Le premier voyage international que Léon XIV va entreprendre revêt une importance toute particulière eu égard à sa relation avec l’histoire du christianisme et l’affirmation de la foi. Il y a des raisons immédiates à la visite au Liban, vu la situation éprouvante des chrétiens de ce pays. Mais il y a des raisons fondamentales à ce pèlerinage en Turquie, qui permet à l’Église tout entière, en la personne du successeur de Pierre, de célébrer une étape historique, où fut affirmée une donnée essentielle du Credo, notamment en ce qui concerne l’identité du Christ. Nous croyons, en effet, selon la formule précise du concile de Nicée (325) « en un Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre… ». Ainsi se trouvait condamnée l’hérésie d’Arius, qui exerça longtemps ses ravages dans la chrétienté. Mais, par-dessus tout, était affirmée par l’autorité ecclésiale une vérité qui éclaire toute la vie chrétienne quant au Seigneur, consubstantiel au Père, venu nous apporter le Salut.
Une Tradition bimillénaire
C’est dire aussi la mission de l’Église pour enseigner, donner toutes les précisions nécessaires quant à la Révélation. Certes, il faut souligner le caractère indépassable des Saintes Écritures dans l’expression de cette Révélation. Mais elles ne peuvent être complètement saisies que dans la méditation de l’Église, telle qu’elle se développe dans une Tradition qui lui est totalement associée. Ce fut le mérite de la constitution Dei Verbum de Vatican II de bien marquer cette intimité de la parole de Dieu et de la tradition chrétienne. Une tradition qui ne va pas sans développement, ainsi que le cardinal Newman, docteur de l’Église, l’a lumineusement expliqué dans son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. Et ce n’est nullement par hasard que la pensée de Newman est née de sa réflexion sur l’arianisme et sur la nécessité d’un magistère pour redresser les erreurs, combattre ce qu’on appelle les hérésies.
Oui, le christianisme est attaché à un dogme, c’est-à-dire un ensemble de vérités, définies par l’Église, comme appartenant à son patrimoine inaliénable. Certes, le mot proprement dit a pu porter à contestation sinon à confusion, en raison de son origine juridique. Aujourd’hui encore, on l’assimile à une sorte d’arbitraire de nature autoritaire, qui s’opposerait à la libre effusion de l’intelligence. Mais c’est un contresens total. Loin d’être un instrument de fermeture, le dogme ouvre à l’infini du mystère trinitaire. Sans doute opère-t-il un barrage à l’égard d’options hérétiques, mais celles-ci constituent autant d’impasses et d’obstacles à l’identification de la Révélation.
Le pèlerinage accompli par le Saint-Père pour la célébration du 1700e anniversaire du concile de Nicée recèle donc une signification à approfondir. Il invite à se replonger dans la Tradition bimillénaire de l’Église, toute au service du Dieu ami des hommes. À l’encontre d’une formule trop souvent reprise, il convient d’affirmer que le Christ est inséparable de l’Église, qu’elle seule a reçu la grâce de l’annoncer et de faire connaître son message de Salut.





