Pourquoi Jésus a-t-il fondé l’Église ? - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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Pourquoi Jésus a-t-il fondé l’Église ?

L’Église, depuis 2000 ans, a subi bien des tempêtes. Qu’elle y ait résisté prouve bien sa constitution surnaturelle. Et sa nécessité.
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Le Christ confiant les clefs à saint Pierre, 1612, Pierre-Paul Rubens, Pinacothèque de Berlin. © Sailko / CC by

Quand l’Église tombe dans la conversation, une distinction vient rapidement sur le tapis : on insiste pour ne pas confondre l’« Église invisible » avec « l’Église visible ». On entend ainsi différencier le « corps mystique du Christ » qui est l’ensemble des fidèles – vivants et morts – de l’institution ecclésiale, dotée de sa structure hiérarchique, de son organisation et de son autorité. Le plus souvent, bien sûr, la distinction est faite au bénéfice de la première, la seconde étant regardée avec une certaine réserve, voire une vraie défiance : « le peuple des fidèles, oui ! l’institution, sa discipline, ses palais, ses hiérarques, non ! »

Aussi commune soit-elle, cette distinction n’est pas acceptable. Du moins quand on la conçoit comme une séparation complète, grevée d’une charge polémique contre toute idée d’institution. Pourquoi ? Mais parce que c’est Jésus-Christ qui a fondé l’Église et que, la fondant, il n’a pas simplement rassemblé ses brebis sous un beau nom, il a institué une société hiérarchique, visible et indéfectible. C’est là-dessus qu’il vaut la peine de s’arrêter un peu.

Volonté du Christ

Tout part du fait que le Christ a voulu que sa parole – et sa grâce – soient transmises, propagées, expliquées, conformément au sens qu’il leur avait donné pendant son ministère : « Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront point » (Mt 24, 35). Or, qui veut la fin, veut les moyens. Et pour que sa parole, et les sacrements qu’il a institués, soient conservés sans jamais être dénaturés par le bruit du monde et l’arbitraire des hommes, il convenait qu’un canal sécurisé soit mis en place, à perpétuité.

Sans cela, c’eût été la division assurée, la dispersion doctrinale et la prolifération des chapelles, comme l’a montré l’aventure protestante. C’est pourquoi le Christ a choisi des apôtres et leur a confié la mission « d’enseigner et de baptiser les nations jusqu’à la fin du monde », sous la direction de saint Pierre, un disciple qui, malgré ses faiblesses, fut le premier à témoigner de sa foi dans la divinité du Messie. À lui, et à ses successeurs, fut confiée la mission particulière, en vertu d’une assistance spéciale de l’Esprit, de trancher en dernière instance les conflits d’interprétation : « Pierre, j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Toi, donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 31-32). « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16, 18).

Une triple fonction

L’Église primitive est donc bien une institution hiérarchique, dont les supérieurs ont une triple fonction : enseigner, sanctifier et gouverner. Dès l’origine, elle est une société subsistante de droit divin, se perpétuant par cooptation. Qu’elle n’ait pas eu, en ses premiers temps, de bureaux, de voitures blindées, de palais dorés ne change rien à l’affaire. Cela fait au contraire apparaître l’essentiel de manière plus visible.

Il est vrai que, lorsqu’on entend dire que le « Christ a fondé l’Église », l’imagination est assaillie d’images plus ou moins loufoques : on voit par exemple celle du Messie, un rabbi en sandales, qui n’avait même pas une pierre où poser la tête, subitement entouré de toute la pompe romaine, environné de cardinaux, escorté de gardes suisses habillés par Michel-Ange, trônant sous le baldaquin étincelant d’une majestueuse cathédrale. Ou bien celle du Christ aux outrages, projeté d’un seul coup à la tête d’une armée de bureaucrates romains croulant sous la paperasse. Les critiques de l’Église aiment jouer de ce contraste anachronique pour mettre en doute la fondation divine de l’Église : « Quel décorum ! Quelles peintures païennes ! Quel apparat digne d’un empereur romain ! »

Transmission de la foi

Les plus réticents demanderont comment les papes du Xe siècle, Jean IX, Jean X, Jean XII, comment le pape Borgia, Alexandre VI, pourraient bien être les successeurs de saint Pierre. Mais ce contraste ne porte pas sur l’essentiel. La seule bonne question à poser est : l’Église a-t-elle oui ou non permis une transmission et une conservation du dépôt de la foi tout au long des siècles ? La réponse est oui. Un seul pape a-t-il professé la moindre hérésie contraire au symbole de Nicée-Constantinople ? Non.

Ce fait en lui-même est extraordinaire. Tout le reste est accessoire. Souvenons-nous simplement que l’Église, au moment de sa fondation par le Christ, avait la figure de douze Apôtres, pas tous très courageux, dont Pierre était le chef. Que l’expansion du christianisme ait entraîné la création de structures administratives, de tribunaux internes, de codifications législatives ne doit pas nous faire oublier l’essentiel qui réside dans les missions de l’Église et dans l’origine divine de son autorité. L’incarnation de l’Église entraîne avec elle toutes les misères de la condition humaine, au nombre desquelles on peut compter la fonctionnarisation, le pharisaïsme, les luttes de pouvoir, la lâcheté dans les pires moments, la démagogie, la tentation des marchands du Temple… On n’en finirait pas.

Fidélité de saint Pierre

La Réforme, commencée comme une critique légitime des écarts de conduite et des dérives pharisaïques des hiérarques romains, s’est transformée en une remise en cause radicale de l’existence même de l’Église comme garante du dépôt de la foi. C’était lâcher la proie pour l’ombre. Bien vite, les réformateurs durent se transformer en papes de substitution, prenant leur rigueur de conduite pour une garantie d’infaillibilité.
C’était oublier le personnage de Pierre, dont Jésus ne prisait pas la conduite, mais bien la foi indéfectible. Ce contraste entre les faiblesses de l’humaine condition et la transmission indéfectible du dépôt de la foi, est un indice de l’assistance divine. Quand on regarde l’Église, on se dit : qu’un tel navire, qui a eu si souvent toutes les raisons humaines et matérielles de sombrer corps et âme, n’ait jamais péri et continue de transmettre la foi des Apôtres, voilà un indice de sa constitution surnaturelle !