Mgr Dominique Rey : « le futur pape devra répondre au défi de l’unité de l’Église » - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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Mgr Dominique Rey : « le futur pape devra répondre au défi de l’unité de l’Église »

Pour Mgr Dominique Rey, qui a gouverné le diocèse de Fréjus-Toulon pendant vingt-cinq ans, rien n’est plus important que l’unité de l’Église.
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© Luigi Suglia / Pixabay

Quel état dressez-vous de l’Église, à l’approche de l’élection d’un nouveau Pape ? À quels défis doit-elle aujourd’hui répondre ?

Mgr Dominique Rey : Gardons-nous, d’abord, de céder à la tentation de la fragmentation. On évoque tantôt une ligne « progressiste », tantôt une ligne « traditionaliste », vite stigmatisée comme « intégriste »… Tout cela n’est pas bon. L’Église doit rester unie.

Elle doit aussi faire entendre sa voix sur les questions de société. Nous sommes au bord d’une rupture anthropologique majeure, avec la possible légalisation de l’euthanasie en France. Mais cette culture de mort est déjà à l’œuvre dans bien d’autres pays. N’oublions pas non plus que la culture dite « woke » prône le déracinement et la destruction de tout ce qui fonde la civilisation chrétienne.

Le message de l’Église est véritablement prophétique : les chrétiens ne doivent pas avoir peur de nager à contre-courant, d’être en rupture avec la « bien-pensance » actuelle. Comment l’Église peut-elle rejoindre les gens, les aider à vivre tout en tenant un discours ferme ? C’est un défi ! Le pape François était un véritable pasteur, voulant s’adresser à toutes les brebis, même hors de son troupeau. Parfois, sa parole a pu susciter de multiples interprétations. Je pense que l’on attend du prochain Pape qu’il porte une parole publique en référence au magistère de l’Église. C’est important que la parole du futur Souverain pontife ne puisse jamais être disqualifiée.

Enfin, le futur pape devra avoir le sens de l’universel et être source de communion. Le christianisme est en pleine croissance en Afrique, en Corée du Sud, par exemple. Nous en avons terminé avec une vision très européenne des défis de la papauté.

Ne faut-il pas que le Saint-Père insiste sur la dimension spirituelle de l’Église ?

Il faut une parole d’autorité qui appelle à la sanctification du peuple chrétien, qui rappelle la finalité de notre vie sur terre : la vie en Dieu, et qui souligne l’importance de la vie intérieure et du rapport à la transcendance. Nous avons une jeunesse en quête de sens, de spiritualité, de rites. Il faut la nourrir avec ce qui fait la vitalité de l’Église depuis des siècles : cette part mystique d’où découle un élan missionnaire qui ne se tarira jamais. Annoncer aux hommes que le Christ est mort pour les sauver, ce n’est pas rien !

Il est temps de déployer un nouvel élan missionnaire ?

C’est l’une des questions majeures ! Je pense que l’âge d’or du christianisme est devant nous, mais nous avons tendance à ne pas regarder l’avenir de la sorte car nous avons du mal à assumer une véritable vision chrétienne. Or un peuple se meurt par manque de vision. L’Église doit répondre à quatre défis majeurs.

Le premier, l’attention apportée à ce qui demeure : le message de l’Évangile, les dogmes de l’Église.

Le deuxième, l’attention à ce qui unit : lutter contre les tensions internes au sein de l’Église, mais aussi contre la désunion des sociétés gangrenées par l’individualisme et le communautarisme.

Le troisième défi porte sur l’attention à ce qui faiblit : la vieillesse, la maladie, le handicap. Comment l’Église peut-elle apporter un message qui va plus loin que la sollicitude matérielle ? Qu’en est-il de la façon de faire grandir la charité et la bonté en la nourrissant d’une véritable vie de prière ?

Enfin, il nous faut être attentif à ce qui grandit à travers les enjeux liés à l’éducation, et à ce qui surgit, c’est-
à-dire tous les défis que nous n’avions pas prévus. Je pense, par exemple, au succès du catholicisme dit « traditionnel » dans l’Église : ce besoin de sacralité et d’intériorité porté par une partie de la jeunesse, je pense au besoin pressant de retrouver le sens d’une véritable intériorité pour faire face aux menaces ésotériques dans la société.

Ne faut-il pas également encourager la collaboration entre les prêtres et les laïcs, chacun restant à sa juste place, pour pallier la disparition de certaines congrégations vieillissantes ? De vastes chantiers attendent tous les fidèles de l’Église, car l’âge d’or du christianisme est aussi « au-dedans » de nous.

