Qu’est-ce que le jugement particulier qu’évoque l’Église pour tout défunt au moment de la mort ?
Don Paul Denizot : « Il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans ce corps » (2 Co 5,10). L’Église professe un jugement de l’âme au moment de la mort, qu’elle appelle jugement particulier. Au moment de notre mort, la rencontre avec le Christ, juge et sauveur, fera la vérité sur nous-même, révélant et sanctionnant notre choix et notre inclination ultime : refus irrévocable de l’amour et de la vérité pour ceux qui se damnent, accueil total de la communion à Dieu et au prochain pour ceux qui entrent directement dans la béatitude, ouverture intérieure à l’amour recouverte par les péchés et les compromis pour ceux qui doivent achever leur purification dans le Purgatoire.
Pourquoi le Purgatoire semble-t-il un passage plus ou moins obligé ?
Chez la plupart des hommes, rappelle Benoît XVI, « beaucoup de saleté recouvre la pureté, dont cependant la soif demeure » (Spe salvi 46). Le péché, même s’il peut être pardonné, laisse des séquelles dans l’âme : soif de puissance, de posséder, jalousie, amertume… Or, rien d’impur au Ciel ! Il faut donc que tout cela soit purifié dans le Purgatoire, que le saint Curé d’Ars appelait « l’infirmerie du Bon Dieu ». Il n’est pas un passage obligé. Les martyrs, le bon larron et tant d’autres sont allés directement au Ciel et cela doit être notre objectif ! Disons plutôt que le Purgatoire reste une épreuve de rattrapage pour ceux qui n’ont pas cru à la puissance de la miséricorde de Dieu.
Quel est le rôle de la souffrance éprouvée par l’âme au Purgatoire ?
Dans son Traité du Purgatoire, sainte Catherine de Gênes, écrit que l’âme en purification vit une grande joie : elle sait qu’elle va bientôt goûter au bonheur sans fin dans la vision de Dieu. Elle ajoute qu’au Purgatoire, l’âme souffre également grandement. Cette souffrance ne vient pas de Dieu. Non, la souffrance du Purgatoire vient de l’âme elle-même, de ses mauvais plis qui doivent encore être guéris et qui retardent le moment de la vision et du bonheur ultime. Souffrance du désir qui étreint l’âme et qui fait grandir l’amour, souffrance aussi de la désintoxication des mauvaises habitudes. Mais heureuse souffrance qui guérit l’âme pour lui rendre sa beauté.
Que peut-on faire pour aider les âmes à sortir du Purgatoire ?
Nous pouvons aider les âmes en purification par la prière d’abord. C’est une pratique antique de l’Église de prier pour les défunts par la liturgie des funérailles, en se rendant au cimetière ou en accomplissant un pèlerinage, en faisant célébrer des messes à leur intention, en priant le chapelet pour eux. Mais surtout pas en tentant d’entrer en communication avec eux…
Les aumônes peuvent également aider les âmes du Purgatoire. Nous pouvons démultiplier le pouvoir de ces aumônes données aux vivants en les offrant en intention pour un défunt. Par ailleurs, l’Église propose aussi le beau cadeau de l’indulgence plénière demandée pour un défunt, lors d’une visite au cimetière le 2 novembre (cf. FC n° 3884).
Enfin, tout acte de charité que nous accomplissons, tout pardon donné ou demandé peut être offert pour les âmes du Purgatoire et signifier pour eux une étape dans leur purification.
Peut-on déjà se purifier sur terre en acceptant nos souffrances ?
Par la maladie, la vieillesse, ou d’autres épreuves de la vie, nous pouvons déjà mystérieusement faire un Purgatoire sur terre. Nous pouvons mûrir et apprendre à aimer. J’en ai été témoin en accompagnant des personnes en fin de vie. Paradoxalement, dans la souffrance, dans l’acceptation souvent douloureuse de la dépendance et de la finitude, elles apprenaient à dépendre des autres, à les aimer, à pardonner ou à intercéder.
Les âmes du Purgatoire peuvent-elles prier et veiller sur nous ?
Les opinions sont partagées. Le saint Curé d’Ars disait : « Les pauvres âmes du Purgatoire ne peuvent rien pour elles-mêmes, mais elles peuvent beaucoup pour nous. » En revanche, saint Thomas d’Aquin pensait qu’elles pouvaient prier pour nous une fois qu’elles étaient entrées au Ciel. Plus récemment, le Catéchisme de l’Église catholique rappelle que « notre prière pour les défunts peut non seulement les aider mais rendre efficace leur intercession pour nous ». Elles prient pour nous lorsque nous prions pour elles, en remerciement de notre aide.
Comment savoir si mes défunts sont entrés au Ciel ?
Il existe des révélations privées dans la vie de certains saints comme saint Jean Bosco, sainte Faustine ou saint Padre Pio. Mais, de manière ordinaire, nous ne savons pas si nos défunts sont au Ciel ou encore en purification. Nous ne savons pas ce qu’il y avait dans leur cœur au moment de leur mort. En revanche, nous sommes invités à prier pour les défunts, sans nous lasser et sans jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
Pendant combien de temps après un décès doit-on faire dire des messes ?
Benoît XVI écrivait : « Dans la communion des âmes, le simple temps terrestre est dépassé. Il n’est jamais trop tard pour toucher le cœur de l’autre et ce n’est jamais inutile » (Spe salvi 48). Nous pouvons donc toujours prier pour eux à différentes occasions : anniversaire de naissance, de décès, au mois de novembre… S’ils sont au Purgatoire, nos prières continuent de les aider. S’ils sont au Ciel, elles font grandir notre relation avec eux et Dieu sait bien en faire bénéficier les autres.
Pourquoi faire bénir les tombes de ses défunts à la Toussaint ?
La bénédiction de la tombe à la fin des funérailles, pendant l’année ou au moment de la Toussaint nous rappelle d’abord que le lieu où reposent les défunts est un lieu sacré. C’est aussi une façon particulière de nous souvenir d’eux. C’est enfin et surtout l’occasion de prier pour eux en confessant notre foi en la vie éternelle et en la résurrection des morts.

Le Purgatoire dans tous ses états, Paul Denizot, Bénédicte de Saint-Germain, Éd. des Béatitudes, 2024, 136 pages, 15 €.





