CELUI QUI PLEURAIT À PASADENA - France Catholique
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CELUI QUI PLEURAIT À PASADENA

Chronique n° 256 parue dans France Catholique-Ecclesia – N° 1553 – 17 septembre 1976

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QUAND, EN JUILLET dernier, le directeur du projet Viking annonça que le premier des deux engins s’était posé sans mal à la surface de Mars, ce digne homme éclata en sanglots devant les journalistes venus aux nouvelles1. Depuis, dans l’indifférence générale, l’événement le plus important de l’histoire déroule ses épisodes bien programmés. On en trouve de temps à autre quelque écho dans la presse, page 4, entre les chiens écrasés. « Je suis stupéfait », m’écrit Arthur Koestler2. Il y a de quoi. Quel est, en effet, l’enjeu ? Il est très simple, et, pour ceux qui y ont réfléchi – comme les auteurs de Viking, comme Koestler – c’est l’avenir spirituel de l’humanité qui se joue là-bas, dans un désert de pierraille et de sable rougeâtre, à 350 millions de kilomètres de notre planète. Le petit laboratoire de Viking, gros comme une valise, mais qui a coûté 50 milliards de francs anciens, va peut-être nous dire que la pensée, jusqu’ici réputée privilège de l’homme, est en réalité aussi banale dans l’univers qu’un grain de sable dans le Sahara. Si c’est cela que le petit laboratoire nous apprend, quelle révision déchirante ! Quel changement à vue ! Et si ce n’est pas cela, c’est-à-dire s’il s’avère que finalement la vie n’existe pas sur Mars alors aussi, de toute façon, l’avenir des hommes est changé. J’admire leur inconscience, et qu’en cet été 1976 ils soient capables de penser à autre chose. Envisageons les deux possibilités, et d’abord que Mars soit un astre aussi mort que la Lune. Dans le cadre de nos possibilités technologiques (non seulement de celles qui existent, mais de celles que notre science permet d’imaginer), Mars est pour des générations encore le seul astre où l’on ait l’espoir de découvrir un autre univers vivant. Si l’on ne trouve rien sur Mars, il faudra attendre des siècles, peut-être des millénaires, avant de savoir si la Terre et l’homme sont uniques. Car dans notre système solaire, hors la Terre, Mars seule est peut-être capable d’avoir produit la vie, ou de l’avoir reçue. Les autres planètes sont impropres à développer une chimie organique complexe, support matériel de la vie3. Ne rien trouver sur Mars, c’est donc renvoyer l’éventuelle découverte d’une autre vie dans un futur indéfini, car il est aussi impossible à notre physique de concevoir des engins capables de joindre ne serait-ce que la plus proche étoile qu’à vous et moi de traverser l’océan Pacifique à la nage. Le calcul montre qu’une fusée capable d’aller jusqu’à cette étoile (Alpha du Centaure) devrait avoir une masse comparable à celle de la Terre, et que le voyage durerait des milliers d’années. Même si l’on consacrait toutes les ressources de l’humanité à cette entreprise insensée, et qu’on la réussisse, la réponse, peut-être négative ! ne serait connue qu’au bout de longs siècles. Ces déplorables certitudes découlent de calculs élémentaires fondés sur nos connaissances les plus sûres : rapport de masses, égalité de l’action et de la réaction, relation masse-énergie, équations de Lorentz. On peut bien entendu objecter que ces connaissances seront dépassées, et elles le seront inévitablement. Mais tourner les obstacles que je viens de nommer suppose un renouvellement complet de l’édifice scientifique construit depuis Galilée. C’est-à-dire des siècles de réflexion et d’expérimentation, peut-être une vraie métamorphose de l’esprit4. On voit que s’il n’y a rien sur Mars, les siècles à venir seront marqués par une conscience de plus en plus accablante de notre solitude dans un univers de plus en