Pensez-vous que la piété populaire soit au cœur de cet élan missionnaire ?

J’en suis persuadé. C’est un trésor de l’Église. Personnellement, j’ai fortement encouragé le retour à la piété populaire dans le diocèse de Fréjus-Toulon, notamment en développant les pèlerinages au double sanctuaire de Cotignac, dédié à Notre-Dame de Grâces et à saint Joseph, mais aussi à Saint-Maximin et à la grotte de la Sainte-Baume sur les traces de sainte Marie-Madeleine. Ces chemins de foi existaient déjà mais ils ont gagné en nombre et en densité. L’homme contemporain a besoin de retrouver ses racines pour puiser la sève de l’Évangile au contact de ces saints, qui restent pour nous des figures tutélaires de la foi, de l’espérance et de la charité. Je voudrais aussi insister sur le service de la charité à l’égard des plus défavorisés, qu’on appelle la diaconie. Cette compassion passe par une attention à l’autre dans sa fragilité mais au travers de laquelle le Seigneur nous parle et nous rejoint. En donnant de son temps, de son argent, de soi-même, on reçoit bien plus en retour.

Quel style attendez-vous du futur Pape ?

François était très proche des gens et avait choisi la simplicité jusqu’à mentionner dans son testament spirituel le fait d’être inhumé à même la terre dans la basilique Sainte-Marie-Majeure. Pour un pasteur, la proximité avec son peuple est importante mais il faut aussi trouver un point d’équilibre pour que la fonction papale soit respectée. L’Église exprime son message à travers une Tradition qui traverse les siècles et, en même temps, à travers le caractère et le savoir-être du Saint-Père. Ce n’est pas toujours simple à hauteur d’hommes, mais l’Esprit Saint est à l’œuvre pour que ce subtil équilibre tienne depuis 2 000 ans. Il ne tient donc qu’au futur Pape de trouver son style…

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de la disparition du pape François ?

Je trouve très beau que le Saint-Père soit mort le lundi de Pâques. Il a accompli la Pâque du Seigneur avant d’accomplir la sienne. La date de sa mort entre en résonance avec le mystère pascal. Nous devons nous réjouir de son départ ce jour-là. La veille, il avait pu donner sa bénédiction urbi et orbi et faire un petit tour en papamobile sur la place Saint-Pierre, comme pour faire ses adieux le jour de Pâques à la communauté des fidèles qu’il avait tant servis. Ce fut un moment forcément émouvant.

Quant à moi, je distingue l’homme du Pape, je fais la différence entre l’apôtre Simon et celui qui deviendra Pierre. Je fais le distinguo entre son appréciation personnelle de pasteur et sa mission de successeur du premier apôtre, qui doit assurer la tradition de l’Église.

L’élection du prochain Pape est forcément très attendue pour l’Église en France, et pour l’Église en général, car nous avons tous constaté un changement important de cap entre Benoît XVI le théologien et François le pasteur. Le futur Souverain pontife devra vraiment répondre au défi de l’unité de l’Église. Sur ce point-là, faisons aussi confiance à l’Esprit Saint. Souvenez-vous de l’élection de Jean-Paul II, mais aussi de François, qui furent des surprises. Il faut garder confiance car « l’Esprit souffle où il veut ».

Mgr Dominique Rey
« Des projets missionnaires »
Nommé évêque de Fréjus-Toulon par Jean-Paul II en 2000, Mgr Dominique Rey a quitté sa charge en janvier dernier, à la demande du pape François. « Il avait jugé suspect de me voir accueillir des communautés traditionalistes dans mon diocèse. Je n’ai pourtant fait qu’ouvrir la porte à des catholiques tout à fait attachés à la ligne Vatican II », explique-t-il aujourd’hui. Le voilà donc de retour à Paris « où, dit-il, tout a commencé pour moi » : il a été ordonné à Notre-Dame, en 1984. Résidant désormais à la paroisse Notre-Dame-des-Champs (XIVe), il entend « soutenir ce qui fait l’ADN du christianisme et nourrit toute véritable vocation : l’annonce de l’Évangile, la formation de communautés fraternelles et solidaires, l’éclosion et l’incubation de projets missionnaires ». Toujours attentif, poursuit-il, « à ce qui demeure dans le Christ, aux nouveaux charismes qui surgissent dans l’Église et aux attentes des nouvelles générations ».