Léon XIV s’est adressé, le samedi 21 juin, aux élus et aux dirigeants politiques venus de 68 pays à l’occasion du Jubilé des pouvoirs publics organisé à Rome, notamment en présence d’une délégation française. Il aborde, dans une allocution pourtant brève, des thèmes tout à fait essentiels, tels que les déséquilibres injustes de la vie économique et la protection de la liberté religieuse. Il rappelle, à ce propos, la figure de saint Thomas More, martyrisé en raison de son opposition au pouvoir royal : « Le courage qu’il montre, en étant prêt à donner sa vie plutôt que de trahir la vérité, fait de lui, aujourd’hui encore, un martyr de la liberté et de la primauté de la conscience. »
Le « basculement » de l’euthanasie
Un tel exemple n’est nullement anachronique dans le monde d’aujourd’hui, même dans les États qui se réclament de la primauté du droit. On sait les menaces qui pèsent sur les défenseurs de la vie dans la loi française en discussion, qui légitime le délit d’entraves à l’euthanasie. À ce propos, Mgr Paul Richard Gallagher, représentant de la diplomatie du Saint-Siège, avait déploré devant les élus français le droit de donner la mort : « Transformer la mort en un droit marque un basculement moral préoccupant. » Basculement moral qui bouleverse le prélat et s’oppose au « chemin de fraternité » défendu par le président Macron. On est donc bien obligé de constater un désaccord majeur qui oppose le magistère catholique à l’autorité politique.
Est-ce à dire qu’en vertu de la distinction nécessaire du spirituel et du temporel, l’Église et l’État seraient dans des perspectives différentes, la loi de Dieu n’étant pas celle de la République ? Léon XIV s’oppose de front à une telle conception, mettant en évidence la loi naturelle « non écrite de main d’homme, mais reconnue comme valable en tout temps et en tout lieu, et trouvant son fondement le plus plausible et convaincant dans la nature elle-même. » Sur ce point, le pape n’hésite pas à se référer à Cicéron dans son traité De Republica. Ce faisant, il s’inscrit dans une longue tradition ecclésiale, notamment illustrée par son maître saint Augustin et reprise par saint Thomas d’Aquin, dans une synthèse qui montre combien la foi et la raison se retrouvent au service de la dignité humaine.
Voilà qui renvoie également à la discussion célèbre entre le cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, et le philosophe allemand Jürgen Habermas, pourtant représentant d’un certain rationalisme occidental. Loin d’être en opposition avec les exigences de la raison, les données de la Révélation sont en corrélation avec elles. Et le langage de la foi est d’autant plus audible à l’intelligence qu’il retrouve les exigences d’une loi naturelle, qui s’exprime depuis les origines de la pensée philosophique.
On ne s’étonnera donc pas que le nouveau Pape entre résolument dans le débat politique contemporain, en y faisant entendre une voix qui soit audible, pour peu qu’on soit fidèle à la meilleure sagesse humaine et « à la loi telle qu’elle est implantée dans la conscience », selon le mot de saint Augustin dans ses Confessions.