Lorsque les cardinaux entrent dans la chapelle Sixtine pour le conclave, ils sont revêtus de leur soutane rouge et en habit de chœur. Ce qui signifie deux choses très précises : un conclave est d’abord un acte liturgique, et la couleur rouge du martyre les engage à avoir en vue non pas leur intérêt propre, mais « la gloire de Dieu et le bien de l’Église », comme le précise le texte qui règle l’organisation du scrutin. Ainsi que l’a rappelé le cardinal Sandri, lors des discussions qui préparent le conclave : « Régner, c’est servir. » Et l’ancien préfet en charge des Églises orientales sait de quoi il parle : « Nous sommes tous appelés à servir, en témoignant de l’Évangile jusqu’à l’effusion du sang, comme nous l’avons juré le jour où nous avons été créés cardinaux », a-t-il insisté.
Une élection politique et spirituelle
Certes, les jours qui ont précédé le conclave ont bruissé de rumeurs et de manœuvres en vue d’influencer le vote, qui apparentent cette élection à un processus très politique. Ce qu’elle est partiellement, il ne faut pas le nier.
Mais dès la fermeture des portes de la chapelle Sixtine – « Extra omnes ! Que tout le monde sorte » –, seul demeure le silence de la conscience face à Dieu et au Jugement dernier, magnifiquement illustré par la fresque de Michel Ange. Comme l’a exprimé le cardinal David, des Philippines, « un conclave est une retraite. Les cardinaux prieront, et c’est dans l’esprit de la prière que nous demanderons (…) qui le Seigneur veut pour succéder au pape François. C’est pourquoi nous avons une grande obligation morale et spirituelle d’entrer dans le conclave, non pas dans un esprit politique, mais dans un esprit de prière. »
De fait, les enjeux sont énormes pour l’avenir de l’Église. Pour le 267e successeur de Pierre, il s’agira avant tout de « confirmer ses frères dans la foi », ainsi qu’il a été demandé au premier des Apôtres, et de transmettre fidèlement l’enseignement du Christ. Sans l’écorner ni le modifier, alors même que dans le monde entier, des législations viennent remettre en cause la loi naturelle issue des Dix Commandements. Il faudra donc « un pape courageux jusqu’à la Croix, comme le Christ », souligne ainsi le Frère Stéphane-Marie, recteur de l’église Saint-Nicolas-des-Lorrains à Rome, pour mener à bien l’évangélisation, raison d’être de l’Église, tout en demeurant dans la vérité. Dans une méditation inédite parue ces jours-ci, le pape François commentait ainsi la phrase du Christ à saint Pierre : « Passe derrière moi Satan ! » Selon lui, Pierre a voulu détourner Jésus de son chemin de Croix. « À nous aussi Papes, si parfois nous nous éloignons de son plan de salut, Jésus dit : « Ce n’est pas mon chemin, c’est le chemin de Satan ». »
Mais le Souverain pontife ne peut pas tout, et surtout, il ne le peut pas tout seul… Il faut aussi la sainteté du peuple de Dieu. Le pape Grégoire XIII l’avait bien compris, lorsqu’il demanda à saint Philippe Néri de construire une nouvelle église et d’y résider, contre son gré. Car c’était dans ce quartier qu’habitaient les employés de la Curie. Ainsi, par la sainteté de cet apôtre de Rome, le pontife réformerait bien plus sûrement l’Église que par des mesures administratives…