Ce chef-lieu de département se souvient bien d’avoir été une ville royale. La place Stanislas – anciennement « place Royale » – n’est certainement pas une place départementale ! Elle doit son nom au beau-père de Louis XV : Stanislas Leszczyński, lequel régna en souverain au milieu de l’extraordinaire ferronnerie rococo de Jean Lamour – les célèbres grilles qui en forment le contour.
La cité lorraine est un enchantement pour celui qui aime l’art classique mais aussi l’Art nouveau, dont elle est l’une des capitales européennes. Qu’elles sont belles, ces maisons nées à la Belle Époque ! Il faut absolument se promener les yeux rivés sur les façades fleuries de ces maisons bourgeoises, qui révèlent par ces extérieurs fantasques un art de vivre joyeux et coloré. La villa Majorelle, récemment restaurée, est l’incontournable visite pour plonger avec délice dans cette époque. Tout ici concourt à vous rendre heureux, des mascarons rocaille, qui ont l’air de se moquer des passants, à la dégustation d’une excellente bière locale… Sans oublier les délicieuses pâtisseries aux noms amusants de craquelines ou saint-epvres.
Le bon saint Nicolas
C’est le bon saint Nicolas qui veille sur la ville depuis qu’un chevalier lorrain a rapporté d’Italie l’une de ses phalanges, placée dans l’église Saint-Nicolas-du-Port. Les fêtes autour de ce saint sont encore bien vivantes, et ces traditions renaissantes sont les marques d’une réelle résurgence de la foi catholique dans cette contrée.
Nancy n’est française que depuis Louis XIII. Ses ascendances lotharingiennes sont plus anciennes. C’est aussi une ville celte : son nom vient de nance, qui signifie « marais » en celte. En arrivant de Corse, le ciel paraît un peu bas mais la diversité et la splendeur de la France éclatent dans le contraste entre cette capitale de l’Est et Bastia. Quel prodigieux assemblage que ce royaume dont l’unité ne tient ni à la géographie, ni à la race, ni même à la langue mais à un art de vivre et de s’entendre, à une communion de personnes si particulières dont le concours a formé une nation.
En faisant route vers l’Est, j’écoutais des propos sur le wokisme, l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur la conscience nationale. Mais en découvrant Nancy, sa gaieté et l’enthousiasme de sa population jeune et belle, j’ai compris que la réponse à cette menace était probablement d’apprendre à voir ce que cette ville nous dit par la beauté et la poésie de son histoire.
L’art de la rencontre
Ici, les Habsbourg ont rencontré les Bourbons et la maison d’Autriche a commencé à traiter avec la maison de France. Ici, les querelles entre grands voisins se sont apaisées. Aristote disait que la politique était l’art de la rencontre et du compromis, l’art de faire travailler ensemble au bien commun des forces dont les intérêts semblaient contraires. Plus que la ruse ou l’habilité, c’est bien l’amitié qui est le ciment des nations. Une promenade dans Nancy a fait fondre dans mon esprit la menace woke. C’est près d’ici que Barrès a chanté La Colline inspirée : « Il y a des lieux où souffle l’esprit. » C’est de cette terre qu’est venu le maréchal Lyautey ; c’est à quelques lieues d’ici qu’est née Jehanne. Il n’y a pas que la mesure et l’honorable compromis qui règnent sur cette terre, il y a aussi un souffle qui renverse les contingences terrestres qui se faisaient passer pour un avenir absolu. Ici est née, dans un temps effrayant pour la France, une espérance politique. Ici une vraie mystique a enfanté une vraie politique !