DIEU DANS SES ŒUVRES - France Catholique
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DIEU DANS SES ŒUVRES

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« L’activité humaine la plus importante est de guetter celle de Dieu. » La dernière phrase du nouveau livre que vient de publier le mois dernier l’archevêque de Chicago, le cardinal Francis George, résume bien son propos et doit servir de ligne de conduite, spécialement à ceux qui essaient de déchiffrer l’actualité pour un hebdomadaire catholique.

Le Concile Vatican II nous enjoignait déjà de décrypter les « signes des temps ». Comment Dieu agit-il ? Nulle question n’est plus lancinante que celle-ci pour le croyant, et aussi le non-croyant. On peut penser que Dieu a cessé d’agir, s’Il a jamais agi dans l’Histoire. L’Ancien Testament est une histoire de bruit et de fureur, un manuel de realpolitik et de diplomatie. Le croyant peut se demander pourquoi tout à coup la Révélation s’est arrêtée, pourquoi la Révélation n’est pas permanente. Mais il peut aussi se rassurer en pensant que si l’histoire décrite dans la Bible est universelle, celle d’aujourd’hui peut aussi être traduite en termes prophétiques, même sans prophètes reconnus. Pourquoi la nôtre ne serait-elle pas aussi sainte que l’ancienne ?

Le cardinal George nous sert de guide dans ce labyrinthe de la pensée. Pas de grande théorie ou théologie de l’Histoire. Notre Dieu est un Dieu qui se révèle par l’action. Ce n’est pas le Dieu lointain, tout-autre, isolé dans sa Majesté. Non, c’est un Dieu qui cherche le contact avec sa création. Jésus est lui-même union parfaite des deux natures, humaine et divine. Notre humanité avec lui est divinisée. Tout ceci est bien connu, peut-être trop si bien que l’on n’y fait plus attention, et surtout que l’on n’en tire pas toutes les conséquences pratiques.

L’originalité du cardinal George est qu’il met l’accent sur les obstacles opposés à la liberté d’action de Dieu. On empêche Dieu d’agir pleinement. Est-ce possible face au Tout-Puissant ? Nous aurions dû nous en souvenir : cela se passait déjà mal entre Lui et Son peuple. Cela continue de mal se passer entre Lui et les Américains. Qu’est-ce que vous nous chantez là ? objecterez-vous : le peuple le plus religieux, le plus évangélique de la planète !

L’archevêque de Chicago, qui fut président de la Conférence des évêques américains de 2007 à 2010, n’en est pas à son premier examen de conscience de la culture américaine. Il a maille à partir avec la Cour Suprême qui dit le droit de ce pays et qui, de sa doctrine réductionniste de la séparation de l’Eglise et de l’Etat (bien plus stricte que la laïcité à la Française) au droit quasi-illimité à l’avortement (bien plus laxiste qu’en France), continue à s’obstiner à vouloir détacher le Droit positif du Droit naturel et des vérités morales. Mais il tance aussi la nation américaine pour sa prétention à l’exceptionnalité, son ultra-libéralisme, son dépassement des limites autorisées de la guerre juste, son traitement des immigrés, et de manière générale son incapacité au pardon, par delà le bien et le mal : la Loi, toute la Loi, rien que la Loi, sans ouverture au Divin, qu’il s’agisse des juges, des médias ou du citoyen de base. En cela, le Cardinal avait décelé dans la société américaine l’influence irrépressible du calvinisme des premiers migrants, les « pèlerins » du Mayflower au XVIIe siècle.

La critique du cardinal George s’accompagne d’une sensibilité spéciale à l’international. Parce qu’il appartient à un ordre missionnaire, les Oblats de Marie-Immaculée, dont il fut le supérieur général dix ans, basé à Rome mais parcourant le monde entier. Mais aussi parce que cardinal romain, serviteur d’une Eglise universelle. Cela lui donne le droit de poser la question suivante : « Dieu est-il à l’œuvre dans la mondialisation ? » La réponse, avertit-il, dépend de là où l’on parle. Son expérience lui fait dire que l’on est plus libre et mieux accepté si l’on parle au nom d’une grande religion que si l’on parle en celui d’une nation particulière, notamment l’Américaine. Il se fonde notamment sur les grands discours des Papes successifs, depuis Paul VI en 1965, à la tribune des Nations unies à New York et, avant eux, il rend un hommage mérité à l’initiateur de cette évolution, Jean XXIII.

Là encore, nous devons reconnaître, avec lui, que nous, les catholiques, à quelque nation que nous appartenions, n’avons pas été à la hauteur de la tâche, que trop souvent nous n’avons pas été « les instruments de Dieu dans cette quête de l’unité. » Ce que nous ne savons pas assez, c’est que l’œuvre de Dieu est supérieure à la nôtre. C’est Dieu qui agit. Le Royaume de Dieu n’est pas le royaume d’Utopie, un plan de plus que nous échafaudons. C’est le plan de Dieu.

Nous essaierons d’être fidèle à cette approche, même s’il ne s’agit que de pauvres chroniques d’actualité internationale, de suivre ce nouveau discours de la méthode qui consiste à être d’abord à l’écoute du Dieu agissant, à tendre l’oreille, parmi le brouhaha de l’information en continu, aux craquelures et aux craquements du Royaume se faisant sous les lourdes couches de béton qui l’entravent et l’empêchent de se révéler au monde.

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Dominique Decherf, diplomate, qui fut Consul Général de France à Chicago de 2001 à 2004, y a bien connu le cardinal Francis George. Il a déjà signé plusieurs articles à France-Catholique. Aujourd’hui à la retraite, il est libre d’intervenir et le fera de temps en temps sur ce site dans l’esprit qu’il vient d’indiquer ci-dessus, en n’engageant que lui-même.


http://en.wikipedia.org/wiki/Francis_George

http://abclocal.go.com/wls/story?section=news/local&id=8179979