plus démesuré. Naturellement les esprits religieux supporteront mieux cette solitude. Mais j’invite le lecteur à méditer une coïncidence que je ne crois pas fortuite, qu’au contraire je crois signifiante, disons le mot, providentielle : c’est au moment même où les hommes prennent conscience de l’effrayante immensité de la nature qu’ils perdent toute foi. Quiconque fréquente le milieu savant ressent parfois, et de plus en plus souvent, la névrose de solitude et de déréliction qui naît de la connaissance scientifique. Partie du milieu savant, cette névrose ne peut qu’envahir l’humanité tout entière. La bombe, la pollution et le reste ne menacent que nos corps5. Mais l’esprit de l’humanité est lui-même menacé de désespoir et de folie. Je pourrais citer ici des sondages et des faits rassemblés par les savants qui étudient les Ovnis, et montrant que la masse humaine est de plus en plus obsédée par sa solitude sur une petite planète perdue6. Si rien ne vient sauver son imagination de cette solitude, il faut envisager un avenir de complet désarroi spirituel, et ce qui en résulte. En revanche, l’éventuelle découverte d’une autre vie sur Mars changerait le tout de tout. Je sais, parce que j’en connais plusieurs, que les réalisateurs de Viking ne pensent qu’à cela. Sachant ce que l’on sait de la vie qu’aussitôt apparue elle évolue vers la complexité – une simple bactérie martienne donnerait la soudaine certitude que la vie est un phénomène universel. Car Mars n’est qu’une planète inhospitalière et hostile. Jusqu’ici on n’a que des présomptions de l’universalité de la vie. Des présomptions très fortes sans doute, peut-être même une sorte de certitude théorique. Une simple bactérie, ce serait la certitude expérimentale7. Si la vie est apparue dans un milieu tel que le milieu martien, cela signifie son éclosion automatique sur une infinité de planètes. De « miracle presque infiniment improbable » (Monod)8, elle devient un fait statistique et l’univers matériel révèle d’un coup cette finalité que notre cœur soupçonne9. Il cesse d’être ce désert effrayant révélé par l’astronomie, où notre corps fragile se sent infiniment perdu. Deux univers vivants autour d’une même étoile, cela donne leur sens aux myriades d’étoiles. Mais peut-être n’y a-t-il rien sur Mars. Au moment où j’écris ces lignes, on n’est encore sûr de rien. Comprend-on l’impatience des savants de Pasadena ? Et que l’un d’eux n’ait pu retenir ses larmes en recevant les premiers signaux de Viking I ? Je comprends mieux ce savant que l’aveuglement des journaux. Aimé MICHEL Chronique n° 256 parue dans France Catholique-Ecclesia – N° 1553 – 17 septembre 1976 [|Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png|]
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 12 octobre 2015

 

  1. L’atterrissage des deux sondes Viking sur Mars en 1976 fait l’objet des chroniques n° 253, Au cœur de l’inconnu (Début) − Viking : un bicentenaire sur Mars, 21.01.2013 et n° 254, Viking et l’autre façon américaine d’être plombier, 28.01.2013. Ces chroniques présentent surtout les aspects scientifiques de cette exploration de Mars (avec, en notes 2 et 3 de la seconde, une vue d’ensemble des missions martiennes) tandis que celle-ci vise à en dégager la signification philosophique et spirituelle.
  2. Sur Koestler l’écrivain et essayiste britannique d’origine hongroise voir la chronique n° 372, Prière pour Arthur Koestler – Prends, ô Père, sa main tendue qui n’a pas su te trouver (02.03.2015). L’amitié entre Koestler et Michel se fondait sur de nombreux intérêts scientifiques et philosophiques communs. Ils s’étaient rencontrés à Londres en juin 1976, comme le signale en passant la chronique n° 262, « Miaou ». et tout est dit ? – Ce monde mystérieux et cruel vient de l’amour et y retourne (08.04.2013).
