A propos du futur - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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A propos du futur

Traduit par Isabelle

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Souvent le futur a mauvaise réputation. « A long terme, nous serons tous morts ». Aucune créature actuelle n’existera dans le futur. Le passé est complètement passé. Le futur n’est pas encore là. Il n’a pas besoin d’arriver. La seule réalité est le présent, qui ne cesse de changer.

L’avantage qu’a le passé sur le futur, est que – à une époque – de façon réelle, non pas imaginaire, il y avait des gens qui se déplaçaient, qui avaient des noms. Ils faisaient des choses. Nous saisissons ce à quoi ressemblent les êtres humains en regardant ce qu’ils faisaient ou ne faisaient pas, ou ce qu’ils faisaient et n’auraient pas dû faire.

La théorie du progrès nous a un jour affirmé que les choses devaient nécessairement s’améliorer. En redéfinissant le mal, en l’expulsant de notre existence et en en faisant une donnée historique, certains peuvent encore croire que le progrès est automatique. Ainsi le paradis se réalisera au cours des siècles, dans l’avenir de ce monde. Nous avons du mal à attendre d’y arriver. Nous mettons toute notre énergie vers le futur. Nous voulons en finir avec le désordre actuel. Nous éduquons les jeunes en vue du futur, non du passé. Aussi demeurent-ils très ignorants. Le seul problème est que la plupart d’entre nous, comme nos anciens et récents ancêtres, n’atteindra pas ce futur merveilleusement heureux et tant attendu.

Cette vision progressiste est à l’opposé de celle souvent dépeinte par les classiques. Ils pensaient que le monde, dans ses débuts, était très bon, comme le jardin d’Eden, mais sans l’arbre au milieu pour tout chambouler.

Pourtant, alors que bien des choses semblent s’améliorer, à mesure que le futur devient passé, un sentiment de tiraillement s’installe. Les choses empirent progressivement. Nous entendons parler d’Apocalypse plus souvent que d’Utopie. Le monde révèle de nombreuses « déviations » à partir du bien, et non un « progrès » paisible vers quelque chose de parfait.

Une vision cyclique de l’histoire – par exemple dans Thucydide – nous dit que les choses redeviendront à peu près ce qu’elles étaient au premier tour, encore et encore. Tout nous devient clair dans l’ordre cyclique du changement. A l’extrême, au cours du temps, nous devenons tout le monde. Et ensuite nous redevenons nous-mêmes une deuxième ou une troisième fois de suite. Il est difficile que quelqu’un qui tient de telles théories ne finisse pas dans le désespoir : « Vous voulez dire que c’est tout ce qu’il y a ? »

De nombreux auteurs à la suite de J.B. Bury (d. 1927) ont fait remarquer que le futur intérieur au monde que nous envisageons est, à la réflexion, une version sécularisée de l’eschatologie chrétienne. Le ciel, l’enfer, la mort et le purgatoire ne sont pas des idées si étranges après tout, quand nous voyons comment elles se transforment en buts politiques, économiques, et écologiques. A travers les âges, ce que nous créons devient le paradis. L’enfer est tout ce qui s’y oppose. La mort est vaincue par le clonage ou par la science. Le purgatoire est ce que nous devons endurer pour atteindre la perfection.

La religion, particulièrement le christianisme est détestée parce qu’elle insiste sur le fait que la fin de tout homme transcende le monde. Le but de l’homme sécularisé dans le monde est finalement de produire une société parfaite (un paradis) uniquement grâce à l’intelligence et à l’entreprise humaines. Son modèle est l’humanité sans Dieu. Mais cette perfection à venir est dans un « futur », qu’il soit proche ou lointain. Les milliards de personnes qui vivaient avant l’arrivée de ce but, et dont nous faisons tous partie, auront servi d’outils pour les générations futures quand elles apparaîtront.

Selon la vision chrétienne, depuis l’origine, il existait un plan et un ordre divins dans les évènements du monde. Personne n’était créé seulement comme un moyen d’assurer le bonheur de quelqu’un d’autre. Que l’on soit né au commencement, au milieu ou à la fin de l’Histoire, chaque vie individuelle est, devant Dieu, dans la même position que toutes les autres. Chaque personne choisit son statut dans la transcendance à travers la vie qui lui est donnée.

On dit de Judas quelque chose qu’on ne dit de personne d’autre : « qu’il  eut mieux valu qu’il ne fut pas né ». (Mat XXVI 24) Le monde d’aujourd’hui, bien sûr, est plein d’enfants qu’il eut mieux valu laisser naître. Ceux qui sont d’accord pour les en empêcher, à moins d’être pardonnés, sont probablement ceux qui s’approchent le plus du jugement émis sur de Judas.

Notre monde est une scène de bataille présentant trois eschatologies – écologico/humaniste, musulmane, et chrétienne. L’analogie avec une bataille est juste. Les humanistes sauvent le monde pour quelques générations à travers les âges. Les musulmans soumettent tout à la volonté d’Allah, que cela leur plaise ou non. Les chrétiens ne doutent pas que nous vivions dans une « vallée de larmes ». La fin de chacun le transcende. Elle inclut la mort. C’est la vie intérieure trinitaire de Dieu à laquelle chacun est invité à participer. Mais elle peut être rejetée notre façon de vivre ou de penser.

Josef Pieper réfléchit à une quatrième « eschatologie », qu’il nomme « la fin catastrophique de l’histoire au cours du temps », celle que l’Ecriture semble suggérer. Il la décrit comme « un régime totalitaire universel du mal….C’est nous qui provoquerons la fin de l’Histoire ». Nous ne devons pas désespérer, mais cela peut très bien être l’avenir de notre monde intérieur.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/06/21/on-the-future/