Dans la nuit du 12 août 1623, un cierge énorme flotte en l’air, comme porté par une main invisible, dans la chambre d’Yvon Nicolazic. L’homme réveillé en sursaut tremble de peur et se met à genoux pour réciter deux Pater et deux Ave en se demandant si l’apparition vient de Dieu ou du diable. Un mois et demi plus tard, le 24 septembre, le cierge lui apparaît de nouveau alors qu’il travaille tard le soir dans un champ qu’il cultive au Bocenno. L’endroit n’est pas neutre. Les paysans savent qu’en creusant le sol, ils trouveront les ruines d’une antique chapelle dédiée à sainte Anne, à moins que cela ne soit plus ancien encore et qu’il ne s’agisse de la déesse celte Anna.
Une main féminine
À partir de ce jour, la lumière mystérieuse accompagne chaque soir Yvon Nicolazic et l’escorte du champ jusqu’à sa maison, ce dont son beau-frère est témoin. Le 25 juillet 1624, en la vigile de la Sainte-Anne, le paysan regagne sa chambre, déconcerté, car ce n’est plus seulement le cierge qu’il voit, mais la main féminine qui le porte. Il a besoin de réfléchir et se rend dans la grange, un lieu qui n’est pas non plus anodin puisque le bâtiment agricole a été construit avec les pierres de l’édifice disparu dans le champ du Bocenno. Yvon Nicolazik prend son chapelet et s’agenouille et voilà que celle qui tient le cierge lui apparaît tout de blanc vêtue et rayonnante de clarté, debout sur un petit nuage. En dialecte vannetais, seule langue que possède le voyant, elle déclare : « Ne craignez rien Yvon. Je suis Anne, Mère de Marie. Allez dire à votre recteur que dans la pièce de terre appelée Bocenno existait une chapelle qui m’était dédiée, la première bâtie en mon honneur par les Bretons. Voilà 924 ans et six mois qu’elle est en ruines. Je désire qu’elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin : Dieu veut que j’y sois honorée. »
Une antique statue
Le recteur en question, don Sylvestre Rodué, se montre inflexible et méfiant. Le voyant décide dès lors de faire la sourde oreille à celle qu’il appelle sa « bonne Maîtresse », qui insiste pour être exaucée et lui promet des signes. Le premier sera la découverte dans sa chambre d’une somme de 12 quarts d’écus pour financer les premiers travaux de la chapelle, le second consistera en la mise au jour dans le champ du Bocenno d’une antique statue de sainte Anne en bois d’olivier. Son visage est très abîmé mais on distingue encore des traces de polychromie blanche et bleue.
Suivre le cierge
Comment l’édifiante trouvaille a-t-elle été possible ? Sainte Anne fit lever dans la nuit du 7 au 8 mars son messager, le priant d’aller réveiller quelques voisins et de suivre le cierge qui leur indiquera l’endroit précis où creuser. L’évêque de Vannes, Mgr de Rosmadec, instruira alors l’affaire dont le caractère surnaturel sera reconnu dès la fin de l’année 1625.
Quant à Yvon Nicolazic, qui après quinze ans de mariage n’osait plus rêver d’être père, il verra deux enfants lui naître entre le début et la fin du chantier du sanctuaire, comme une ultime délicatesse de la mère de la Vierge Marie connue pour être un secours pour conjurer le mal d’enfant. Sa cause en béatification est ouverte depuis l’an 2000.