  3. Cette première conclusion n’est plus considérée comme sûre et on pense aujourd’hui que le système solaire offre plus de possibilités d’abriter la vie qu’on ne le soupçonnait en 1976. L’une des raisons de cet extension des territoires accessibles à la vie a été la découverte sur Terre d’organismes vivant sans des conditions mortelles pour la plupart des autres êtres vivants : températures très élevées ou très basses, fortes pressions des grands fonds marins, milieux acides ou alcalins, saturés en sel ou radioactifs. Ces organismes unicellulaires (archées, bactéries, quelques eucaryotes) sont appelés extrémophiles (mais on connaît aussi quelques métazoaires vivant en conditions extrêmes). Par exemple, en 2007, on a isolé près d’une source chaude au fond de l’Océan Pacifique une souche d’archées capable de se reproduire à 121 °C et de vivre jusqu’à 130 °C : cette souche détient le record actuel. A l’autre extrême on a découvert au pôle Sud une activité microbienne à basse température (−17 °C). Ces découvertes ont bouleversé les idées admises car, jusqu’à la découverte du premier extrémophile en 1969, les bactériologistes pensaient à la suite des travaux de Pasteur que la vie était impossible au-delà de 80 °C. Elles ont posé en des termes nouveaux la question de la vie dans l’univers et ont conduit à estimer de plus en plus probable que la vie a pu se développer dans le système solaire ailleurs que sur la planète rouge. Au nombre de ces autres lieux il y a d’abord Titan, le plus grand des satellites de Saturne et le premier découvert par Huygens en 1655. Sa période de rotation et sa période de révolution sont égales (une quinzaine de jours) si bien qu’il présente toujours la même face vers Saturne (comme les satellites de Jupiter). Son diamètre est deux fois et demi plus petit que celui de la Terre et sa densité trois fois plus faible suggère qu’il est constitué d’un noyau rocheux entouré d’une épaisse couche de glace d’eau. Depuis les mesures spectroscopiques de Kuiper en 1944 on sait que Titan possède une atmosphère composée notamment de méthane ; c’est le seul satellite du système solaire à posséder une atmosphère dense. Il faut attendre la sonde Voyager 1 qui passe à 7000 km de la surface de Titan en novembre 1980 pour en savoir plus : l’azote moléculaire est en réalité le composé principal (98,4 %) suivi du méthane et de l’éthane (1,6 %) et l’atmosphère contient aussi des composés organiques azotés. On soupçonne alors que le méthane pourrait y exister à l’état liquide ainsi que de nombreux composés organiques complexes. En juin 2014, après 7 ans de voyage la sonde Cassini-Huygens de la NASA et de l’ESA se met en orbite autour de Saturne. Le 14 janvier 2005, le module Cassini est largué, descend en parachute dans l’atmosphère de Titan et atteint la surface d’un sol mou dont la température moyenne est de −180°. Les mesures indiquent la présence de vastes dépôts d’hydrocarbures et les images montrent non des cratères (très peu nombreux) mais des paysages de montagnes, de collines, de dunes, de lacs, de vallées et de systèmes fluviaux qui rappellent ceux de la Terre. Seulement le liquide là-bas n’est pas de l’eau mais un mélange de méthane et d’éthane qui s’évaporent, forment des nuages et retombent en pluie ! Toutefois l’eau liquide en mélange avec l’ammoniac pourrait être présente en profondeur, à 100 km sous la surface. Les exobiologistes se prennent alors à rêver qu’une vie primitive puisse s’y être développé. Cela d’autant plus que la composition de l’atmosphère de Titan paraît proche de celle que l’on suppose avoir été celle de la Terre avant que les premiers organismes vivants ne commencent à y libérer de l’oxygène. Un autre satellite de Saturne, Encelade, découvert par Herschel en 1789, retient aussi l’attention. Les données fournies par la sonde Cassini indiquent en effet une surface formée de neige d’eau fraîche sans atmosphère, bien que des geysers formés de vapeur d’eau et d’autres molécules (CO2, N2, NH3, CO, CH4 etc.) créent un nuage de gaz et de poussières au-dessus du pôle sud ce qui est très surprenant pour un corps d’aussi petite taille (500 km de diamètre seulement). Des poches d’eau liquide existent donc sous la surface qui pourraient abriter une vie… Il y a encore Europe, l’un des satellites de Jupiter découvert par Galilée en 1610. Les sondes Voyager (1981) et surtout Galileo (1995-2003) montrent que sa surface presque dénuée de cratères est très lisse, la plus lisse des corps du système solaire, mais striées de rayures et de craquelures, ce qui rappelle les banquises polaires de la Terre. Cette surface est formée de glace d’eau d’une température moyenne de −150 °C mais en profondeur pourrait exister de l’eau liquide en contact avec des roches (silicates). Alors, là aussi, les exobiologistes s’interrogent sur la possible existence d’une vie dans cet océan souterrain chauffé non par la lumière du Soleil mais par d’autres sources d’énergie (effets de marée, radioactivité). Certains en doute, notant que la température y est probablement trop basse et que la détection d’eau oxygénée et d’acide sulfurique y dégradent les molécules complexes nécessaires à la vie. Mais comment exclure des oasis ? Le seul moyen de le savoir est d’y aller voir. Les agences spatiales américaine NASA et européenne ESA étudient actuellement une mission conjointe (EJSM-Laplace) avec deux sondes dont le lancement est prévu en 2020 et l’insertion en orbite autour de Jupiter en 2026. La sonde européenne (JGO) lancée par une Ariane 5 étudiera Ganymède et Callisto tandis que la sonde américaine lancée (JEO) par une Atlas V 551 étudiera Europe et Io. Cette partie scientifique de la mission durera trois ans.
