Aurelius Augustinus a vécu dans un monde qui ressemble au nôtre, un monde païen où le christianisme se fait une place au milieu des hérésies. Il naît le 13 novembre 354 à Thagaste – aujourd’hui Souk Ahras, en Algérie, près de la frontière tunisienne. Son père, Patricius, est un notable à la modeste fortune. Romanisé, il passera du polythéisme au christianisme juste avant de mourir, converti par son épouse Monique qui, fervente chrétienne sans doute d’origine berbère, éduque son fils dans la religion.
Augustin est un élève brillant mais il déteste étudier sous la contrainte et choisit à 17 ans une vie dissipée à Carthage, un centre d’études réputé et plus encore un centre de plaisirs. À 18 ans, en 372, Augustin prend une compagne et devient père d’un fils, Adéodat. De cette période carthaginoise date également sa première recherche spirituelle. Lui qui est professeur de rhétorique s’enflamme pour la philosophie à la lecture d’un ouvrage de Cicéron aujourd’hui disparu : l’Hortensius. Déçu par la Bible, qu’il juge mal écrite, il abandonne le christianisme de son enfance et adhère au manichéisme. Fondée par le perse Mani un siècle plus tôt, cette religion semble répondre à ses questions sur l’origine du mal et Augustin tente même d’y convertir sa mère Monique. Cependant, au bout de neuf ans, celui qui est devenu professeur d’éloquence à Carthage doit bien admettre qu’il n’est pas comblé dans sa quête de vérité. Il part pour Rome en 384, puis très vite à Milan où son ambition d’obtenir un poste va favoriser le grand tournant de sa vie dans sa recherche de Dieu.
Quête de vérité
« Une chose refroidissait mon ardeur, c’est que le nom du Christ n’était pas dans les livres des philosophes, et ce nom, par votre miséricorde, ô mon Dieu, ce nom de votre Fils, mon Sauveur, mon cœur l’avait sucé avec le lait de ma mère et le gardait profondément », écrit Augustin dans son ouvrage Les Confessions.
À Milan, le brillant professeur se met à l’école du philosophe grec Platon et découvre une conception spirituelle de Dieu qui le séduit, mais son âme n’est pas comblée. Monique, ne pouvant se résigner à vivre loin de son fils, quitte alors Thagaste pour venir l’aider dans sa quête. Ses pleurs pour la conversion d’Augustin ont sans doute frayé un chemin pour la grâce. « Le fils de tant de larmes ne saurait périr », lui avait confié un évêque.
Cependant, c’est la rencontre avec l’un des plus brillants esprits d’Occident, Ambroise, qui va conduire Augustin à jeter un regard neuf sur les Écritures et sur l’Église. Dans ses écrits, il raconte comment il écoute secrètement les sermons et admire la sagesse de l’évêque de Milan. Grâce à la formation théologique donnée par saint Ambroise, il retrouve le chemin de la foi de son enfance : il est ce que l’on appelle aujourd’hui un « recommençant ». Pourtant, il reste au fond de son cœur, confie-t-il, « deux volontés, l’une ancienne, l’autre nouvelle, celle-là charnelle, celle-ci spirituelle et leur rivalité disloquait mon âme ».
C’est alors que survient sa conversion une nuit d’août 386 dans son jardin de Milan : Augustin pleure, à l’ombre d’un figuier, en pleine tempête intérieure, et voici qu’il entend la voix cristalline d’un enfant qui répète plusieurs fois : « Prends et lis ! » Il ouvre au hasard le livre qu’il a entre les mains, les Épîtres de saint Paul, et tombe sur le verset suivant : « Ne vivez pas dans les festins et dans l’ivresse, ni dans l’impureté et le libertinage, ni dans les querelles et la jalousie, mais revêtez-vous de notre Seigneur Jésus-Christ. » « Aussitôt, écrira Augustin dans Les Confessions, ce fut comme une lumière de sécurité déversée dans mon cœur et toutes les ténèbres de l’hésitation se dissipèrent. » Dans la nuit de Pâques du 24 au 25 avril 387, à Milan, à 32 ans, Augustin est baptisé par Ambroise, en même temps que son fils Adéodat et son plus proche ami, Alypius.
La mort de Monique
Devenu chrétien, Augustin n’a plus qu’une idée en tête : retourner en Afrique pour se mettre au service de Dieu. Sa mère Monique ne verra pas le converti travailler pour le Royaume. Elle meurt à Ostie, près de Rome, après avoir partagé avec son fils une extase. Quelque temps plus tard, Adéodat rend l’âme alors qu’il vient de traverser la Méditerranée avec son père. Augustin, rempli tout à la fois de chagrin et d’espérance de le savoir en Dieu, se mue alors en pilier de l’Église. À l’automne 388 à Thagaste, il forme une communauté monastique et instaure ce qui deviendra la Règle de saint Augustin. En 391, de passage dans la ville d’Hippone – Annaba en Algérie – il est conduit par les fidèles à devenir prêtre, avant d’hériter cinq ans plus tard de la charge d’évêque. Durant trente-quatre ans, il se mobilise en faveur des pauvres et des opprimés, assure la catéchèse et prêche inlassablement en dialoguant avec son auditoire. Plusieurs secrétaires notent ce qu’il dit, et c’est ainsi que plus de 500 sermons nous sont parvenus. Augustin marque son époque avec ses Confessions, rédigées entre 397 et 401, mais aussi avec son œuvre monumentale : La Cité de Dieu, en écho au sac de Rome par les Wisigoths en 410. Augustin contemple sans ciller la fin d’un monde mais, vingt ans plus tard, c’est avec une immense douleur qu’il assiste au saccage de son diocèse lors de l’invasion menée par les Vandales. Il meurt dans Hippone assiégée le 28 août 430, à près de 76 ans, après avoir demandé aux prêtres qui voulaient se cacher à la campagne de rester auprès de la population.
Où ce grand défenseur de la foi a-t-il puisé tant de force ? Dans ce cri d’amour et de confiance lancé à Dieu dans Les Confessions : « Tu nous as faits pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. »