« La Royauté du Christ est aussi temporelle ! » - France Catholique
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Le Christ-Roi : Que son règne vienne !
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« La Royauté du Christ est aussi temporelle ! »

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© Pascal Deloche / Godong

« La Royauté du Christ est aussi temporelle ! »

« La Royauté du Christ est aussi temporelle ! »

Parce que le Christ est à la fois vrai homme et vrai Dieu, sa royauté s’exerce aussi sur les sociétés. Ce qui confère aux chrétiens la responsabilité de l’annoncer. Entretien avec le philosophe Thibaud Collin.
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Dans quelles circonstances Pie XI décide-t-il d’instituer la fête du Christ-Roi en 1925 ?

Thibaud Collin : On pourrait croire qu’après le cataclysme de la Première Guerre mondiale les années 1920 ont été des années paisibles. Pas du tout. Le conflit a révélé ce que deviennent des sociétés coupées de Dieu : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », écrit Paul Valéry dans La Crise de l’esprit, en 1919. Même l’insouciance à laquelle on résume parfois les « Années folles » témoigne d’une perte de repères : le défoulement, la jouissance éperdue après la tragédie, est une autre manifestation de cette société ignorant Dieu, qui méprise les principes fondant sa pérennité. C’est dans ce contexte que Pie XI, élu en 1922, publie son encyclique sur le Christ-Roi.

En France, c’est aussi le moment de l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches, résolument antichrétien…
La France avait renoué avec le Saint-Siège dans l’immédiat après-guerre mais, en effet, les relations se tendent à nouveau dès 1924 – c’est d’ailleurs en réaction au programme du cartel des gauches que le général de Castelnau va créer la Fédération nationale catholique et fonder France Catholique. Mais au-delà même de la France, les sociétés européennes rompent, souvent par à-coups, avec la foi catholique.

Quels buts Pie XI poursuit-il en instituant la fête du Christ-Roi ?

Dans ce contexte chaotique, le Pape entend manifester la clairvoyance de l’Église, en rappelant notamment la fécondité de la doctrine du Christ-Roi qui imprègne toute la tradition chrétienne. Car ce n’est pas une invention de Pie XI : en instaurant la fête du Christ-Roi, le Pape prend soin de souligner que la royauté du Christ est clairement affirmée dans les Évangiles. Par son encyclique, il souligne la pertinence et l’actualité d’une telle doctrine pour les sociétés qui se sont coupées de Dieu : la foi chrétienne a une dimension sociale. Elle ne se réduit pas à la pratique personnelle ou à l’intimité du foyer. Certes, la royauté du Christ est « avant tout spirituelle » – Pie XI le rappelle – mais elle est aussi temporelle !

Pourtant, le Christ affirme, dans son dialogue avec Pilate, que sa royauté « n’est pas de ce monde »…
On se méprend souvent sur le sens de cet échange. Cela signifie seulement que la royauté du Christ n’est pas issue de ce monde : elle n’est pas de la même nature que celle que revendiquent les hommes. Mais cela ne veut pas dire qu’elle ne s’exerce pas sur le monde. Puisque Dieu s’est fait homme, puisque le Verbe a endossé la nature humaine, « ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient », rappelle Pie XI.

Reste que l’on interprète souvent ce passage comme justifiant une stricte séparation entre ces deux domaines : d’un côté le spirituel, de l’autre le temporel.

L’Église a toujours distingué les deux domaines : le catholicisme n’est pas une théocratie, qui confierait aux prêtres l’exercice du pouvoir temporel. Mais César ne peut pas ignorer Dieu. L’exercice du pouvoir temporel est subordonné au respect du pouvoir spirituel, qui relève ultimement du Christ qui l’a délégué à son Église. C’est en ce sens que la royauté du Christ est « avant tout » spirituelle. La vraie souveraineté n’est pas celle du monarque, ou celle du peuple. Comme la royauté du Christ, la vraie souveraineté est « avant tout spirituelle ».

La distinction entre le spirituel et le temporel confère donc aux laïcs une éminente responsabilité dans la gestion de la cité…

Exactement. Les fidèles laïcs, par leur baptême, sont « prêtres, prophètes et rois ». Nous avons donc la responsabilité de participer à la vie sociale et politique en exerçant, selon nos capacités, la « royauté » que nous confère le baptême, au service du bien commun. Les laïcs catholiques, qui sont dans le monde sans être du monde, ont donc le devoir de manifester, à temps et à contretemps, la royauté sociale du Christ. C’est en ce sens qu’ils sont aussi « prophètes ».

La crise politique que nous vivons est-elle la conséquence de la négation de la royauté du Christ ?

