« L’Église a besoin de vous. Quelle contribution importante peut nous apporter aujourd’hui l’Orient chrétien ! Combien nous avons besoin de retrouver le sens du mystère, si vivant dans vos liturgies qui impliquent la personne humaine dans sa totalité, chantent la beauté du Salut et suscitent l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine ! »
Ces mots enthousiastes de Léon XIV, adressés le 14 mai aux représentants des Églises orientales, qui fêtaient ce jour-là leur jubilé à Rome, rappellent l’importance de ces communautés chrétiennes, si souvent confrontées à l’oppression sur les lieux où elles ont grandi. Remontant à la plus haute Antiquité du christianisme, certaines de ces églises orientales, d’origine apostolique, utilisent encore « la langue du Seigneur Jésus » dans leurs célébrations, a souligné le Pape.
Clés de compréhension
Mais leur mosaïque est telle que les catholiques de rite latin peinent à s’y retrouver et, faute de repères, renoncent trop souvent à les connaître. C’est le mérite d’Anne Le Pape, écrivain et journaliste, de nous fournir des clés de compréhension de leurs liturgies dans un petit livre clair et documenté sur « la tradition liturgique », à vrai dire presque une enquête qu’elle a menée dans les lieux de culte parisiens, par exemple Saint-Julien-le-Pauvre, où la messe est célébrée dans le rite grec-melkite, ou la cathédrale maronite Notre-Dame-du-Liban, rue d’Ulm. Des reportages complétés par des entretiens avec des prêtres desservant ces lieux de culte. « Cinq rites catholiques orientaux subsistent : l’alexandrin, l’arménien, le chaldéen, l’antiochien et le byzantin », précise Anne Le Pape.
Les différents rites romains
Mais l’intérêt de son livre est aussi de rappeler qu’il existe différents rites latins : le rite romain – dans sa forme ordinaire ou traditionnelle – mais aussi le rite cistercien, cartusien, dominicain ou même mozarabe… À ce propos, l’auteur rapporte une étonnante histoire. Pendant la Reconquista espagnole, l’abbaye de Cluny, dont l’influence s’exerçait dans toute l’Europe, tenta d’établir la réforme grégorienne dans les villes reprises sur les Arabes. Or, « les chrétiens de Tolède tenaient à la liturgie de saint Isidore, maintenue pendant quatre siècles en terre musulmane ».
On eut alors la curieuse idée de jeter dans les flammes d’un bûcher deux missels des deux liturgies en concurrence, pour voir lequel y résisterait. Selon la tradition, « l’apôtre Jacques apparut et retira du feu les deux ouvrages, qui en sortirent tous deux intacts. Devant cette volonté divine si évidente, il fut décidé que les deux liturgies auraient droit de cité à Tolède », si bien qu’y sont encore célébrées des messes en rite mozarabe, selon la règle de saint Isidore. C’est dire si la diversité des liturgies constitue un trésor aux yeux de Dieu, pourvu que le culte lui soit dignement rendu.
La tradition liturgique. Les rites catholiques, latins et orientaux, reçus des apôtres, Anne Le Pape, éd. l’Homme Nouveau, 2024, 100 pages, 15 €.