Quelle Église universelle ? - France Catholique
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Ces Papes qui ont fait l'histoire
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Quelle Église universelle ?

Le pape François mettait l’accent sur les « périphéries », au risque de mettre entre parenthèses la vieille Europe. Un équilibre reste à trouver.
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© Chait Goli / pexels

Le décès du Pape François est l’occasion de réflexions et de mise en perspective de l’institution ecclésiale par rapport aux défis du temps. Le fait qu’il ait été issu du continent sud-américain oblige les observateurs à reconsidérer les choses avec des instruments d’analyse assez différents de ceux qui prévalaient avec ses deux prédécesseurs.

Jean-Paul II pouvait témoigner d’une culture polonaise qui avait son originalité. Il se distinguait par un certain style qui a pu dérouter car il s’inscrivait à l’encontre du courant occidental des Lumières, en insistant sur l’intériorité, à l’exemple du poète Cyprian Norwid, son compatriote.

Benoît XVI était, par excellence, le pape-théologien, reconnu par ses pairs comme le penseur de la correspondance entre la foi et la raison.

Jorge Mario Bergoglio apportait une autre dimension, même si, par bien des côtés, il était lui-même tributaire d’une tradition commune, dont son maître Romano Guardini était la référence directe. Être né en Argentine, c’est avoir vécu une histoire qui ne recoupe pas exactement celle de l’Europe.

Vieillissement de l’Europe

Le fils d’immigrés italiens n’ignorait pas cette Europe mais il mesurait en même temps que le monde ne saurait s’identifier à ce continent, d’autant que sa décélération démographique et sa logique de vieillissement le fragilisent et le privent de la dynamique de fécondité qui était la sienne. Dès lors, le regard du Pape argentin s’ouvrait aux dimensions de la planète, à ses périphéries, au plus loin qu’il pouvait se porter et jusqu’aux plus petites communautés chrétiennes, dont il désirait qu’elles soient représentées dans le Collège cardinalice.
C’est ce nouveau Collège, réuni à Rome pour décider de l’avènement d’un successeur, qui résulte justement de cette volonté d’universalisation relativisant l’importance de l’ancienne chrétienté.

D’aucuns mettent en avant les périls de cette mise entre parenthèses de la vieille Europe. C’est le cas d’Édouard Tétreau qui, dans Le Figaro du 29 avril dernier, expliquait que le moment était peut-être venu pour le Vatican « de se remettre à l’heure de l’Europe, de la Méditerranée, du monde judéo-chrétien et de ses valeurs cardinales ».

Un trésor d’expérience

Sans doute, la recherche d’un équilibre s’imposera-t-elle pour le prochain Pape. Comme le souhaite un autre collaborateur du Figaro, Nicolas Baverez, il faudra envisager « la réconciliation du caractère universel de l’Église avec son caractère occidental, au moment où l’on observe un renouveau de la foi catholique en Europe et aux États-Unis ». Il est d’ailleurs possible que ce soient les représentants des périphéries qui prennent conscience de l’importance de l’héritage précieux de l’Europe et qui tiennent à maintenir au siège romain de la catholicité le trésor d’expérience qu’il représente.

À la fin de son épiscopat à Paris, le cardinal Lustiger ne cessait d’attirer l’attention sur cette universalisation du christianisme, notamment auprès de médias trop concentrés sur nos problèmes occidentaux. C’est devenu désormais une évidence, avec la représentation des périphéries au conclave. Périphéries qui assument autant de problématiques différentes, liées à des cultures exogènes par rapport à nous.

Un monde de conflits

À l’encontre de l’optimisme qui prévalait au moment de Vatican II, on s’aperçoit que ce monde est celui des conflits, livré très souvent à ce que l’essayiste Giuliano da Empoli appelle « les prédateurs » (L’Heure des prédateurs, Gallimard, 2025).

Raison de plus pour l’Église catholique romaine de trouver un équilibre qui résulte de la conciliation de sa sagesse traditionnelle et de son sens de l’universel.