A propos de gains mal acquis - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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A propos de gains mal acquis

Traduit par Bernadette Cosyn

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Il y a un curieux musée au coeur de Dijon : le musée d’Art Sacré. Un nom plus juste serait le musée des biens d’Eglise confisqués illégalement.

Le bâtiment a originellement abrité la première communauté de moniales cisterciennes de la cité, transférée de Tart à Dijon en 1623. Le couvent fut achevé en 1708 et les moniales bénéficièrent d’environ 90 ans d’ordre et de tranquilité – jusqu’à ce que les jacobins arrivent.

Durant l’été 1792, 270 prêtres qui avaient refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé – qui aurait exigé d’eux qu’ils renoncent à l’autorité papale – furent arrêtés à Dijon et déportés. La même chose arriva partout en France aux prêtre non-jureurs, bien qu’un certain nombre d’entre eux soient restés dans le pays en entrant dans la clandestinité.

Comme l’ont fait les jésuites sous Henry VIII et Elizabeth I, ces prêtres français allaient déguisés, se prétendant colporteurs, ouvriers ou pâtissiers, célébrants des messes secrètes pour les fidèles de nuit, dans des bois isolés ou des greniers éclairés à la chandelle. Ceux qui étaient pris étaient emprisonnés à la Conciergerie, où ils poursuivaient leur ministère en secret, offrant la consolation des sacrements à ceux qui attendaient la guillotine jusqu’à ce qu’ils tombent eux-mêmes sous la lame.

La guillotine n’était pas le seul sort funeste attendant les prêtres réfractaires. A Nantes, en deux noyades de masse perpétrées pour briser la résistance en Vendée, plus de 200 prêtres furent rassemblés sur des barges qui furent lancées à la dérive sur la Loire et ensuite coulées. Un seul d’entre eux, le père Landeau, s’échappa et vécu pour raconter l’histoire de ces atrocités. Un compte-rendu au moins parle d’un prêtre et d’une religieuse, déshabillés et attachés ensemble dans une posture obscène, et jetés à l’eau. Ces spectacles étaient appelés par dérision « mariages républicains ». Des laïcs catholiques par centaines – hommes, femmes et enfants – moururent de même manière.

Le membres du clergé qui prêtèrent serment de suivre la constitution civile – cinq évêques et la moitié de tous les prêtres de France – créèrent un schisme. On leur donna des postes confortables et il purent servir officiellement comme prêtres – aussi longtemps qu’ils restaient des citoyens loyaux et ne critiquaient pas la République.Ces prêtres jureurs étaient autorisés à exercer leur ministère auprès des prisonniers – mais tous les catholiques n’acceptaient pas leurs services.

Marie-Antoinette, par exemple, refusa sèchement de se confesser à un prêtre non-réfractaire. Selon un rapport peu connu, un prêtre non-jureur du nom d’abbé Magnin fut introduit en secret dans la cellule de la reine la nuit avant sa mort et a entendu sa dernière confession. Et il célébra une dernière messe pour elle avant que la charrette ne la mène au matin sur la place des exécutions.

Partout en France, les monastères furent envahis, leurs biens sacrés confisqués et nombre d’entre eux devinrent des prisons ou des casernes. Le couvent cistercien de Dijon devint une base militaire.

Vous pouvez trouver ce couvent grâce à sa coupole verte, en cuivre, et à sa croix dorée qui surplombent les toits environnants. Dans le cloître carré, on trouve les lourdes porte de bois de l’entrée du musée. Le cloître est essentiellement occupé par le musée de la vie bourguignonne, complété par des figures de cire en costumes du 18e : frottant les parquets, soignant les bêtes, conversant dans les rues pavées.

Penser que les salles sanctifiées où les épouses du Christ se rassemblaient, travaillaient et priaient ensemble jadis, leurs vies entièrement consacrées à Lui et chaque moment offert comme un holocauste pour le salut des âmes, sont maintenant occupées par de triviaux mannequins de cire dans des attitudes figées, c’est très gênant.

Quittant le cloître pour la rotonde, qui abrite de nombreuses chapelles latérales, vous découvrez un maître-autel de marbre au dessus duquel se trouve une impressionnante représentation en marbre de la Visitation, Elisabeth tendant les mains à Notre-Dame en un geste d’accueil. Les chapelles latérales recèlent des objets religieux anciens : des statues et des images vénérables, des vêtements sacerdotaux brodés et des reliques. Chaque relique est soigneusement accompagnée d’une petite plaque descriptive : crânes de Saint Barthélémy et de Saint Victor, deux des 11 000 vierges assassinées avec Sainte Ursule et Sainte Lucie par les Huns, reliquaire des premiers martyrs romains, os de Saint Bénigne (le saint patron de Dijon), buste et reliques de Saint Bernard de Clairvaux.

Saint Bernard est né à Dijon le 20 août 1091 et durant sa vie il a fondé en France soixante douze monastères cisterciens. Pour le 850e anniversaire de sa mort, le reliquaire contenant une de ses côtes a été déplacé du monastère jusqu’au lieu de naissance de Saint Bernard, à plusieurs kilomètres de là. Une basilique y avait été construite en son honneur et les reliques y étaient vénérées par les fidèles. Au lieu de rester là – à leur place attitrée – les reliques durent rejoindre le musée vite fait, pour retourner dans leur vitrine stérile, sous la surveillance attentive et mesquine de l’Etat.

Les plus grands trésors du musée se trouvent dans la nef, maintenant dépouillée de ses bancs, dans des vitrines qui s’entassent en hauteur : ostensoirs d’or ouvragés, ciboires et calices ayant autrefois contenu le Corps Sacré et le Sang de Notre Seigneur, maintenant coincés entre des rangées de vitres étincelantes, pour être admirées comme si elles n’étaient guère plus que des décorations intéressantes, vestiges d’un lointain passé. Ma vénération, comme je longeais ces objets sacrés, était teintée d’une colère noire à la pensée de ce pillage effectué par l’Etat, un pillage qu’il n’a pas reconnu, et pour lequel il a encore moins fait des excuses.

Le site web du musée décrit ces richesses comme « objets qui font partie intégrante de notre patrimoine culturel ». En effet, un patrimoine qui constitue le coeur et l’âme de la France, qui a sanctifié le sol de ce pays avec le sang de ses nombreux fils et filles qui sont allés à la mort de leur plein gré plutôt que de renoncer à leur Foi, pardonnant à leurs persécuteurs, et intercédant sûrement depuis le Ciel pour « la fille aînée de l’Eglise ».


Christine Niles est diplômée de l’université d’Oxford et de l’école de magistrature Notre-Dame. Elle est actuellement mère au foyer.

illustration : le musée d’art sacré de Dijon

source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/on-ill-gotten-gains.html