Aimer (...ou pas) le football américain ? - France Catholique
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Aimer (…ou pas) le football américain ?

Traduit par Aurélie D.

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Depuis que ma femme et moi avons acheté un écran plat géant pour notre salon, je ne peux plus me passer de football, que ce soit la « National Football League », autrement dit la ligue professionnelle nationale de football américain des Etats-Unis, ou les équipes universitaires (il n’y rien de mal dans le fait d’être un ancien élève de la meilleure équipe nationale lycéenne, celle de Bishop Gorman, et un professeur de l’université de Baylor, au Texas, d’où vient le vainqueur du trophée Heisman (trophée du meilleur joueur universitaire de football américain) en 2011, Robert Griffin III, et qui a ouvert son majestueux stade de 45.000 places, le McLane Stadium, il y a deux semaines). Avant l’achat de cette télé, je regardais le football de temps en temps tout au long de la saison, bien que je prêtais plus attention aux mi-temps et aux « Bowl games », finales entre équipes universitaires.

Mais depuis peu, j’ai commencé à me poser une question : dois-je aimer le football américain? Beaucoup de facteurs me permettent de l’apprécier. C’est passionnant ; les joueurs sont extrêmement doués ; les entraîneurs sont tel des tacticiens militaires complotant afin de manipuler leurs adversaires. Vous éprouvez un certain orgueil en voyant les accomplissements de l’équipe de votre ville ou université sur le terrain, et l’attention nationale positive qu’ils reçoivent.

Pourtant, il y a une brutalité intrinsèque à ce jeu. Contrairement aux sports où le contact physique est tangent (le baseball ou le cyclisme), ou lié aux performances des joueurs (le basket, le football), toute l’importance du football américain est dans la collision intentionnelle des joueurs. Par exemple, une commotion au baseball, au cyclisme, au basket ou au football est regrettable, mais elle n’est pas considérée comme prévue. Au football américain en revanche, elle fait partie du jeu, comme d’ailleurs, ils le rappellent si bien eux-mêmes.

C’est ainsi que lorsque l’université du Texas a annoncé que son nouveau quarterback, David Ash, ne serait pas dans l’équipe après avoir subi de multiples commotions, la plus récente ayant eu lieue lors de la rencontre du 6 septembre des Longhorns texans écrasés par l’équipe universitaire des cougars de Brigham, Utah, l’ESPN (chaînes de télévision sportives) a annoncé: « L’entraîneur du Texas Charlie Strong a affirmé lundi… que les Longhorns poursuivrait avec Tyrone Swoopes comme nouveau quarterback ».

Alors que le fonctionnement du cerveau d’un jeune homme semble compromis à vie, il n’y a aucune raison de s’inquiéter : la meilleure université de l’état a un autre étudiant aussi talentueux que le précédent, prêt à entrer dans l’équipe, mais celui-ci avec un cerveau en bon état.

Je suis totalement conscient que ma question a pour but de faire avancer cette embarrassante hérésie culturelle, surtout au Texas, état que nous considérons, ma femme et moi comme notre patrie depuis plus de 10 ans. Dans l’état des « Friday Night Lights » (série américaine basée sur les problèmes de la culture américaine via le football américain au Texas), et « Le plus beau des combats » ( un de mes films préférés de tout le temps, il faut bien le dire), il n’y a probablement rien de plus subversif que de suggérer qu’il soit légitime d’avoir des doutes à propos du bien qu’apporte le football américain, surtout si vous l’appréciez vraiment comme moi.

Bien sûr, cette observation suggère quelques questions : est-ce que mes affections habituelles pourraient être perturbées ? Est-il possible d’avoir grandi pour aimer quelque chose que je ne devrais pas aimer ? Est-ce qu’une passion pour une activité peut vous aveugler sur les facultés critiquables qu’il faudrait voir dans le vice de cette activité ? Dans l’immédiat, la réponse à chacune de ces questions est inévitablement OUI. Mais en termes de problème spécifique, dans le cas présent qu’est le football américain, la meilleure réponse que je puisse donner actuellement est «  je ne sais pas. »

Certains vont, sans aucun doute, répondre à mes questions en essayant de changer de sujet. Ils vont faire passer ces doutes pour une habitude dans une théorie morale libertaire en disant simplement (comme s’il parlait de tout ce qui est nécessaire pour établir la véracité d’une théorie morale), que tous les participants sont adultes, sauf les mineurs, et que si ces adultes s’engagent avec d’autres dans des activités dangereuses, qui sommes nous pour les juger ?

Il n’existe pas de véritable réponse à ma question initiale puisque cela dépend si l’on considère cette activité appréciable en elle-même. La question se pose sur la nature de l’activité. Elle ne concerne pas ses dispositions et les choix de ceux qui y prennent part.

A quel moment la perception physique sportive d’un étalage étonnant d’une excellence athlétique se transforme en un exhibitionnisme de gladiateurs chorégraphié par des entrepreneurs ambitieux pour un public passionné avec un appétit toujours plus grand d’une violence souhaitée? Encore une fois, je ne sais pas. Mais je pense que la question mérite d’être posée. (Dans le cas où vous vous poseriez la question, je vais regarder le match universitaire Baylor-Buffalo puisque j’aime toujours le football américain).

Vendredi 12 Septembre 2014

Photo : Chute et commotion d’Everett Golson de l’équipe Notre Dame (Indiana) en 2012 face à celle de Purdue (Indiana).

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/should-i-like-football.html


Francis J. Beckwith est professeur de Philosophie et d’Ecclésiologie et co-directeur du Progamme pour les diplomés en philosophie à l’université de Baylor au Texas, qui fait partie de la Big 12 conférence, un regroupement d’université qui gère les compétitions sportives dans le centre des Etats-Unis.