Décidément, ce pontificat semble s’ouvrir sur le rappel de la présence des saints dans la vie de l’Église. Dans son premier message à la France, Léon XIV célébrait le centième anniversaire de la canonisation de trois figures majeures de la sainteté, si caractéristiques de notre patrimoine national : saint Jean Eudes, saint Jean-Marie Vianney et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Et voilà qu’il a convoqué ce 13 juin un consistoire (une réunion des cardinaux) en vue de la canonisation de neuf bienheureux, martyrs, fondateurs et laïcs engagés, qui incarnent la fécondité de la sainteté dans l’Église contemporaine. Les plus célèbre de ces futurs saints sont Pier Giorgio Frassati, étudiant turinois, passionné de montagne, mais surtout modèle privilégié de la jeunesse catholique, ainsi que Carlo Acutis, dont la canonisation s’est trouvée retardée par la mort du pape François. Ils seront tous deux canonisés le 7 septembre 2025.
« Le génie de l’amour »
Léon XIV rappelle que sainte Thérèse est le grand docteur en scientia amoris (n’est-elle pas docteur de l’Église ?). Mais précisément, cette science de l’amour n’est-elle pas la caractéristique essentielle de la sainteté, avant même la reconnaissance de l’héroïcité des vertus ? Plus exactement, cette héroïcité n’est-elle pas le fruit de cette flamme intérieure qui illumine une vie ?
Lors de son voyage apostolique à Lyon, en octobre 1986, Jean-Paul II avait cité le mot de Bernanos : « Les saints ont le génie de l’amour. » Cette expression était tirée d’une conférence de l’écrivain au lendemain de la guerre, sous le titre : « Nos amis les saints. » Ce génie, précisait-il, n’est pas comparable à celui de l’artiste, réservé au petit nombre : « Le saint est l’homme qui sait trouver en lui, faire jaillir des profondeurs de son être, l’eau dont le Christ parlait à la Samaritaine. “Ceux qui en boivent n’auront jamais soif.” Elle est là en chacun de nous, la citerne profonde ouverte sous le ciel… »
La nécessité de la sainteté
C’est bien pour cela que Vatican II dans sa constitution sur l’Église (Lumen gentium) parle de vocation universelle à la sainteté. Car si tous les chrétiens sont loin d’avoir accédé à la perfection de ceux et celles que l’Église propose à leur vénération, ils n’en sont pas moins invités à suivre leur exemple, car c’est ce que leur demande le Christ dans l’Évangile. Bernanos remarquait encore que contrairement au moraliste qui considère la sainteté comme un luxe, il importe d’affirmer qu’elle est une nécessité : « C’est la sainteté, ce sont les saints qui maintiennent cette vie intérieure sans laquelle l’humanité se dégradera jusqu’à périr. »
Voilà qui consonne exactement avec le message que Léon XIV nous adresse, à nous singulièrement catholiques de France : « Les saints n’apparaissent pas spontanément, mais par la grâce, surgissent au sein de communautés chrétiennes qui ont su leur transmettre la foi, allumer en leur cœur l’amour de Jésus et le désir de le suivre. » Ce souvenir des grandes figures qui ont marqué notre histoire n’invite pas à la nostalgie, dit encore le Pape, elles doivent réveiller en nous l’espérance et susciter « un nouvel élan missionnaire. »