La bataille de l’école libre : un précédent historique - France Catholique
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Menaces sur l'école catholique
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La bataille de l’école libre : un précédent historique

En 1984, des millions de Français étaient descendus dans la rue pour défendre la liberté de l’enseignement contre le projet présenté par la gauche.
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Lorsque François Mitterrand est élu à la présidence de la République en mai 1981, on sait que la question scolaire constituera un sujet sérieux de confrontation. Les partisans de la laïcité la plus dure n’ont jamais accepté la législation dont Michel Debré a pris l’initiative pour associer les établissements privés, pour l’essentiel catholiques, à une œuvre de service public par le biais de contrats. Le gouvernement s’était alors engagé dans une voie qui rompait avec une certaine conception de la République, et une idéologie anticléricale – sinon antichrétienne – qui s’était traduite dans le passé par une persécution dont on a oublié l’ampleur.

Surenchère laïque

Est-ce à dire que la victoire de la gauche unie, en 1981, signifiait la rupture avec cette législation, qui s’était pourtant imposée à l’opinion publique ? Les plus déterminés des militants « laïques » y comptaient bien, espérant que l’enseignement catholique sous contrat serait purement et simplement nationalisé. Mais, comme souvent, François Mitterrand s’était montré pour le moins ambigu à ce propos. Il se disait partisan d’un « grand service public, unifié et laïque de l’Éducation nationale » dont les contours restaient fort vagues. Il entendait en outre « convaincre et non contraindre », « rassembler et non diviser ».

Très rapidement, il apparaîtra qu’un tel dessein ne correspondait pas à la nationalisation préconisée par le Comité national d’action laïque, dirigé par Michel Bouchareissas. Le désaccord est patent avec Pierre Mauroy, Premier ministre, et Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale : tous deux promettent qu’un enseignement privé « continuera à exister dans ce pays ».

Le projet qu’Alain Savary présente en décembre 1982 ne satisfait donc ni le camp laïque, qui le juge « hors sujet », ni l’enseignement catholique qui craint pour son indépendance et sa singularité : se sentant en danger, il ne peut qu’affirmer son refus.

Néanmoins, le ministre de l’Éducation nationale entend poursuivre la discussion, son projet étant susceptible d’être négocié et amendé. De là une confrontation sévère entre les deux camps. Le camp laïque, déçu, va s’efforcer d’ajouter au texte gouvernemental des dispositions draconiennes dans le sens d’une intégration progressive de l’enseignement catholique. Alors que la possibilité d’un accord négocié avait pu être un moment envisagée, le durcissement du projet par des amendements socialistes (déposés notamment par André Laignel) débouche forcément vers un refus… et la mobilisation générale des partisans de la liberté scolaire.

Manifestations gigantesques

On pourrait parler à ce propos d’une véritable épopée militante, qui aboutit à des manifestations gigantesques : environ 60 000 manifestants à Bordeaux le 22 janvier 1984, plus de 100 000 le 29 à Lyon, 250 000 à Rennes le 18 février, près de 300 000 à Lille le 25, près de 600 000 à Versailles le 4 mars, selon Le Monde. Et, finalement, deux millions de manifestants à Paris le 24 juin 1984. Après quelques hésitations, François Mitterrand se décidera à retirer le projet Savary, qui avait d’ailleurs perdu une grande partie de son originalité. D’où la démission du ministre et du Premier ministre lui-même. Trois ans de combat avaient abouti à la victoire de la liberté scolaire et du caractère propre de l’école catholique. 

La Bataille de l’école, Gérard Leclerc, 334 pages, Denoël, 1985.