Musulmans convertis : et après ? - France Catholique
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Le journal de la semaine

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Musulmans convertis : et après ?

Le Christ attire à lui bien plus de musulmans qu’on ne le dit. La situation de ces convertis est si particulière que la mission de l’Église ne peut s’achever au jour de leur baptême.
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Mission d’évangélisation de rue. © Missionnaire de la Miséricorde divine.

« J’ai rejeté l’islam dès l’âge de 12 ans. Tout petit, j’étais attiré par le christianisme. Les églises me fascinaient. Lorsque je regardais des films sur l’exorcisme, je me disais que le Christ était vraiment fort. Un jour, j’ai lu l’Évangile de saint Matthieu, qui m’a profondément bouleversé. J’ai finalement demandé le baptême. J’avais alors la conviction que Dieu était amour. »

Simon-Matthieu a été baptisé à la vigile pascale de 2025, en l’église de la Sainte-Trinité, à Paris (9e). « J’ai cherché ma paroisse. Je me suis d’abord dirigé vers une église parisienne dont le curé n’était pas très avenant. C’est dommage, ça ne devrait pas arriver… J’ai finalement choisi la Sainte-Trinité, assez éloignée de chez moi, ce qui m’évitait des représailles. Dès le début, on m’a demandé de faire la quête. Les paroissiens sont venus spontanément me parler, je ne me suis pas senti jugé. »

De son côté, au fil des rencontres et de ses lectures, Myriam a fini par comprendre que la vérité se trouvait dans le christianisme. Elle aussi a demandé le baptême. « Pendant tout mon cheminement, j’ai eu la chance d’être entourée : dans ma paroisse, chez les Sœurs d’une communauté que j’affectionne beaucoup, par les amis que je rencontrais. La seule chose encore difficile aujourd’hui, c’est le regard des gens, lorsque je rentre dans certaines églises où personne ne me connaît. »

Premier défi pour l’Église : la prise de conscience. Les conversions de musulmans au christianisme sont bien réelles. Selon les chiffres de la Conférence des évêques de France, plus de 700 personnes d’origine musulmane reçoivent le baptême chaque année… et même 1 700 en 2025 selon Mission Ismérie. Face à ce flot de nouveaux baptisés, l’église « constate que ce mouvement ne vient pas de ce qu’elle a mis en place, mais d’un élan intérieur de plus en plus grand », précise l’abbé Jean-Raphaël Dubrule, supérieur des Missionnaires de la Miséricorde Divine. Cette communauté de prêtres, fondée en 2005, travaille à répandre la Miséricorde du Christ dans les cœurs et dans les rues.

Vincent Neymon confirme cet élan des cœurs. Il dirige Mission Ismérie, qui accompagne les convertis dans leur parcours de foi et veille à leur intégration dans l’Église catholique. Depuis six mois, cette association évangélise sur les réseaux sociaux, via son nouveau média, « La Rencontre ». « Aujourd’hui, nous ne parvenons pas à faire face au très grand nombre de demandes de contact que l’on a sur internet, explique Vincent Neymon. Nous avons 500 demandes en attente. C’est évident, Dieu travaille le cœur des musulmans. Mais, la foi de ces nouveaux convertis n’est pas tout de suite mûre. Il y a des allers et retours, des hésitations… L’écoute et l’accompagnement sont indispensables. »

Défi pastoral et communautaire

Pour les musulmans, tout départ de l’« oumma », la communauté de l’islam, est vécu comme une trahison. Ceux qui cheminent vers le baptême se retrouvent souvent seuls, se demandant même s’il est possible de se convertir. Très souvent rejetés par leurs parents, dépouillés de leurs biens, ils recherchent en l’Église leur nouvelle famille.

Beaucoup le soulignent : les nouveaux baptisés ne peuvent simplement rester entre eux, au sein de communautés de convertis. C’est un premier pas, nécessaire, qui leur permet de se référer à un groupe existant et dynamique. Mais l’insertion dans les paroisses, cœur de la vie de l’Église, est indispensable.

Depuis 2020, Ananie, affiliée au diocèse de Paris, œuvre auprès des paroisses pour mieux accueillir les nouveaux baptisés issus de l’islam. « Les maladresses de certains chrétiens ferment souvent la porte aux musulmans qui s’interrogent… », déplore le responsable de la mission. Les prêtres sont parfois peu renseignés sur ces questions, et pas toujours sensibles à la situation particulière de ces convertis. « Dieu fait son travail en se révélant à des musulmans, puis il nous les envoie. Le problème, c’est que certaines paroisses leur ferment la porte sans le savoir, poursuit ce responsable. Les nouveaux convertis se sentent parfois rejetés, parce que toujours considérés comme des musulmans, et non comme des chrétiens. » Ce que confirme l’abbé Dubrule : « La différence culturelle entraîne un effort supplémentaire pour intégrer ces nouveaux convertis issus de l’islam, effort que les paroissiens ne saisissent pas toujours. »

Former pour mieux aider

Pourtant, ces nouveaux baptisés revitalisent les paroisses, par leur esprit missionnaire et communautaire. « Ils enseignent l’amour de l’Église, qui souvent s’attiédit chez les catholiques », souligne Vincent Neymon. Mais face à la solitude, à l’incompréhension de la part d’autrui, aux difficultés matérielles, le risque est l’abandon.

Pour réduire ces difficultés, Mission Ismérie met l’accent sur le travail avec l’institution ecclésiale. « Les musulmans qui se convertissent arrivent chez nous avec des réflexes, des attentes très prononcées, des objections auxquelles il faut répondre. Début octobre, nous avons lancé une formation en ligne, destinée aux communautés paroissiales et aux équipes de catéchuménat. Nous avons déjà 300 inscrits » (sur mission-ismerie.com). Ces formations, très concrètes, et ouvertes à tout chrétien souhaitant s’engager auprès de ces âmes en recherche, insistent sur les défis et les méthodes de l’accompagnement.

De son côté, Ananie, directement missionnée par le diocèse de Paris, propose des vademecum pour les accompagnateurs, et veille à l’intelligence du choix des parrains et des formateurs. L’objectif : éviter autant que possible les erreurs souvent fatales qui galvaudent le message de la Révélation. Des prêtres assurent parfois que l’on peut trouver la même chose dans le Coran et dans la Bible, qu’Allah n’est finalement pas très différent de Dieu. « C’est une incompréhension grave du sacrifice de la Croix et de la Rédemption, et c’est insuffler le doute dans le cœur des catéchumènes », réagit Simon-Matthieu.

Suivre le chapitre 25 de saint Matthieu, telle est bien la mission de l’Église : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger… » (Mt 25, 35). Une situation qui appelle donc les chrétiens « de souche » à la conversion des cœurs.

À consulter sur Internet :
ananie.org
mission-ismerie.com
misericordedivine.fr