Zemmour est-il un provocateur ? - France Catholique
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Zemmour est-il un provocateur ?

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© P. Deliss / Godong

Le nouvel essai d’Éric Zemmour, La messe n’est pas dite (Fayard), est destiné à susciter un sérieux débat, d’autant que son sous-titre constitue une véritable provocation : Pour un sursaut judéo-chrétien. Comment un intellectuel, passé à l’engagement politique, peut-il se prévaloir d’un programme qui empiète résolument sur le terrain religieux ? Avant d’engager contre lui un procès pour récupération idéologique, il importe de lire l’auteur avec la plus grande attention. Ce n’est pas sans une enquête approfondie qu’il affirme l’indestructible lien entre notre civilisation et ce qu’on appelle couramment l’héritage judéo-chrétien. Une enquête historique exigeante jusqu’à ses données théologiques, en se référant aux meilleurs spécialistes.

Judéo-christianisme ?

Loin de sacrifier à des raccourcis faciles sur un judéo-christianisme mal défini, Zemmour insiste sur l’originalité de ce christianisme par rapport au judaïsme. Selon l’enseignement de saint Paul, c’est la foi qui prime sur la loi. Cela n’empêche pas la filiation du christianisme avec le judaïsme, même si elle a provoqué des conflits que l’on peut expliquer avec René Girard : la ressemblance implique le conflit mimétique. Aussi convient-il de bien définir en quoi la nouveauté chrétienne a renouvelé les perspectives, en fondant une civilisation. La nôtre.

Éric Zemmour suit les signes possibles d’une rechristianisation de la France et de l’Europe avec une sympathie que l’on pourrait dire complice. Le pèlerinage de Chartres le ravit, tout comme la vague des nouveaux baptisés. Il est vrai que, n’étant ni chrétien, ni catholique, élevé dans la tradition juive, on peut s’interroger sur cette relation singulière. Faute d’être inspiré par l’éclairage de la foi, elle s’inscrit dans une démarche intellectuelle, culturelle. C’est la lecture de Pascal qui a permis au lycéen une première approche d’un domaine qui lui était étranger. Il en a été proprement ébloui. Ce qui lui a permis de mieux comprendre à quel point le christianisme était consubstantiel à l’essentiel de notre civilisation. à aucun moment Éric Zemmour n’estime qu’il pourrait exister un christianisme sans la foi. Il en est au stade des prémices qui précèdent ce que nous appelons une conversion, c’est-à-dire un retournement radical intérieur qui aboutit à l’adhésion au Christ rédempteur.

Le premier concile du Vatican, dans sa constitution Dei Filius, a établi la véracité d’une telle démarche : « C’est à l’Église catholique seule que se réfèrent tous ces signes si nombreux et si admirables établis par Dieu pour faire apparaître avec évidence la crédibilité de la foi chrétienne. » C’est en raison de « son inépuisable fécondité en tout bien », que l’Église peut être perçue dans sa nature spirituelle.

Provocation ? Oui, il y a une provocation dans cette façon d’affirmer ce qu’on peut appeler un christianisme identitaire. Formule qui provoque parfois l’indignation. Encore faudrait-il savoir ce que pourrait être un christianisme non identitaire ! Il est en tout cas à souhaiter qu’une telle provocation invite à une authentique réflexion et non à des anathèmes et des mouvements d’humeur.

Éric Zemmour pose ainsi de vraies questions, ne serait-ce encore que sur la nature de l’islam et la possibilité d’un dialogue interreligieux entre des traditions si contraires. Le moins que l’on puisse dire est que dans l’Église, on n’est pas parvenu à une perception vraie d’un phénomène redoutable.