Expériences de mort imminente, « un message d’espérance » ? - France Catholique
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Expériences de mort imminente, « un message d’espérance » ?

Que penser des expériences de mort imminente (EMI) ? L’Église ne s’est pas prononcée officiellement. Ancien directeur du Bureau des constatations médicales des sanctuaires de Lourdes, le docteur Patrick Theillier les étudie depuis 25 ans.
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Le Poème de l’âme. L’idéal, Louis Janmot. 1854, musée des Beaux-Arts de Lyon. © Lyon MBA / Alain Basset

Comment définiriez-vous une EMI ?

Dr Patrick Theillier : Les expériences de mort imminente peuvent être définies comme un ensemble de visions et de sensations mémorisées par des personnes se trouvant temporairement en état de mort clinique ou dans un coma profond. Elles se caractérisent par une succession de phases spécifiques bien identifiées, qui les marquent à vie et les amènent à une transformation profonde de leur existence. Ces « expérienceurs » ont désormais un rapport à la mort très différent, la voyant comme faisant partie de la vie, comme un simple passage, affirmant que la vie ne s’arrête pas à la mort, qu’elle est magnifique malgré les épreuves. Ils expriment de la gratitude et nombreux sont ceux qui ont trouvé la paix.

Pourquoi dites-vous que les EMI sont un message d’espérance ?

De nos jours, la plupart des Occidentaux ne croient plus en la vie éternelle et les chrétiens en la Résurrection du Christ ! Ne vivons-nous pas en état « d’apostasie silencieuse » comme le disait Jean-Paul II, en état de mort spirituelle imminente ? Les EMI indiquent que la mort n’a pas le dernier mot, qu’elle n’est qu’un simple passage vers une autre vie emplie d’un amour infini. À nous de vivre en état de vie imminente ! Les EMI ont toujours existé mais elles ont la particularité, à notre époque, d’être plus fréquentes et médiatisées. Je suis convaincu que leur message est prophétique dans notre société occidentale privée de Dieu, abandonnée à elle-même, désorientée d’avoir perdu l’idée du Ciel.

Vous dites que ces phénomènes concordent avec la doctrine chrétienne de la mort…

Pour moi, les EMI sont en accord avec l’enseignement de l’Église : l’ensemble de leurs caractéristiques recoupent parfaitement la doctrine chrétienne sur la mort qui enseigne l’existence d’une vie éternelle, la séparation de l’âme et du corps à la mort métaphysique, l’immortalité de l’âme, l’existence de l’enfer, la communion des saints et un jugement particulier de chacun dans l’amour et la vérité. Qui plus est, seule l’anthropologie chrétienne peut apporter un début d’explication aux EMI. Et, inversement, les EMI apportent une confirmation que l’âme humaine est habitée par une autre réalité d’ordre spirituel, reliée à Dieu, appelée à la vie éternelle, gardant en elle l’empreinte de son corps qui ressuscitera un jour. Dans les seuls Évangiles, la vie éternelle est affichée comme une vérité absolue, son existence y est proclamée à 44 reprises.

Vous donnez des exemples de grands saints qui auraient vécu des EMI. Lesquels ?

Catherine de Sienne, Anne-Catherine Emmerich, Georgette Faniel – morte en 2002 – ont, semble-t-il, connu une EMI.
Thérèse d’Avila aurait vécu la même expérience d’une manière spectaculaire à l’âge de 15 ans. Elle tombe dans un mystérieux coma et, au troisième jour où elle ne donne plus signe de vie, elle est lavée et enveloppée d’un linceul. Le quatrième jour, des religieuses viennent chercher le cadavre pour l’inhumer. Elles prennent le temps de prier au chevet de la jeune défunte. C’est alors que Thérèse lève péniblement ses paupières, regarde l’installation de la chapelle ardente autour d’elle et découvre son linceul. Elle s’écrie : « Pourquoi m’avoir rappelée ? » Elle annonce qu’elle aura fort à faire en ce monde : on le lui a dit là où elle a été au Ciel, mais elle est effrayée car elle a vu aussi l’enfer ! Dans ses phrases confuses, ponctuées de sanglots, les religieuses entendent les mots « monastère », « fondation », « sauver les âmes ». Une expérience fondatrice qui lui fera prendre le chemin de la sainteté, réformer le Carmel et fonder 19 monastères dans l’Espagne du XVIe siècle.

Je retiens aussi Mariam Baouardy la petite Palestinienne, sainte Marie de Jésus Crucifié, qui a vécu au carmel de Pau la moitié de sa vie religieuse et qui a connu des manifestations mystiques exceptionnelles. Elle a vécu une EMI incroyable. Morte, la gorge tranchée par un musulman qui voulait lui faire abjurer sa foi catholique à Alexandrie en 1868, elle raconte : « Je me suis trouvée au Ciel ; j’ai vu la sainte Vierge, les anges, les saints m’accueillir avec une grande bonté… Point de soleil, point de lampe, mais tout était brillant de clarté. Je jouissais de tout ce que je voyais, mais quelqu’un vint me dire : votre livre n’est pas encore achevé. Il avait à peine fini de parler que la vision disparut et je revins à moi. » Par la suite, à l’endroit où elle se trouvait, elle a été soignée par une « religieuse » qu’elle reconnut plus tard comme étant la Vierge Marie elle-même.

À la lumière des EMI, comment comprendre la résurrection de la chair ?

J’aborde cette question en me référant à plusieurs théologiens. Ainsi, le Père François Varillon affirme : « Il n’y a pas de salle d’attente où l’âme, séparée du corps, attendrait la fin du monde pour récupérer son corps » ; le Père Jean-Marc Bot : « L’âme, séparée du corps à la mort, a en quelque sorte “la mémoire du corps”, tout le “programme du corps”, Ce n’est donc pas n’importe quelle âme, c’est l’âme de ce corps. » C’est bien moi, âme et corps, avec toute mon histoire, toute ma personnalité qui vis au Ciel. On peut dire que, par notre baptême, notre résurrection est déjà en gestation dans la part spiritualisée de notre corps, un corps non réincarné mais qui sera petit à petit transfiguré, divinisé en passant par la purification du purgatoire. Le Père Jean-Claude Hanus ajoute : « On n’attend pas sa résurrection comme on attend sa retraite. On l’attend plutôt comme on dit d’une femme qu’elle “attend un enfant”. Il est déjà là et tire tout à lui “jusqu’à voir le jour”. »

Les EMI viennent corroborer cette vision de notre destinée. Les « expérienceurs » racontent avoir rencontré des personnes défuntes parfaitement reconnaissables, rajeunies et transfigurées avec qui ils ont échangé. Comment les auraient-ils reconnues si elles n’étaient qu’esprit ? De fait, notre résurrection dans la chair est bien en germe depuis notre conception, jusqu’à la fin des temps, et donc pendant toute notre vie dans l’au-delà.

À l’heure du débat sur l’euthanasie, que nous enseignent les EMI ?

On parle de « fin de vie » pour ne pas dire « euthanasie » : ce détournement de langage est révélateur de la négation de « la vie après la vie ». La connaissance de ces EMI apporte un élément fondamental pour nous détourner de l’euthanasie ou du suicide assisté. Pour nous tous, pas seulement pour ceux qui ont vécu une EMI, c’est une expression actuelle de la miséricorde de Dieu pour que notre monde en désarroi s’ouvre à la vie divine. 

Les expériences de mort imminente pour tous. Un défi pour vivre dans l’Espérance, Dr Patrick Theillier, éd. Artège, mai 2025,216 pages, 18,90 €.