« La sainteté : un oui total à Dieu » - France Catholique
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« La sainteté : un oui total à Dieu »

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L'Ascension. Fresque de Giotto. Chapelle des Scrovegni de Padoue. © Fred de Noyelle / Godong

« La sainteté : un oui total à Dieu »

« La sainteté : un oui total à Dieu »

Le 1er novembre est la fête de tous les saints du Ciel. C’est aussi une grande fête d’espérance pour tous les baptisés, saints en puissance. Entretien avec le Père Max Huot de Longchamp, fondateur du Centre Saint-Jean-de-la-Croix.
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« Dieu seul est saint » (1 Samuel 2, 2). Qu’est-ce que la sainteté de Dieu ?

P. Max Huot de Longchamp : C’est l’essence même de ce qu’il est, le plus aimant, le plus puissant, le plus vivant, le plus inaccessible, le plus proche… Tous les superlatifs évoquent sa sainteté. Il est au-delà de tout de ce que nous pouvons imaginer. Sa sainteté, c’est la surabondance de toutes ses perfections. C’est ce qui fait que tout subsiste en lui. Elle nous est donc totalement insaisissable, de la même manière que nous ne pouvons pas regarder le soleil. Mais nous voyons tout grâce à sa lumière et toute vie sur terre est possible par lui. On ne peut donc pas dire « ce qu’est » la sainteté de Dieu mais « qui est » Dieu. Il est tellement saint qu’on dit qu’il est trois fois saint : « Saint saint saint le Seigneur, Dieu de l’univers », chantons-nous à la messe, en reprenant les mots de l’Apocalypse. Dieu est « un chant toujours nouveau », dit Jean de la Croix. On ne connaît Dieu que dans son commencement, il est la source intarissable.

Quelle est l’attitude face à la sainteté de Dieu ?

La seule attitude possible est l’adoration. Nous ne pouvons pas comprendre cette sainteté : nous ne pouvons que nous en émerveiller et l’adorer. Dieu est Un en trois Personnes : c’est le mystère de la Trinité. Il est un Dieu de relation, de communion, d’union. C’est un effet de son amour, de ce qu’il est en lui-même. Alors nous expérimentons la relation aux trois personnes divines, nous entrons en communion avec elles, nous vivons l’amour que Dieu vit lui-même. Dans l’adoration, cette sainteté de la Trinité se répand sur nous et nous englobe, comme le soleil qui nous inonde de sa lumière, sans que nous n’ayons rien à faire, sinon nous exposer à cette lumière. Voilà pourquoi la sainteté de Dieu nous transforme en lui, et son bonheur devient le nôtre.

Et nous, est-ce par le baptême que nous devenons saints ?

En effet, nous ne devenons pas saints après le baptême : nous le devenons le jour de notre baptême, par un don gratuit du Père, qui nous communique sa propre sainteté, par une pure grâce, en nous adoptant comme ses fils. Le geste liturgique du baptême nous remet dans l’union à Dieu perdue dans le péché originel. Et Dieu renoue alors avec son unique désir : ne faire qu’un avec nous. Nous devenons bénéficiaires de la sainteté de Dieu : elle devient la vie de notre vie. Voilà pourquoi un petit enfant qui vient d’être baptisé, c’est de la sainteté chimiquement pure car Dieu habite pleinement en lui ! Nous inversons souvent une juste compréhension du baptême, en en faisant un point de départ de la vie chrétienne. C’est vrai, si l’on veut dire par là qu’il faudra y être fidèle, mais il s’agit en cela de rester saint, non pas exactement de le devenir ; et en ce sens, chaque instant de la vie d’un baptisé doit redire le « oui » qui libère en lui la grâce baptismale.

Comment faire ?

En continuant, comme le petit enfant baptisé, à accepter de tout recevoir et de tout donner à Dieu. Le oui total à Dieu, le oui du fils, que ses parents ont dit pour lui ce jour-là, doit se prolonger dans tous les « oui » de sa vie quotidienne. La sainteté, c’est que chaque instant de notre vie soit un « oui », à la suite de ce oui du baptême. Et tous les oui que nous ne disons pas sur terre, nous les dirons au Purgatoire…

Devenir saint, c’est donc redevenir un enfant ?

Tout le message de l’Évangile est en effet de nous reconduire à l’enfance ! Nous n’entrerons pas dans le royaume des Cieux tant que nous n’aurons pas confiance, que nous ne dirons pas un oui total au Père, comme des enfants. Jésus nous prévient très clairement : « Le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent » (Mc 10, 14), et encore : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 18, 3).

Pourquoi dit-il cela ?