La crise politique est le symptôme d’une crise bien plus profonde, morale et spirituelle, qui a des effets très concrets. Par exemple, la dette abyssale de notre pays est liée en grande partie à la désagrégation des anciennes solidarités : par ses interventions, l’État-Providence cherche désespérément à compenser la rupture des liens sociaux qu’avait tissés la chrétienté. Je pense notamment à la déliquescence de la famille. Nous payons le prix de la liberté sans entrave revendiquée naguère par les individus, et des droits sans limite exigés par des minorités innombrables, dont nous commençons à mesurer les effets délétères : la société se désagrège, la démographie s’effondre. Qui en paie le prix ? Les femmes isolées, les enfants des couples divorcés – et ceux qui ne verront jamais le jour –, les personnes âgées « invisibilisées » et bientôt menacées d’euthanasie… Et, finalement, la collectivité financièrement mise à contribution pour panser ces plaies, et les générations à venir obligées de solder les dettes de notre inconséquence.

L’effondrement de l’autorité est également lié à la perte des solidarités et des repères chrétiens : crise de l’éducation, crise de la justice, faillite de la sécurité… Or le fondement ultime de l’autorité, c’est bien l’autorité divine, supérieure à toute autre. Nier cette réalité au nom d’une liberté sans autre limite que la liberté de son voisin, c’est aller vers une société où l’on ne cesse de transgresser la loi naturelle et les interdits fondateurs. C’est aller vers le chaos, à rebours de la création ordonnée. C’est retourner au néant. Retrouver la royauté du Christ, c’est admettre que l’homme n’est pas sa propre mesure et que le bien commun n’est pas la somme des libertés ni des intérêts individuels. Il y a un bien objectif, qui n’est pas relatif.

Comment les chrétiens peuvent-ils agir pour rétablir cet ordre chrétien, conforme à la royauté sociale du Christ ?

D’abord, en accomplissant humblement leur devoir d’État. Chacun peut s’engager, selon ses compétences, dans le domaine familial, éducatif, associatif, communal… S’investir dans la « société civile », comme on dit, en ayant cependant conscience qu’on ne peut pas faire l’économie d’une réflexion politique critique. Bon nombre de chrétiens s’engagent généreusement dans l’action sociale mais récusent toute critique du système politique. Or se contenter de déployer une action charitable dans le cadre actuel, c’est assurer la pérennité d’un système intrinsèquement mauvais puisqu’il rejette la royauté du Christ, avec les conséquences qu’on a évoquées. Il faut que les chrétiens acceptent désormais d’agir dans le champ politique en tant que chrétiens, en montrant que seule la foi peut sauver la raison et seule la grâce peut sauver l’ordre naturel.

Ne risque-t-on pas d’accuser les chrétiens de fidéisme, ou de repli confessionnel ?

Je crois vraiment qu’il faut oser déployer les implications sociales et politiques de notre foi. S’ils s’y refusent, par excès de prudence ou par timidité, les chrétiens seront « cornérisés » – comme on l’a vu lors des débats sur la loi Taubira – mais surtout la société continuera de se déliter. La déconstruction de la raison et de la nature humaine est si avancée, et périlleuse pour l’homme, qu’il faut engager la réflexion sur les racines de la crise, donc sur le rejet de Dieu. Dans une société « post-chrétienne », il faut montrer l’actualité civilisationnelle, politique, sociale, anthropologique, éthique de la foi : la foi vient au secours de la raison, et la grâce au secours de la nature. Les chrétiens doivent s’en persuader et convaincre ceux qui ne le sont pas qu’elles vont de pair, pour le bien de la société.

Mais ne soyons pas iréniques : cela n’ira jamais sans difficultés, ni tensions qu’il ne faut pas craindre d’assumer. Il ne s’agit pas de transiger avec la vérité, d’accepter une paix de compromis qui n’en serait pas une. La paix du Christ est une paix exigeante : elle est fondée sur la justice, et la justice est fondée sur la vérité. Pie XI le souligne dans son encyclique : « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix – se répandraient infailliblement sur la société tout entière. » Cela vaut la peine d’essayer, non ?

Le Christ-Roi pour tous

SETH Talk organise avec France Catholique une soirée sur le Christ-Roi, le 12 novembre, à Paris.

Comment bâtir une société où le Christ règne sur les cœurs, les intelligences et les sociétés pour y apporter la paix, la vérité et la liberté ? Les conférences SETH Talk renouvellent le genre par une série de témoignages percutants, sous forme de courtes interventions, qui feront redécouvrir la royauté du Christ sous ses différents aspects : l’actualité de la laïcité en France, le cas américain avec Charlie Kirk, l’histoire avec Jeanne d’Arc, la dévotion du Liban maronite, ainsi que ses traductions dans la vie personnelle et sociale. Une réflexion qui pourra nourrir le discernement de chacun. Et inciter à l’action. Parmi les intervenants : le philosophe Thibaud Collin ; le Père Ralph Chamoun, vicaire de Notre-Dame-du-Liban (Paris 5e) ; Aymeric de Maleissye, président de l’Association universelle des amis de Jeanne d’Arc ; l’influenceur Corentin Dugast ; Thomas Schmitz, président d’Ichtus…
Pétronille de Lestrade

Le 12 novembre à 19 h 45 à l’espace Bernanos (Paris 9e).
Inscriptions : https://www.helloasso.com/associations/cathoglad/evenements/inscriptions-seth-talk-royaute-du-christ-12-nov (tarif étudiant possible).