Georges de La Tour, peintre contemplatif - France Catholique
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Georges de La Tour, peintre contemplatif

À partir du 11 septembre, le musée Jacquemart-André, à Paris, consacre une exposition au peintre Georges de La Tour (1593-1652) : « Entre ombre et lumière. » L’occasion de redécouvrir ce peintre de l’âme.
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La Vierge et l’Enfant avec sainte Anne, Georges de la Tour, V. 1640.

La Vierge et l’Enfant avec sainte Anne, Georges de la Tour, V. 1640.

Musée des Beaux-Arts de Rennes.

« Ce n’est pas seulement un très grand peintre, c’est un peintre mystique. Chacun de ses tableaux […] est un poème spirituel dont la lumière est le prétexte, mais non pas le sujet. L’âme du peintre apparaît dans le modelé et l’expression des figures, dans la plantation originale de la scène… » (Maurice Denis, peintre et historien de l’art, Histoire de l’art religieux, 1930).

Georges de La Tour naît le 14 mars 1593, cinq ans avant la fin des guerres de Religion, à Vic-sur-Seille, dans le très catholique duché de Lorraine. On sait peu de choses de sa formation, mais il a sans doute reçu une éducation de qualité qui lui permet – bien qu’il soit fils de boulanger – d’épouser en 1617 la fille de l’argentier du duc de Lorraine, Diane Le Nerf. Le couple vit à Lunéville, c’est le début d’une brillante carrière de peintre, sous le règne d’Henri II de Lorraine. Les La Tour s’installent deux ans plus tard à la cour ducale, au château de Lunéville. Le peintre est reçu « bourgeois » de la ville en 1620.

De nombreuses commandes affluent, de sujets religieux et de scènes de genre. Mais la guerre de Trente Ans (1618-1648) déchire l’Europe et l’invasion du duché par les Français, qui incendient Lunéville en 1638, pousse les époux à partir à Nancy puis à Paris, où Georges de La Tour offre à Louis XIII une de ses œuvres, Saint Sébastien soigné par Irène, dont on ne connaît que des copies. « Cette pièce était d’un goût si parfait que le roi fit ôter de sa chambre tous les autres tableaux pour n’y laisser que celui-là », rapporte Dom Augustin Calmet, religieux érudit, auteur d’une notice biographique sur le peintre, en 1751.

Commensal du roi

Nommé peintre ordinaire et commensal du roi (un titre prestigieux), Georges de La Tour reçoit un logement au Louvre. Il repart pourtant en Lorraine en 1642, la retrouvant dévastée par la guerre et la population plongée dans la misère qu’évoquent ses tableaux.

La Tour est un artiste inclassable. En plein Grand Siècle français – le XVIIe siècle –, il diffère du classicisme de Poussin ou de Vouet. Et de Caravage, dont il est pourtant souvent considéré comme un disciple, en raison de son style en clair-obscur. Dans cette période artistique flamboyante, qui suit le concile de Trente, ses tableaux détonnent par leur dépouillement très franciscain, spiritualité dont on sait qu’il était proche : « Comme beaucoup de Lorrains, il compte des frères mineurs au sein de sa famille proche, à savoir deux cordeliers », révèle l’historien Pierre Moracchini, spécialiste des franciscains en Lorraine et de Georges de La Tour.

Par ailleurs, dans une cour ducale de Lorraine très attachée à la Contre-Réforme, son style méditatif évoque aussi l’École française de spiritualité. Cette mystique nouvelle promeut l’union intime de l’âme à Dieu, par la contemplation et l’oraison, entraînant un profond renouveau spirituel en France. Ses tableaux nocturnes en sont une éloquente illustration. Il est fort probable qu’il ait connu la grande figure lorraine de la « Contre-Réforme » : saint Pierre Fourier, chanoine de Saint-Augustin, curé près de Lunéville, engagé à rebâtir la foi catholique face à l’hérésie protestante. Le peintre participe à ce mouvement, peignant de nombreux portraits de saints et répondant à des commandes d’églises.

Force spirituelle

Outre quelques scènes de la vie quotidienne – où il semble scruter l’âme humaine pour en dénoncer le vice –, ses tableaux sont en majorité religieux. La Madeleine pénitente, Les Larmes de saint Pierre, Job raillé par sa femme… Tous rayonnent d’une bouleversante force émotionnelle et spirituelle. Elle provient de l’usage de couleurs chaudes et profondes et d’une intensité de silence, renforcée par la lumière artificielle et douce des flammes de bougies. Cette lumière, qui a fait la réputation du peintre, voile autant qu’elle révèle les inquiétudes spirituelles des personnages. Au cœur de la tragédie de la guerre, cette lumière repoussant l’épaisse obscurité veut peut-être aussi témoigner de l’espérance, cette « flamme » qui « percera des ténèbres éternelles »… 

Fascination intemporelle

Le style La Tour, c’est également un dénuement total, avec des cadrages resserrés sur des personnages très réalistes, sans aucun détail ; le doute volontaire laissé sur l’identité de nombre de ses personnages religieux ; et la maîtrise parfaite de la forme : « Lui seul au XVIIe siècle a vraiment su ce qu’était l’expression par la forme », écrit le peintre Henri Charlier, qui voit en lui le « précurseur de la peinture moderne » (L’Art et la Pensée, 1972). Tout cela confère à ses œuvres une apparence intemporelle et universelle, qui explique la fascination que La Tour exerce encore.

Fascination également liée au mystère qui l’entoure : il fut plongé dans l’oubli pendant trois cents ans ! Seuls deux tableaux signés, et l’un d’entre eux daté, ont permis de le redécouvrir, à partir de 1915. En 1934, l’exposition « Les Peintres de la Réalité en France au XVIIe siècle », au musée de l’Orangerie, à Paris, le révèle au grand public. Parmi la centaine d’œuvres connues, une quarantaine seulement, dûment identifiées, existent encore. Une mine d’or suffisante pour poursuivre cette tâche essentielle : « L’art n’a pas d’autre mission et d’autres fins que de porter les hommes à la piété et de les conduire vers Dieu », écrivait son contemporain Francisco Pacheco (L’Art de la peinture, 1638). 

Georges de La Tour. Entre ombre et lumière
Jusqu’au 25 janvier 2026, musée Jacquemart-André,
75008 Paris.
musee-jacquemart-andre.com