Connais l'ennemi - France Catholique
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Connais l’ennemi

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Qui suis-je pour faire de la psychologie? Disais-je récemment à un ami qui m’avait posé une question à propos d’un autre ami. Sa question semblait exiger une réponse mordante.

Nous n’entrerons pas dans les détails. Il y a beaucoup de placards dans lesquels les gens se cachent de la lumière du jour, et il suffit de dire que cet ami d’ami venait de sortir d’un placard (sans aucun rapport avec une quelconque orientation sexuelle d’ailleurs.)

Juger une personne, aller derrière la simple apparence pour deviner ses intentions et sa psychologie, – eh bien, c’est un travers assez courant. Parfois cela va au-delà du travers, et pourrait être décrit comme une technique de survie.

Les animaux en sont dotés. Ils peuvent juger au moindre aspect, mais la question de l’intention semble constamment dans leur tête : « est-ce que ce type essaye de me nourrir ou de me piéger ? » Souvent, ils sont plus sceptiques que les humains face à la question du « qui/ à qui » des choses.
Le Christ nous a déconseillé le « jugement ». Mais cela ne pouvait pas vraiment concerner ces tentatives courantes de comprendre ce qui fait réagir les autres. Cela voulait plutôt dire que ce n’est pas à nous de décider de qui va au ciel et qui va en enfer. Nous avons besoin de nous débarrasser de l’illusion que (individuellement ou collectivement) nous sommes Dieu.

Nos jugements sont provisoires, et doivent le rester, en pleine conscience que l’erreur est possible. Comme nous regrettons souvent, rétrospectivement, de ne pas avoir été plus prudents quand toutes nos critiques se retournent contre nous.

Quoiqu’il en soit, dans ce drôle de vieux monde ou le christianisme n’est pas tant pratiqué que péniblement parodié, il est nécessaire de juger, de faire de la psychologie pour éviter d’être enchevêtré avec le mal, et quand c’est nécessaire, pour le vaincre.

En fait, tels des animaux méfiants, nous jugeons tout le temps, et ne pourrions pas faire autrement. Ce qui nous distingue, ce n’est pas la méfiance, mais la touche morale que nous y mettons. Nous sommes doués d’une « conscience » qui fonctionne de façon très différente des autres créatures, avec une empathie et un sens de la justice qui nous rendent incompréhensibles pour elles.

La part d’empathie – le fonctionnement de l’imagination projective – nous met paradoxalement au sommet de la chaîne alimentaire. C’est ainsi que nous avons pris la haute main sur les mammouths laineux. Qu’il y attelle son intelligence, et un homme pourra même surpasser une corneille. Saisir le point de vue des animaux alors qu’ils ne saisissent pas grand-chose du nôtre, c’est notre talent.

Du point de vue d’un animal, nous sommes peut-être complètement fous ; mais en tous cas tellement dangereux qu’il faut nous ménager. Ils n’ont pas besoin de beaucoup nous côtoyer pour en être convaincus.

Tellement dangereux, en effet, que nous devons nous méfier les uns des autres. La première chose qu’un voyageur se demande quand il est entouré de gens d’une autre « tribu » ou d’une autre culture, est de savoir comment leur plaire et les calmer. Savoir qu’ils sont humains est un bon point de départ, mais cela implique de savoir aussi qu’ils peuvent être très subtils, et que les humains exercent une gamme extrêmement vaste de comportements. C’est mieux de procéder avec précaution.

Cependant la « conscience » est quelque chose d’inné. Cela transparaît chez ceux dont on dit qu’ils « manquent de conscience », dans leurs tentatives verbales de se justifier.

Je pense tout à coup à ces vidéos que les terroristes arabes ont diffusées, dans lesquelles ils montrent une propension à décapiter les otages occidentaux. Ils massacrent aussi des chrétiens, des Yasidis, et des coreligionnaires membres de sectes qu’ils considèrent comme déviantes.
La notion qu’ils sont mauvais et qu’ils iront en enfer a même atteint le vice-président d’Amérique. Moi aussi, elle m’a atteint. On pourrait dire que nous, (Joe Biden et moi) nous les jugeons. Mais ce n’est même pas la peine d’en arriver là.

Ils aimeraient nous tuer tous –ils sont étonnamment candides en exprimant cette intention – et c’est assez naturel que nous voyions d’un mauvais œil ceux qui essayent de nous assassiner. Réciproquement, ils ont l’air de croire que nous avons l’intention de les tuer : peut-être est-ce maintenant une conclusion raisonnable.

On pourrait dire que nous nous sommes jugés les uns les autres. On pourrait même dire que nos deux « tribus » sont engagées dans une bataille en passe de devenir un combat à mort. J’espère bien que ce n’est pas le cas, mais nous devons garder l’esprit ouvert.

A noter que « nous » en occident, avons un avantage insurmontable sur « ceux » qui désormais gouvernent la plaine de Ninive, si nous voulions l’utiliser.

Cet avantage n’est pas technologique quoique, en vérité, nous avons les moyens de les faire disparaître à coup de bombes, et eux, seulement les moyens d’organiser des « incidents » ici ou là. D’un point de vue purement militaire, ils ont tort de nous provoquer. Mais ils ne voient pas les choses sous l’angle purement militaire.

Quel est donc notre avantage insurmontable ?

J’en suis convaincu, c’est un vieux truc catholique, qui survit dans les recoins des esprits occidentaux. Nous les jugeons différemment de la manière dont ils nous jugent, et c’est l’explication fondamentale du pouvoir que l’occident a exercé autrefois et pourrait encore exercer.

Pour eux, c’est une bataille existentielle. Nous, leur ennemi, sommes tellement méchants qu’on ne peut pas nous comprendre, mais juste nous détruire. Ils cherchent une « solution finale ». Il faut nettoyer le monde et alors l’Islam pur prévaudra. Ils « savent » avec ce qu’ils imaginent être une certitude, que nous irons tous en enfer.

De notre côté, nous ne savons pas et ne pouvons pas avoir une telle certitude. Au contraire, nous savons que ce n’est pas ainsi qu’est fait le monde, et que le mal ne peut pas être éradiqué par des moyens matériels.
Aussi sommes-nous libres d’utiliser notre « Orientalisme » : porter des jugements purement tactiques sur comment vaincre cet ennemi spécifique, ce mal spécifique. Nos ambitions, quoique catholiques, sont moins grandes.
En fait, cela deviendra peut-être une issue de survie. La bonne manière de comprendre « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » est la base de ce trait de caractère humain encore plus ancien : prévaloir en connaissant l’ennemi mieux que l’ennemi ne pourra jamais nous connaître.

http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/know-the-enemy.html