que nous y croyons. Si nous y croyons vraiment, et si un désaccord survient entre Jésus et le pape sur la question de l’indissolubilité du mariage, alors, quoiqu’il nous en coûte de nous séparer d’un homme aussi bon que le pape François, nous n’avons d’autre choix que de prendre le parti de Jésus dans le conflit.

Si nous ne le faisons pas, la digue lâchera.

© 2016 The Catholic Thing. Tous droits réservés.

Image : Jeune homme bouchant une fuite sur une digue, Madurodam, Hollande

David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie à l’Université de la Communauté de Rhode Island, et l’auteur de « The Decline and Fall of the Catholic Church in America » (« Le déclin et la chute de l’église catholique en Amérique »).