  4. Cette seconde conclusion sur les voyages interstellaires reste par contre tout à fait valide et ce court paragraphe résume admirablement l’état de la question. On trouvera dans la chronique n° 24, La quarantaine des dieux (03.05.2010), d’autres réflexions sur ce thème.
  5. Ce diagnostic sur la perte de toute foi qui naît de la connaissance scientifique est, dans sa sècheresse clinique, d’une grande lucidité. Il explique bien pourquoi c’est « l’avenir spirituel de l’humanité » qui est en jeu dans l’exploration du système solaire. Les menaces les plus graves qui pèsent sur l’avenir de l’humanité ne proviennent pas seulement de ce dont tout le monde parle, le changement climatique global, la perte de la biodiversité, la surpopulation sur une Terre finie ; ils ne menacent que nos corps et une ferme volonté peut limiter leurs effets et les corriger. Les menaces les plus graves viennent des poisons de l’esprit et le pire de ces poisons est la perte de toute espérance. Ce n’est pas une hypothèse gratuite car on dispose à ce sujet d’une expérience en vraie grandeur : pour Aimé Michel à la suite des hellénistes Nilsson, Murray et Dodds c’est l’« à-quoi-bonisme » et le manque de goût de vivre caractéristiques de l’empire romain finissant qui ont entraîné sa chute (voir les chroniques n° 246, Les ruines d’Athènes – L’effondrement de la civilisation antique et l’irrationnel dans la Nature, 07.09.2015 et n° 247, Il n’y a pas de raccourci – Sectes et scientistes tentent de délivrer l’homme du mystère du monde, 14.09.2015). C’est ce parallèle qu’Aimé Michel a ici à l’esprit sans le dire.
  6. On peut trouver une confirmation de cette « obsession » de l’humanité pour « sa solitude sur une petite planète perdue » dans le nombre des émissions de télévision consacrées de nos jours aux ovnis et aux folles rumeurs qui circulent sur internet à leur propos. Cet intérêt persistant en dépit de l’extrême rareté depuis une trentaine d’années d’observations vraiment étranges a de quoi surprendre. Puisqu’il ne peut guère s’expliquer par de telles observations, c’est qu’il est généré, en interne si on peut dire, par le public lui-même ; il touche en outre une fraction croissante de la population mondiale. Cette « obsession » se voit aussi dans l’intérêt que porte tant le milieu scientifique que le grand public à la découverte et l’étude des planètes extrasolaires. Celles qui intéressent le plus les uns et les autres ce sont celles qui sont semblables à la Terre, c’est-à-dire situées dans la « zone habitable » autour de leur étoile, celle ou l’eau peut exister à l’état liquide. Sont-elles habitées et par qui ? Voilà les questions de plus en plus pressantes qui se posent maintenant et qui vont de plus en plus préoccupées l’humanité dans les temps à venir.
