Qui peut prétendre percer le mystère d’un homme ? A fortiori s’il est pape, et porte sur ses épaules le poids de l’Église universelle, dont la barque traverse depuis plusieurs décennies des flots impétueux qui menacent de la faire chavirer… Déjà en mars 2005, son prédécesseur, alors cardinal Joseph Ratzinger, l’avait noté lors du Chemin de croix au Colisée : « Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. » C’était dix jours avant la mort de Jean-Paul II, qui devait voir l’élection du même cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au trône de Pierre.
Mais les papes se succèdent, et la barque ne coule pas, depuis plus de 2000 ans, conformément à la parole du Christ à saint Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » C’est donc qu’il y a une part de l’histoire de l’Église qui échappe aux regards purement humains. C’est ce que soulignait le 16 mars 2013 le pape François, trois jours après avoir succédé à Benoît XVI, en s’adressant aux médias qui avaient suivi le conclave. Les événements de la foi, affirmait-il ainsi, « répondent à une logique qui n’est pas principalement celle des catégories, pour ainsi dire, mondaines ». Et le Pape ajoutait que le vrai Pasteur de l’Église, c’est le Christ, même si sa présence dans l’histoire passe par la liberté des hommes : « Parmi eux, l’un est choisi pour servir comme son Vicaire, Successeur de l’Apôtre Pierre, mais le Christ est le centre, non le Successeur de Pierre. Le Christ est la référence fondamentale, le cœur de l’Église. Sans lui, Pierre et l’Église n’existeraient pas et n’auraient pas de raison d’être. »
C’est le choix que nous avons fait dans ce numéro hommage, de ne retenir du pontificat qui vient de s’achever que les actes et les paroles qui disent quelque chose de Dieu et de l’histoire sainte qui s’écrit à travers les siècles et les hommes, quels qu’ils soient. Le Sacré-Cœur, la Vierge Marie, saint Joseph… Tous ces sujets appartiennent à cette piété populaire à laquelle le pape François avait rendu hommage en Corse, lors d’un de ses derniers voyages en décembre 2024, la réhabilitant ainsi qu’il l’avait exprimé dans sa dernière encyclique sur le Sacré-Cœur, à l’encontre d’une rationalité froide et désincarnée : « Je demande donc que personne ne se moque des expressions de ferveur croyante du peuple saint et fidèle de Dieu qui, dans sa piété populaire, cherche à consoler le Christ. » Pour le reste, il faudra sans doute du temps pour que l’histoire puisse juger de ce pontificat, ce qui n’empêche pas de prier pour le défunt pape, et de le confier à la miséricorde de Dieu qu’il a tant louée.
L’objet de notre espérance
Le dernier acte d’importance accompli par le pape François aura été d’inaugurer une Année sainte en 2025, et de la placer sous le signe de l’espérance. Vertu surnaturelle qui est fondamentalement dirigée, plus que vers des espoirs temporels, vers cet au-delà que la prédication évangélique n’a eu de cesse de proclamer. Saint Pierre dans son épître affirme qu’il est de son devoir de « rendre compte de ce qui fait l’objet de notre espérance », à savoir le Ciel, l’éternité bienheureuse à laquelle nous sommes promis. Le décès du Saint-Père donne ainsi à cette Année jubilaire son orientation la plus complète : la vision de la gloire de Dieu et le salut des hommes !