Pourquoi est-ce important de connaître ces différents noms ?
Père Étienne Méténier : Nommer une personne signifie que l’on souhaite entrer en relation avec elle, ce qui implique de la connaître. Dans la Bible, 120 noms se rapportent au Christ (dont 40 sont expliqués dans le livre, NDLR). Actuellement, en théologie et en exégèse, il y a un retour aux origines historiques et sémitiques de Jésus et de ses noms. En effet, il est essentiel de comprendre le sens car le nom est sacré : c’est la personne même et sa mission. Si l’on appelle Jésus par un seul de ses noms, cela nous donne de lui une connaissance très partielle, car chacun de ses noms est une facette de sa personne. Les connaître nous offre donc une vision en relief enrichie du Christ, de son essence divine et humaine. Il y a une complémentarité essentielle entre eux.
En quoi en avons-nous besoin dans notre vie spirituelle ?
Notre existence est une petite école d’amour pour se préparer au Ciel : notre niveau d’amour dans l’éternité sera fixé par les progrès que nous aurons faits sur la terre dans l’amour. Or pour aimer quelqu’un, il faut commencer par le connaître : cela vaut pour nos relations de la terre, mais combien plus avec l’amour absolu qui est Dieu. Donc il est indispensable de connaître ses noms révélés car chacun est une manière d’entrer et de vivre en communion avec le Christ : cela enrichit donc énormément la vie spirituelle. Dans la foi chrétienne, il y a toujours un harmonieux équilibre entre foi et raison. Nommer Jésus permet de le connaître, de faire mémoire de lui et de l’aimer. Ses noms ne sont pas des concepts : c’est la personne même de Dieu, qui est venu en personne pour nous sauver… Il ne veut pas rester loin dans les Cieux. Quand je nomme Dieu par un de ses noms, j’entre en relation avec lui : c’est un contact qui change mon existence, qui me donne la paix du cœur.
Comment peut-on prier avec les noms de Dieu ?
Il faut prononcer les noms de Jésus avec douceur pour entrer en cœur à cœur avec lui et laisser l’huile de douceur, de guérison de son nom descendre en nous. Ses noms répandent déjà sa grâce en nous, le rendent présent, par la connaissance profonde qu’ils nous donnent de lui. « Ton nom est une onction qui s’épanche » (Ct 1, 3). Lorsque les saints rajoutent l’adjectif possessif « mon » devant le nom de Dieu – « mon Dieu », « mon roi », « mon Sauveur »… –, cela montre le désir de communion avec lui.
Par quel nom commencer pour prier ?
Nous pouvons privilégier ceux qui nous aident à entrer en relation avec Jésus. Mais même s’il faut commencer par quelques noms, il faut essayer de l’appeler par tous ses noms, ne pas sélectionner nous-mêmes. On peut commencer bien sûr par Yeshua, « Jésus » – « le Seigneur sauve » –, le nom que l’archange Gabriel a indiqué à Marie et à Joseph. On connaît souvent un nom du Nouveau Testament par la personne de l’Ancien Testament qui le portait : Jésus et Josué, c’est le même nom en grec. Or Josué est l’héritier de Moïse, le médiateur entre Dieu et son peuple. C’est lui qui a fait entrer le peuple de Dieu dans la terre de la promesse – figure du Ciel – et a battu ses ennemis. Ainsi, lorsque Gabriel donne ce nom à Marie, il annonce ce que Jésus vient accomplir. En priant, il faut imaginer Marie et Joseph nommant leur fils par ce nom, avec la conscience qu’il est le Sauveur envoyé par Dieu… Ce nom réalise ce qu’il signifie. Ne le prononçons jamais avec distraction, appelons-le amoureusement dans notre cœur. « Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers » (Ph 2, 9-10).
Que signifie le nom « Fils de l’homme » ?
C’est le nom le plus employé par Jésus pour se désigner lui-même dans les Évangiles : il l’emploie 76 fois ! Dans l’Ancien Testament, il désigne la vulnérabilité d’un être humain, mais c’est aussi une citation du prophète Daniel (7, 13), qui annonce celui qui vient debout sur les nuées, donc qui est vraiment Dieu. Il annonce ainsi qu’il est à la fois pleinement homme et pleinement Dieu et qu’il est celui qui viendra juger les hommes à la fin des temps.
Et le nom « roi » ?
En araméen, « roi » se dit malkwt, dont la racine signifie « plénitude » : nous sommes faits pour cette plénitude du cœur que le Christ Roi vient nous donner. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi », dit saint Augustin. Dieu nous permet d’avoir cette intimité avec lui.
En cette veille de Noël, que dire du nom de « l’Enfant Jésus » ?
C’est le grand mystère de Noël : Dieu prend chair dans un bébé de 3 kilos. Sa divinité enveloppe mais n’écrase pas sa nature humaine : Jésus est l’homme en qui Dieu est caché et dont la vie de serviteur et d’obéissance, des entrailles de sa mère jusqu’à la Croix, exprime au plus haut point l’Amour divin. Par cet abaissement, il est venu nous guérir de la méfiance que nous avions envers lui depuis la Chute car ce que le péché a le plus abîmé en l’homme, c’est la confiance en Dieu… Dieu aurait pu s’incarner comme un archange triomphant ou un général glorieux mais il aurait forcé notre admiration, notre soumission. Au contraire, il s’abaisse dans un bébé pour devenir dépendant de nous… Comme dit sainte Thérèse, le propre de l’amour, c’est de s’abaisser : ce petit Enfant Dieu vient nous montrer l’abaissement de Dieu. Il vient nous guérir de nos manques de confiance en notre Père du Ciel. L’Enfant Jésus est le résumé de l’Incarnation. C’est la voie de l’enfance spirituelle à suivre : confiance absolue, douceur, simplicité, sincérité, joie…
Les noms de Jésus. Mieux le connaître pour mieux l’aimer, Étienne Méténier, Éd. des Béatitudes, nov. 2025, 192 pages, 17,50 €.
Une fête liturgique
Tous les 3 janvier, l’Église célèbre la fête du Saint Nom de Jésus. On doit l’essor de cette dévotion à saint Bernardin de Sienne (1380-1444). Prédicateur franciscain, il parcourut l’Italie en prêchant le nom de Jésus. À proximité de la chaire qu’il occupait, le saint faisait installer une bannière où était inscrit « IHS », translittération du nom grec de Jésus « Iesous » d’où partaient douze rayons solaires. Il tenait aussi une tablette que tous les fidèles pouvaient voir. Saint Bernardin prêcha avec tant de zèle que le monogramme « IHS » se retrouva sur de nombreux hôtels de ville, dont celui de Sienne, encore visible aujourd’hui.
Constantin de Vergennes