  7. On est encore là : la certitude expérimentale d’une vie extraterrestre est toujours aussi élusive. Les connaissances sur Mars et sur le système solaire (qu’on pense aux robots martiens ou à la sonde Rosetta) n’ont pas cessé de progresser mais pour l’heure on n’a encore découvert aucune trace de vie, ni présente ni passée. Tout espoir est cependant loin d’être perdu de trouver une autre forme de vie ailleurs dans le système solaire. Mais si elle est rare et bien cachée il se peut que sa découverte prenne du temps car l’exploration exhaustive du système solaire prendra des siècles.
  8. C’est une des thèses du célèbre biologiste Jacques Monod dans son non moins célèbre livre Le hasard et la nécessité (Seuil, Paris, 1970). Ce livre est important parce que les idées métaphysiques qu’il exprime clairement imprègnent confusément l’atmosphère intellectuelle contemporaine. Le biologiste Rémy Chauvin résume ces idées de manière frappante en quelques phrases : « la vie sur la terre est née au hasard et n’a pas de sens. L’homme a été déposé sur elle par une évolution aveugle ; il est probablement seul comme un tzigane sur le bord de l’espace infini. Un jour il disparaîtra ; l’Univers oubliera le chétif insecte de la planète bleue qui a cru, un instant fugitif, le comprendre. Donc rien n’a de sens (et non plus la science elle-même ?). Le bien et le mal n’en ont pas non plus. Et Monod, qui est un noble cœur, recule devant l’abîme (qu’il a creusé lui-même). Il va s’inventer une divinité de substitution dans l’adhésion à l’objectivité, à la vérité scientifique ; le désespoir, soit, mais que ce soit un noble désespoir. » (Les conquérants aveugles, Robert Laffont, Paris, 1992, p. 107-108). On voit comment solitude de l’homme dans un univers vide et hasard dépourvu de sens sont des idées intimement liées. Rémy Chauvin se moque gentiment des prétentions de Monod en rapportant le propos de malins collègues pour qui « le grand biologiste a agité beaucoup d’hypothèses un peu au hasard et sans nécessité » ! Plus sérieusement il les balaie d’un revers de main : « Fariboles que tout cela : le Hasard-dépourvu-de-sens est un dieu qui dévore ses enfants ; si rien dans l’Univers n’a de sens, pourquoi l’intelligence et la vérité en auraient-elles un ? » Michel et son ami Chauvin sont aux antipodes de Monod. L’opinion majoritaire actuellement tient Michel et Chauvin pour des « croyants » (terme aujourd’hui péjoratif) mais Monod pour un « incroyant » (ce qui est plus valorisant), sans apercevoir qu’il n’y a pas moins de « croyances » chez les uns que chez les autres, simplement ce ne sont pas les mêmes.
  9. Providence et finalité sont les maîtres mots de tout « esprit religieux » mais honnis de tout « esprit scientifique » ! Si Aimé Michel ne manque jamais une occasion de les prononcer c’est qu’il sait bien que les deux registres, le scientifique et le religieux (ou le métaphysique), ne sont pas sur le même plan, ne peuvent pas (en principe du moins) être en conflit et, pour cette raison, se complètent. Il ne faut cependant pas ignorer que l’équilibre entre ces deux registres est instable car il est très facile, si on n’y prend garde, de transformer indûment la religion en science et inversement la science en métaphysique. De plus l’évolution de la science, l’histoire le montre, conduit (et conduira) à réviser bien des conceptions qui ont servi (et servent encore) à l’expression des idées religieuses d’où cette impression que la science refoule le religieux. Il n’en est rien. Dans un même mouvement séculaire la science s’affine et la religion s’épure. Les relations parfois difficiles entre science et religion sont souvent évoquées dans les présentes chroniques puisqu’elles en forment la trame principale. On en trouvera des exemples dans les chroniques n° 319, Un petit caillou sur la berge : qui peut scruter au télescope le mystère divin ? – Une pensée scientifique libérée du concordisme, du dogmatisme et de l’athéisme (16.02.2015) et n° 378, Du bon usage de la baleine – Pourquoi je prends la mystérieuse baleine de Jonas comme on la conte (04.05.2015).