Parce que le petit enfant se jette dans les bras de son père sans aucune peur, dans une confiance totale. Pour ce qui dépend de nous, c’est simplement cela, la sainteté ! Nous vivions dans cet état d’innocence avant le péché originel mais celui-ci a déclenché la méfiance, la peur de Dieu. Aimer, c’est ne pas avoir peur de celui qu’on aime, c’est lui faire confiance, c’est désirer être uni à lui. La sainteté, c’est donc simplement de vivre en fils qui reçoivent tout de leur Père, en ayant totalement foi en Dieu, en nous abandonnant à lui : ce dont nous sommes tous capables. Le chrétien ne se définit pas par ce qu’il fait mais ce qu’il est : fils de Dieu par grâce. C’est très reposant, dans le sens qu’on ne s’inquiète plus de rien : on sait que Dieu est un père qui s’occupe de nous, qui pourvoit à tout. Et alors, avec la grâce de Dieu, nos conduites mauvaises laisseront place à des œuvres bonnes, nous dit saint Paul (Col 3, 1), soulignant que ce sera une conséquence, et non une condition, de cette grâce.

Dire oui à Dieu, est-ce la source du bonheur ?

La volonté de Dieu est toujours de vouloir notre bonheur ! Le seul bonheur vrai, c’est de laisser Dieu se répandre en nous, lui qui est la « source de toute sainteté », en disant oui à sa volonté en tout, en nous unissant à lui. À l’inverse, s’y opposer, c’est le malheur. « Le bois qui brûle en enfer n’est que le bois de ta volonté propre » (Jean Tauler, XIVe siècle). Supprimez l’orgueil, et vos peurs disparaîtront, et la racine de tous vos malheurs avec elles. Voyez la Vierge Marie tout au long de sa vie, et d’abord au jour de l’Annonciation : elle n’est qu’un continuel oui à Dieu.

Ne faut-il pas faire aussi des œuvres bonnes pour devenir saint ?

L’inverse serait plus juste : les œuvres bonnes sont l’effet de la sainteté, de notre union à Dieu, qui s’incarne alors dans notre agir humain. Le petit enfant à peine baptisé ne fait rien à proprement parler, tout en étant parfaitement saint. Les œuvres suivront plus tard. Et c’est à cette simplicité baptismale que nous invite la voie d’enfance d’une Thérèse de Lisieux. Aimer, c’est aimer l’autre pour ce qu’il est, c’est lui faire confiance : ce n’est pas une question de faire des choses pour l’autre. Les œuvres les plus simples peuvent être des actes d’amour pur, comme un enfant qui offre des pâquerettes à sa maman. La Révélation de Dieu dans la Bible n’est qu’une grande déclaration d’amour de Dieu pour nous. Il faut juste comprendre que la logique qui en découle est une logique d’union d’amour, et non une logique de conquête morale ou de perfection. C’est si simple la sainteté ! « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » (Mt 5, 48) : la perfection, c’est aller au bout de l’amour. Notre travail est de laisser Dieu répandre son amour en nous. Car si Dieu veut nous combler, il ne peut le faire sans notre accord effectif, voulant et agissant, et c’est toute notre responsabilité dans la sainteté.

Comment l’Église établit-elle la sainteté d’une personne ?

Elle étudie la sainteté de la personne en vérifiant si elle vivait la foi, ce dont témoignent ses œuvres, mais un témoignage n’est pas une condition. Nous ne sommes pour rien dans notre salut : c’est Dieu qui fait tout, sa grâce nous donne tout. « En couronnant nos mérites, Dieu couronne ses propres dons », résume saint Augustin. Depuis le premier concile de l’Église, à Jérusalem, jusqu’à Vatican II, la seule hérésie toujours condamnée, c’est le pélagianisme, qui consiste à croire que nous pouvons nous sauver par nos bonnes actions, notre bonne morale…

La prière d’oraison est-elle un lieu privilégié pour recevoir la sainteté de Dieu ?

Dans l’oraison, Dieu nous donne sa vie. Le mot vient du latin « os ad ora », indiquant le véritable « bouche à bouche » dans lequel Dieu insuffle à Adam sa propre vie, au livre de la Genèse. Il s’agit de le laisser nous remplir de lui, nous transformer en lui. Et si nous y consacrons explicitement certains moments, c’est pour que toute notre vie devienne oraison, reste unie à Dieu. Et l’exercice d’oraison proprement dit est pour que cette union soit constante, même quand nous dormons, si nous dormons parce que la volonté de Dieu est alors que nous dormions ! Le meilleur exemple, comme toujours, c’est Jésus lui-même, que nous voyons dans cette perpétuelle intention d’union à son Père. Or, le chrétien, « c’est Jésus continué », nous dit saint Jean Eudes. Il s’agit d’entrer dans cette intention d’union à notre Père, et pour cela de mener vie commune avec Jésus. Et c’est à cela que servent les moments explicites de prière dans nos journées. 

Pratique de la lecture spirituelle, Max Huot de Longchamp, Éd. Paroisse et Famille, 2025, 104 pages, 7 €.

L’Oraison de A à Z. À l’école des saints, Max Huot de Longchamp, Éd. Paroisse et Famille, 2019, 418 pages, 10 €.

Lieu de retraite : https://centresaintjeandelacroix.fr/